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Bulletin 2009 Histoire - Récits - Mémoire pêche

Le Vivier

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Cet été, Quai Gorin, une pancarte fixée sur un mur du vivier en annonçait sa mise en vente. Puis celle-ci a brusquement disparu, à l’insu des vendeurs. Pour modeste que soit ce bâtiment utilitaire, son histoire n’est déjà pas simple. Le chapitre qui s’annonce risque d’être de la même veine.

  • Dans les années 60, l’idée se discute dans les milieux de la pêche, d’accorder une concession à des marins pour développer l’élevage des moules en période hivernale. Le Comité Local des Pêches obtient des Ponts et Chaussées Maritimes une concession, rive droite de la Vie, en amont du pont de la Concorde.
  • En 1967,on passe des moules aux huîtres, dans le cadre d’une coopérative d’ostréiculture, la SOCOVIE qui réunit 150 sociétaires et fait travailler de 8 à 9 salariés traitant de 11 000 à 14 000 poches/an. Le naissain est acheté au Portugal dans les premiers temps, puis au Japon, après une épizootie qui ravagea les parcs à huîtres de la façade Atlantique, dans la même période. Ce naissain élevé dans les eaux de la Vie pendant 2 à 3 ans puis détroqué et nettoyé sur place, dans la cabane construite à cet effet sur le quai Gorin, est revendu par les ostréiculteurs de la Baie de Bourgneuf qui détiennent les circuits de commercialisation. Après une année défi citaire en 1968, l’activité triple en 1969 et redonne espoir aux gestionnaires qui poursuivront cette aquaculture jusqu’en 1974. A partir de 1975, la coopérative change de nom et devient « l’Huître Vendéenne » et se dote d’une implantation complémentaire à Bourgneuf. L’activité se maintient jusqu’en 1980 avec deux salariés qui traitent 3 000 poches/an. Mais la mauvaise qualité de l’eau favorisant la multiplication des épizooties, les huîtres deviennent invendables.
  • 1980, la cabane change de vocation. M. Jean Zinsius rachete la concession à M. Martial Rocheteau, de la Chaume, et développe un négoce de civelles. La cabane s’équipe de viviers et un quai d’accostage pour les civeliers est construit.

Jusqu’en 2006, une flotte de trente bateaux y compris ceux des Sables pouvaient pêcher jusqu’à 50 tonnes de civelles par saison, achetées essentiellement par un négociant basque, M. Anguleros Aquinolo. Depuis deux ans, le vivier a cessé son activité. Cependant 18 bateaux continuent la pêche aux civelles sur le Bassin de Vie mais le tonnage des prises ne cesse de décroître. Fort heureusement, ce produit voit son prix monter en flèche, stimulé par la demande japonaise.

Janine Bureau

Bulletin 2009 Dossiers d'actualité pêche

La pêche, déjà 4 ans de crise !

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Les faits parlent d’eux-mêmes. Tous les jours, des unités de pêche quittent le port de Saint-Gilles Croix-de- Vie pour la casse. Les plus chanceux partent faire une nouvelle carrière dans d’autres ports, jusqu’en Irlande parfois. Le pire est que les capacités de pêche du port sont ainsi irrémédiablement détruites car le but est d’organiser la diminution de la puissance de pêche. C’est ainsi que tel patron de pêche peut armer un bateau en remplacement de celui envoyé à la casse, à condition qu’il soit de plus faible puissance en kwh tout en conservant une capacité de pêche identique grâce au recours à de nouvelles technologies. C’est le cas du « Mendiant de la mer » prenant la suite du « Fruit de la Passion ». La rentabilité de la pêche en regard de la consommation d’énergie entre en ligne de compte tout autant que la préservation de la réserve halieutique. Le paradoxe est que lorsque les anchois ne seront plus menacés la flotte ne sera pas reconstituée. Les marins enragent à l’avance à l’idée que d’autres flottes pourraient venir pêcher en face du port tandis qu’eux-mêmes seraient paralysés par la destruction irréversible de leurs bateaux. Ce qui fâche les marins c’est que Bruxelles et l’Etat ont poussé à la pêche intensive prônée par Ifremer. Certes des mesures d’aide existent. Elles n’empêchent pas les équipages de se défaire. Des branches du métier vont disparaître ou s’oublier. C’est ainsi que les marins de l’île d’Yeu ont du réapprendre la pêche à la « bolinche » auprès de marins méditerranéens alors que leurs pères la pratiquaient brillamment. Déjà à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, sur les 300 marins qui partaient sur les gros bateaux, il n’en reste que 60. Le volume d’activité du port en témoigne : le tonnage est passé de 12 000 t à 4 000 t. La presse locale a permis aux professionnels de la pêche d’exposer l’ampleur de l’hémorragie qui a détruit près de 50 % de la flotte hauturière de Saint-Gilles-Croix-de- Vie : il ne restera que deux paires de bateaux de 20 m et plus sur 4, deux paires de bateaux de15 m sur 4 et 4 paires de 12 m. Seule la flottille des « caseyeurs » et des « ligneurs » s’en sort mieux. Renouvelée, elle fait une pêche de qualité qui sait valoriser les produits. Les civeliers pour leur part font une campagne de civelles, l’hiver et la ligne l’été. Au-delà des atteintes faites à la pêche c’est toute la filière économique qui est touchée par le diktat de Bruxelles. La réduction des quotas pour les anchois, il y a quatre ans a fait suite en 2007 et 2008 à des quotas zéro qui laissent les marins à quai. Pour sortir de l’ornière, les professionnels de la pêche estiment qu’il faudrait compter 8 à 15 bateaux de 15m dans le port. Le fait de s’être spécialisé dans la pêche aux poissons bleus explique-t- il que l’application draconienne des quotas soit catastrophique pour le port ? A cela les marins répondent que c’est le poisson qui en a décidé ainsi en élisant ses zones d’évolution à proximité de la côte. Ensuite les marins développent des talents spécifiques à force d’observer le comportement d’une espèce.

Les poissons peuvent-ils changer d’habitude ? Peut-être sont-ils ailleurs au lieu d’avoir disparu ? La pollution peut-elle expliquer la fragilisation des espèces autant sinon plus que la pêche ? Le stock de renouvellement des alevins à l’entrée de la Gironde ne serait-il pas touché par la pollution ? Nous sommes par ailleurs étonnés d’entendre les marins nous dire que si la tradition scientifique veut qu’on ne pêche pas l’anchois au nord du 46ème parallèle, il s’en est pêché plus d’une fois bien plus au nord. En effet, les études scientifiques témoignent du fait que les poissons migrent à la recherche d’un milieu leur convenant mieux à la suite du réchauffement des mers. L’Institut de Recherche pour l’Ingénierie de l’Agriculture et de l’Environnement en témoigne. Sur la base d’un réchauffement du climat de +3°4, 2/3 des espèces amphihalines* verraient leur espace vital se réduire. L’éperlan par exemple en perdrait 100%. Les espèces particulièrement menacées dans l’immédiat sont les anguilles européennes, l’alose feinte et la vimbe. Les marins déplorent que ces études ne soient pas assez rapprochées et comparées avec leurs propres observations. Pour eux, il faudrait faire vite car l’enjeu est la survie de leur métier et au-delà, celle d’une filière économique, la culture et la personnalité du port.

Gérard Roches