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Bulletin 2017 Histoire - récit - mémoire

Quelles perspectives pour l’aire urbaine du havre de Vie ?

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Après la fusion de deux communes du havre de Vie en 1967 et le long eff ort de coopération intercommunale avec les communes voisines du pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie (cf. article précédent), quelles sont les perspectives de rapprochement des communes du havre de Vie pour organiser la future ville littorale peut-on entrevoir ?

L’idée de regroupement communal en marche :
Nous avons vu dans l’article précédent les différentes formes qu’a prises la nécessaire mutualisation des moyens et des compétences : les syndicats et autres coopérations intercommunales, la Communauté de Communes, qui s’est étoffée en territoire et en compétence. L’idée de regroupement communal, de fusion de Saint-Gilles-Croix-de- Vie avec ses voisines a poursuivi son chemin chez les élus, engagés dans la coopération intercommunale et le fonctionnement de la Communauté de communes(1), et également parmi la population, dans les associations.
Du côté des élus, l’année 2014 fut riche en déclarations, d’abord à l’occasion des voeux de janvier 2014 (où les deux maires sortants des dernières élections, Jacques Fraisse et Patrick Nayl, ont
annoncé qu’ils étaient favorables à la fusion), puis lors des élections municipales de 2014, les nouveaux maires de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et Saint-Hilaire- de-Riez ont séparément annoncé
qu’ils étaient également favorables à une fusion de communes. L’été 2016, lors des réunions du quartier de Croix-de-Vie, le Maire de Saint- Gilles-Croix-de-Vie, entouré de ses élus, a annoncé : «Une fusion avec Saint-Hilaire et d’autres est possible». «La fusion, moi je dis oui mais il ne faut pas s’arrêter là… Il y a aussi Givrand, Le Fenouiller,
Notre-Dame-de-Riez. Il faut y réfléchir car c’est l’avenir, mais une fusion reste très complexe» (2).

L’un des scénarii de configuration de la nouvelle commune du havre de Vie

Du côté de la population, l’osmose «intercommunale» est déjà réelle dans bien des domaines. Citons : le domaine de l’emploi avec des actifs travaillant dans une commune et habitant dans l’autre, celui de la consommation où les marchés, centres commerciaux, boutiques de proximité, magasins ou dépôts de circuit court accueillent indifféremment les consommateurs de l’aire urbaine ; celui de la culture qui rassemble la population lors des différents spectacles, conférences et autres manifestations et qui fait bénéficier les personnes de différentes communes des services de la bibliothèque ou de la médiathèque (même si un surcoût hors commune est institué). Le rapprochement communal, la fusion, font partie des sujets que les habitants évoquent par rapport aux préoccupations du quotidien : espérance d’un service de transport unique et étendu, de service de déplacement harmonisé (transports à la demande), de liaisons douces entre bourgs ou entre quartiers, possibilité d’un enseignement secondaire, …), tout en étant préoccupés par les aspects fiscaux d’une harmonisation des taux d’imposition, si possible vers le bas compte tenu des mutualisations prévisibles. Enfin les associations témoignent déjà de la fusion des populations communales sur différents objets comme le sport, l’accueil de la jeunesse, l’animation culturelle, la protection de l’environnement, la défense contre la mer, l’amicale laïque, la sauvegarde des coutumes et du patrimoine, etc.

Perspectives d’une ville littorale : Néanmoins, le sujet de la fusion, présent dans les esprits, a besoin de mûrir, d’abord par le questionnement à propos du destin de la cité, de l’évolution de sa démographie, du sens du développement durable urbain au profit des habitants du territoire.

Quelles perspectives de transformation de stations balnéaires soutenue par le tourisme et le résidentiel en une ville littorale attractive, siège de productions industrielles historiques (construction navale, conserverie) qui continuent à l’identifier, et donnant au tourisme une dimension culturelle tout au long de l’année ?
Quel type de développement urbain pouvons-nous souhaiter pour répondre aux aspirations de la population et préparer la cité de demain, durable et solidaire, au profit des futures générations ? Comment agir pour rééquilibrer au profit des jeunes ménages la démographie favorisée à terme par la construction d’une entité économique, sociale et culturelle élargie offrant une palette de services et donc attractive tant pour les entreprises que pour les habitants ?
Quelles sont les pistes d’organisation des communes concernées pour tirer profit des mutualisations indispensables pour l’avenir et des synergies urbaines, tout en soutenant le milieu rural dont il faut, pour les générations futures, renforcer le tissu socio-économique et sauvegarder les formes d’agriculture paysanne, source de la consommation locale de qualité ?
Faut-il se limiter à une fusion de communes du havre de Vie, ce qui en considérant le périmètre étendu (aux autres communes voisines Le Fenouiller, Givrand, Notre-Dame-de-Riez) représenterait une ville d’environ 28 000 habitants) ou donner de réelles perspectives à une communauté de communes renforcée (voire à une future communauté d’agglomération) afin qu’elle devienne locomotive de l’essor du Pays de Saint-Gilles, ou bien s’engager sur les deux dispositifs ?
L’exemple de la ville voisine, les Sables d’Olonne, nouvelle commune au 1er janvier 2019 de 45 000 habitants et tête de la Communauté d’agglomération de 52 000 habitants regroupant les trois communes en projet de fusion et 4 autres communes voisines), nous montre des pistes de réfl exion. L’analogie bien qu’instructive (au plan géographique, historique des deux cités portuaires, …) est cependant limitée par des différences importantes : la taille, la structure et l’importance administrative ne sont pas les mêmes. La configuration des communes concernées (Les Sables d’Olonne, Olonne-sur- Mer et Château d’Olonne) est très urbaine, beaucoup plus dense et peuplée que l’aire urbaine du havre de Vie (avec ses 5 communes regroupées), ce qui fera de la nouvelle commune la seconde du département. Moins enclavée que l’aire urbaine du havre de Vie, l’agglomération des Sables possède une liaison rapide avec La Roche-sur-Yon et Nantes qui permet un développement économique plus prospère. Son audience commerciale lui permet d’être chef de fi le de l’organisation de la pêche en Vendée.

Et la démocratie dans le processus de fusion ?
Au-delà de la problématique de la souhaitable consultation voire du référendum, doit-on laisser les élus de chacune des communes préfigurer seuls la nouvelle commune ou l’intelligence collective (vecteur de la démocratie participative) doit-elle également contribuer à cette préfiguration.
Comment associer à la démarche de participation les populations communales, les assemblées de quartier, les associations (d’habitants, de commerçants- artisans), le conseil des sages (de Saint-Hilaire-de-Riez), les groupes de jeunes (CMJ, les jeunes du socioculturel, les représentants des collégiens, des lycéens, les jeunes actifs, …) ? Côté représentation par les élus, le cadre souple off ert par la loi «pour des communes fortes et vivantes» du 16 mars 2015, initiée par l’AMF (3), permet aux élus de définir eux-mêmes l’organisation de la représentation communale des anciennes communes, notamment pour la gestion du quotidien des habitants à un coût raisonnable. Les anciennes communes peuvent, sous le statut de commune déléguée, conserver certaines compétences (état civil, gestion d’équipement de proximité, relation avec les habitants, etc.). Nous terminerons cette courte présentation
– en rappelant la tendance de fond qui prévaut en ce qui concerne les regroupements,
– en soulignant les précautions à prendre pour réussir la fusion afi n que nul quartier, nulle communauté ne se sente délaissée dans la perspective d’unification communale,
– et en évoquant les services et projets qui pourraient «enchanter» la perspective de la nouvelle commune.

La tendance de fond en termes de regroupement de collectivités locales est promue par l’Europe (diminution drastique du nombre de communes dans tous les pays européens), relayée en France par la loi NOTRe (4) qui s’est attachée notamment à étoffer les intercommunalités en fixant la limite minimale de 15 000 habitants, ce qui a entraîné une baisse du nombre des communautés (de 29 à 19 en Vendée au 1er janvier 2017). La loi NOTRe ne concerne cependant pas la fusion de communes. Le mouvement de regroupement devrait 14 se poursuivre sur la base de grandes communautés d’agglomération comme celle existante à la Roche-sur-Yon ou celle créée autour des Sables-d’Olonne (au 1er janvier 2017). La création d’une agglomération au Nord-Ouest Vendée, autour de Challans, est suggérée par la Préfecture(5). L’aire urbaine du havre de Vie (néanmoins 4 ème de Vendée) a-t-elle vocation à faire partie de la future agglomération de Challans (cf. proximité des deux aires urbaines sur le schéma ci-dessus), ou doit-elle promouvoir l’idée d’une ville littorale défendant ses prérogatives de station balnéaire et de cité portuaire avec les activités liées, tout en acceptant un adossement à l’aire urbaine de Challans, voire à la métropole nantaise ? Cependant si l’Europe demande à la France de réduire le nombre de ses 35 500 communes, aucune obligation de fusion ne s’impose à ce jour aux communes de la République française. La mutualisation des moyens et des compétences restent la principale motivation des fusions de communes dont le phénomène a pris une ampleur sans précédent ces deux dernières années avec près de 300 communes nouvelles au 1er janvier 2016, 71 au 1er janvier 2017 et plusieurs centaines de projets en gestation. Il est vrai que l’instauration du pacte financier qui garantissent pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes fusionnant en 2015 ou 2016 a facilité l’adhésion des communes concernées.
La Vendée n’est pas en reste avec huit nouvelles communes qui ont vu le jour le 1er janvier 2016, dont Essarts-en-Bocage, Sevremont, Bellevigny, Rives de l’Yon. D’autres projets de communes nouvelles sont en cours, voire actés au 1er janvier 2017 : cas de La Tranche-sur- Mer, des Achards, etc. , ou plus tardivement : cas des Sables-d’Olonne qui, après 30 ans de discussions, prévoit de réunir trois communes d’égales importance démographique : Les Sablesd’Olonne, Olonne-sur Mer et Châteaud’Olonne ; la dernière consultation le 11 décembre 2016 des Castelolonnais (favorables à 68% à la fusion à trois) a décidé les élus de préparer la fusion à trois prévue le 1er janvier 2019, avec l’ambition d’être une ville dynamique de la façade atlantique, forte de 45 000 habitants. Les exemples nous montrent que plutôt que d’être contrainte, la fusion doit correspondre à la mise en oeuvre d’une aspiration à vivre ensemble avec des moyens multipliés et des synergies nouvelles dans une ville de dimension suffisante pour offrir davantage de services et d’animation avec des coûts modérés et permettre aux futures générations de pouvoir y vivre décemment.

Quelles précautions à prendre pour réussir la fusion ?
L’organisation du processus de fusion est capitale déjà pour définir le sens de l’opération (le pourquoi, pour quelles opportunités) et établir une stratégie de réflexion, de diagnostic et de mise en oeuvre planifiée, notamment avec la participation de la population, condition de l’adhésion au projet. L’accompagnement des services préfectoraux, l’expertise d’un cabinet d’étude et des experts de l’Association des Maires sont conseillés ne serait-ce que pour rédiger une charte de la fusion.
Comment éviter les conséquences d’égocentrisme et les tentations hégémoniques sur la base de scénarios de déséquilibre comme par exemple l’inclusion de Saint-Gilles-Croix-de-Vie dans le giron de Saint-Hilaire-de-Riez ou à l’inverse Saint-Gilles-Croix-de-Vie qui tirerait seul profit d’une extension communale phénoménale, tant en surface
qu’en population ?
Comment améliorer la lisibilité de la destination touristique du havre de Vie en combinant les identités des stations balnéaires ?

Enchanter la perspective de fusion :
les attentes de la population sont fortes pour préserver un cadre de vie harmonieux et améliorer les conditions de vie dans sa commune. Parmi celles-ci, nous citerons la mobilité, le logement, l’emploi, la culture.
La mobilité devrait pouvoir être rendue plus cohérente dans le cadre de la nouvelle commune en charge ;
– du plan de circulation à l’échelle de l’aire urbaine, y compris pour la contourner (l’optimisation de la liaison par le 3ème pont sur la Vie est indispensable) ;
– du développement des voies de liaisons douces entre les bourgs et les quartiers et aussi avec la zone du Soleil Levant (siège communautaire, Restos du coeur, …), avec une préoccupation particulière pour les déplacements des personnes à mobilité réduite et des familles avec poussette ;
– du service unifié et étendu (extension des trajets et des plages horaires) de transport en commun profitable également aux salariés, également pour un service de déplacement à la demande pour tous.
Des possibilités nouvelles de construction sur un territoire commun et de réhabilitation du bâti ancien devraient permettre d’accroître le parc de logements plus facilement accessibles notamment pour les jeunes ménages. Les nombreuses possibilités de synergies ont vocation à doper l’activité économique et l’emploi sur l’aire urbaine : extension du marché local qui devient plus attractif, renforcement des groupements d’employeurs, création de coopératives d’activité et d’emploi, ajout de nouvelles formations en alternances MFR (Maisons familiales et rurales), cultures maraichères de produits sains destinées à la consommation collective locale, création d’une zone d’artisanat d’art et d’ateliers de bienêtre dans le vieux Saint-Gilles, etc. En prolongement de ce qui a été fait (complexe Cinémarine, rénovation de la salle de la Conserverie) ou de ce qui est en projet (future salle de spectacle, rénovation de la salle Gaston-Pateau), la nouvelle commune devrait également donner de nouvelles perspectives en matière d’éducation artistique et d’animation culturelle comme la création d’un école de musique accessible pour tous, l’extension de la médiathèque avec par exemple les ateliers liés au numérique ou de montage audiovisuel, l’accueil d’une université permanente, l’amorce d’un musée littoral, la création en lien avec l’Institut de Géographie Nantais IGARUN d’un observatoire de l’estuaire de la Vie et du littoral du havre de Vie, etc. Enchanter l’avenir, c’est imaginer, élever le niveau de conscience du vivre ensemble et de l’histoire future, offrir un terreau de vie favorable aux futures générations. Au regard de la transition énergétique, c’est mettre en mouvement le territoire à énergie positive (TEPos) clé de l’écodéveloppement et de l’emploi durable. Avec quels vents gonfler la voile de la ville littorale ? Sénèque nous rappelle qu’ «Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va».

Denis.Draoulec22@orange.fr

(1) La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a notamment renforcé la démocratie locale par l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires des intercommunalités en même temps que les conseillers municipaux.
(2) Réunion du quartier de Croix-de-Vie du jeudi 9 juin 2016 Publication Internet du 10 juin 2016 et article du journal Ouest France du 11 juin 2016
http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saint-gilles-croix-de-vie-85800/saintgilles-une-fusion-avec-saint-hilaire-et-dautres-est-possible-4289397
(3) Loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes. En soutenant cette loi, l’AMF (Association des Maires de France) a voulu rénover la forme des regroupements de communes contiguës, voire à l’échelle de la communauté de communes. Concrètement, l’AMF met à disposition des communes candidates des documents de méthodologie de fusion (fi ches conseils, exemple de chartes et de délibération qui ont conduit à la création d’une commune nouvelle).
http://www.amf.asso.fr/document/communes_nouvelles.asp
Le statut de commune associée avait institué par la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite «loi Marcellin», loi abrogée et remplacée par la loi du 16 décembre 2010 et la nouvelle loi du 16 mars 2015. L’AMF défend ce statut qui adoucit la centralisation induite par la fusion.
(4) Loi du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la REpublique (Notre) a pour but la constitution de territoires plus cohérents, adaptés aux «bassins de vie» et dotés d’une capacité de mutualisation plus importante.
(5) D’après Jacques Bernard directeur de la Maison des communes (interviewé par la revue Racines Catherine Baty) http://www.magazine-racines.fr/de-nouvelles-communautes-de-communes-envendee/
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Gilbert HERAUD, un Croixdeviot au service des marins du port de Saint- Gilles-Croix-de-Vie.

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Gilbert Héraud (avec son béret) aux commandes du «Aimé Baud» avec Manu
Brossard.

Beaucoup de Gillocrutiens, de souche au moins, ont connu Gilbert HERAUD à un titre ou a un autre ; ce dernier est né le  26/12/1926 à Croix de Vie rue du Maroc, quartier qu’il n’a jamais quitté par la suite et qu’il chérissait ; il a été élevé par son grand père maternel, et a eu deux sœurs Micheline et Rosette ; par la suite il a vécu avec sa mère dans  une maison qui donnait  bd de l’Egalité ;  Son père, René, dit « l’étudiant » était aussi marin et ses parents ont divorcé en 1936 ce qui était très rare à l’époque.

J’ai fait sa connaissance un soir à un retour de pêche en juillet 1962 (j’avais 18 ans) et lui ai fait part de ma grande envie de passer une journée sur le Thalassa ; après m’avoir posé quelques questions sur ma famille et mes études à Nantes, il m’a donné son accord ; « rendez-vous à 3 H 45 au port » ! J’étais comblé : un vieux rêve allait se réaliser.

Cette journée de juillet a été inoubliable ; la mer était belle et j’ai pu assister au lever du soleil : pure merveille de la Création ; J’ai observé  longuement Gilbert, avec son béret basque, à la barre ; il semblait dans un autre monde bien que tout attentif à ce qui se passait ; il n’avait pas besoin de donner des ordres à son équipage  ; chaque matelot savait parfaitement ce qu’il avait à faire avant et après le  jeter des filets ; il s’adressait parfois à Jacques Pouvreau pour lui donner quelques consignes ; Jacques était propriétaire à part égale du Thalassa et avait le statut de mécanicien ; les prises étaient bonnes..

Entre deux parties de pêche j’ai du m’exécuter (en tant que touriste) au jeu de l’entonnoir qui consistait à mettre celui-ci dans mon pantalon à l’avant ; puis de mettre une pièce de monnaie sur mon front relevé afin de  la faire tomber dans l’entonnoir ; A ce moment là un matelot se faufilait derrière moi pour vider le contenu d’une bouteille d’eau dans l’entonnoir ; ce qui provoquait un éclat de rire général dans l’équipage patron y compris ; l’ambiance était très gaie sur le Thalassa : c’est vrai qu’il n’y avait pas de stress à une époque ou la réglementation européenne était souple.

Au retour à terre il était de coutume de prendre un verre au Café du PMU dit   « le Bouillon » pour la tournée du patron et la paye qui se faisait en liquide ; Le silence était la règle tant la fatigue se faisait sentir sur les visages après 12 à 13 H en mer.

Revenons à Gilbert ; au cours de sa carrière il a navigué successivement dés l’age de 14 ans        sur la Petite Simone comme mousse puis sur la Monique enfin sur l’Ondine toujours comme marin ; ensuite il est devenu patron pêcheur à bord du Thalassa, un navire de 24 tonneaux,  à partir de 1958 jusqu’en 1981.  Il a vécu en harmonie totale avec son équipage qui appréciait sa bonne humeur et son flair pour détecter les bancs de poissons ; le Thalassa pratiquait la pêche à la sardine au filet tournant  de mai à septembre et le chalut plus les coquilles saint Jacques l’hiver. Les prises du bateau étaient limitées aux besoins du mareyage et des usines de conserve : les quantités étaient affichées à « la baraque » (local du syndicat des marins) et variaient selon le nombre de matelots à bord ; Le Thalassa, qui a été le dernier bolincheur  du port, a été acquis bien plus tard  par une association des Sables « l’Océane » qui l’a laissé à l’abandon.

Gilbert prenait activement part à la vie du port que ce soit au comité local des pêches, au comité de la sardine…..il a été aussi le représentant, un temps, des marins C.G.T. (clin d’œil à la classe ouvrière). Les revendications du syndicat portaient sur la juste rémunération des marins ; puissante à la sortie de la guerre, elle a perdu de son influence par la suite cela était certainement lié au charisme et à la fougue de Louis VRIGNAUD : il était  secrétaire du syndicat professionnel des Marins et a consacré sa vie à la défense du monde maritime.

A l’actif de la CGT la création de la coopérative de mareyage l’Avenir en 1946, puis en 1948 d’une usine de conserve crée conjointement par les marins CGT et la SGCC (Société Générale des conserves coopératives) appelée Bilbao sur la route des Sables en souvenir des réfugiés espagnols qui avaient fui le régime franquiste en 1936. Le climat était bon entre les deux syndicats à tel point qu’ils ont  été à l’origine de la création de Vendée Océan en remplacement de l’Avenir qui rencontrait de sérieuses difficultés ; Chaque partie était représentée par 6 professionnels   et la constitution officielle de Vendée Océan s’est faite le 14 août 1959. ; Dans les négociations la CGT était représentée par Yvon Praud et Raymond Nadeau.

 

Bien que « de bord différent » Gilbert avait un lien fort avec « le grand Louis » (1) qui présente Gilbert comme « un bon marin  agissant avec beaucoup de bon sens , soucieux de l’intérêt général » « il parlait peu mais quand il ouvrait la bouche on ne savait pas s’il était sérieux ou blagueur » . Témoin de la solidarité entre gens de mer le dépannage de Louis Vrignaud, dans des conditions rocambolesques liées au évènements de mai 1968 a permis la réparation du moteur du Thalassa qui avait lâché ; Louis l’avait emmené à Surgères à l’usine Poyaud pour chercher les pièces nécessaires à la réparation  de son moteur de 172 CV.

 

Gilbert est entré à la SNSM en 1969 et il a été successivement patron suppléant de Paul Fortineau puis patron tout court de la vedette « patron aimé Baud » et cela de 1974 à sa maladie ; il a été le témoin direct d’un drame de la mer, qui a eu lieu le 28/5/1985,  concernant le navire l’Alnilam : Michel Abillard, patron du navire, a péri en mer dans le secteur de l’Ile d’Yeu lors d’un virement de bord dans des conditions tragiques.

Pour tout son dévouement à la cause des marins Gilbert a été décoré au grade d’officier du Mérite maritime par Louis Vrignaud le 9 novembre 1985.

Gilbert a été élu municipal de Croix de Vie  du 21 mars 1965 au 1er janvier 1967, date de la fusion, avec comme maire Marcel Ragon ; il a œuvré surtout dans le cadre de la commission maritime ; les archives municipales sont muettes sur les interventions de Gilbert tant il est vrai qu’à cette époque c’est le Maire qui présentait tous les sujets à l’ordre du jour et le conseil votait pratiquement toujours à l’unanimité les projets présentés.

Gilbert a toujours chéri son quartier du Maroc ; une preuve parmi tant d’autres : il a été à l’initiative, suite à un article dans Vendée matin du 17/7/1986, d’une pétition « signée par les touaregs et autres souks du Maroc (sic) »  qui évoquait « un projet de construction d’immeubles décents et neufs » dans un quartier où « il est bon de respirer les effluves des sardines et non l’odeur du pétrole ou du gaz oïl et qui  autorisait la circulation des véhicules dans un quartier apprécié par les estivants pour son calme » ; par un communiqué en date du 27/8/1986 le Maire Jean Rousseau rassura : les projets d’évolution de ce quartier « qui avaient en leur temps suscité l’émotion des propriétaires ont été abandonnés en 1977  et le Plan d’Occupation des sols « assurait la conservation de ce secteur et comportait un règlement  propre à lui garantir son caractère spécifique ».

Il est impossible de ne pas évoquer en conclusion l’homme tout court, l’ami BEBERT qui côtoyait beaucoup de monde, de tous les milieux, comme l’humoriste Pierre Desproges ; les compères aimaient se retrouver au café « chez Bougnat » rue du Maroc ou il faisait bon  faire une partie de boules entre deux verres de rouge.

Autant Bébert était discret en mer autant il devenait un bon vivant à terre ; j’ai le souvenir d’une soirée à la crêperie du Récif à Sion ou on buvait et buvait encore en frères à la « santé des amoureux, à la santé du roi de France … » en chantant tard dans la nuit ; d’autres ont en mémoire les banquets de marins (SNSM…) ou Bébert aimait entonner « La pompe à Merde », une chanson de carabin.

Bébert était viscéralement attaché à sa terre de Croix de Vie ce qui ne l’empêchait pas d’avoir des idées de progrès ; ce quartier du Maroc ou autrefois à l’heure du repas les hommes ramenaient la part du pêcheur et ou tout le monde se retrouvait au café du coin pour manger des grillades avec des pommes de terre. C’était la fête !

Nombreux sont ceux qui l’ont accompagné jusqu’au bout  (Bebert est décédé le 9/11/1991 sur ses 65 ans d’un cancer du poumon); comme le chantait  Brassens, dans  « les copains d’abord », les nombreux présents à son enterrement civil «  c’étaient pas des anges, l’Evangile ils l’avaient pas lu mais ils s’aimaient tout’s voil’s dehors, les copains d’abord… » ; L’oraison funèbre prononcée par Sylvain Rebeyrotte  fut à la hauteur : plein d’éloge et plein de tendresse vis-à-vis de l’homme de cœur et de raison qu’était Bébert ; Là ou tu reposes désormais Bébert j’émets le vœu que nous soyons quelques uns à fleurir ta tombe à la Toussaint prochaine.

 

 

 

 

Jean Michel BARREAU

jm.barreau9444@orange.fr

 

  • A lire « J’ai posé mon sac à terre » de louis VRIGNAUD

(Appel pour mes recherches futures: si vous avez la collection des revues « La Hutte Radio Pil’Hours» parues dans les années 60 merci de me le faire savoir)

Bulletin 2017 Histoire - récit - mémoire

Promenons-nous sur le port

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Que le soleil se montre impitoyable ou qu’il vente « à décorner les bœufs », qui peut résister à une promenade le long des quais, depuis le Pont de la Concorde jusqu’à la Corniche et, pour les plus courageux, jusqu’à la plage de Saint-Hilaire ?

Si le touriste de passage connaît le port de pêche et la célèbre sardine de Saint-Gilles-Croix- de-Vie, peut-être ne s’attend-il pas à découvrir, bien rangés à l’abri de leur anse creusée derrière la criée, une flopée de bateaux de plaisance se balançant mollement sur les pontons. C’est que le port de plaisance est un fringant quadragénaire, alors que le port de pêche, s’il n’atteint pas l’âge de Mathusalem, plonge ses racines dans l’Antiquité et se développe avec la construction, au début du 17è siècle, du « grand môle » ou « quai neuf de Madame », grâce à Marie de Beaucaire.

Ecoutons Loïc du Rostu qui écrivait en 1977 (1) : « Jusqu’en 1939, il n’y avait dans notre port que quelques plaisanciers, une dizaine peut-être. J’ai souvenir d’un seul bateau pouvant être baptisé yacht, un beau voilier mouillé à Saint-Gilles devant la « Philharmonique » et appartenant, je crois, à un Nantais. Quelques petits canots à moteur, quelques mixtes modestes servaient à la promenade et à la pêche ».

Le port de plaisance est né d’une conjonction favorable, des astres sans doute, mais surtout de l’élan dans les années 1960 vers les activités de plaisance et de la structure spécifique du bassin, bien protégé par les longues digues de l’entrée du port de pêche.

Cette situation n’avait alors pas échappé au Président du Cercle nautique, Michel Ragon, devenu maire. Dans la foulée de la fusion des deux communes en 1967, il commence par aménager le petit bassin pour les plaisanciers, puis lance les travaux pour un véritable port de plaisance le 13 octobre 1974. Financièrement, le projet était bien conçu et les emprunts amortis en 20 ans (pour une concession de 50 ans) laissaient augurer d’une bonne rentabilité.

En 1976, le port de plaisance est inauguré dans sa principale configuration actuelle. Continuons notre balade. Laissons les quelques bateaux accrochés aux quais à la croisée de l’embouchure de la Vie et du Jaunay.

Suit le long ponton parallèle au quai, qui peut voir s’amarrer les voiliers des grandes courses au large. Le port se souvient avoir accueilli à quatre reprises, en 2004, en 2006, en 2009 et en 2012, des étapes de la course du Figaro. C’est également le port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie qui avait été choisi en novembre 2012 par des marins pour se préparer au Vendée Globe, notamment Samantha Davies et son SAVEOL (2), que de nombreuses personnes ont pu visiter.

Avançons derrière l’aire de carénage, dont la gestion a été confiée à la SEMVIE, comme l’ensemble du port de plaisance et des installations (le nouveau délégataire est la Communauté de Communes du Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, depuis le 1er avril 2015). Notons que le capital de la SEMVIE, société d’économie mixte créée le 1er janvier 1981 est détenu pour 62% par la commune de Saint-Gilles-Croix-De-Vie et 20% par la Caisse des Dépôts et Consignations.

Mais observons l’activité de l’aire. Les navigateurs s’activent, les uns à repeindre les coques attaquées par les eaux salées, d’autres à faire des réparations sur leurs moteurs malmenés par des houles féroces. Les postes d’électricité et de soudure fonctionnent à plein. L’élévateur capable de soulever 35 tonnes ne prend pas de repos. Ce sont 2 500 manœuvres par an qui s’y déroulent, l’accès en est facile, entre le bassin et le vaste parking.

Prenons le chemin bordé d’un côté par des buissons de plantes locales et de l’autre par les pontons solidement fixés au quai. Une atmosphère de légèreté et de quiétude s’en dégage, tout est à sa place. Les voiliers et les bateaux de pêche-promenade (ces derniers représentant 80% de la flotte) se répartissent indifféremment sur les 1 013 anneaux loués à l’année. La taille moyenne de ces bateaux est d’environ 8 mètres, les bateaux les plus imposants étant en général amarrés en face, sur le quai Marie de Beaucaire.

Ce que le visiteur peut découvrir en premier et apprécier, c’est l’assistance aux bateaux lors de leur arrivée, notamment pour les guider dans les courants jusqu’à l’accostage. Ce sont jusqu’à sept saisonniers qui concourent l’été à la réception des plaisanciers dans le chenal et au guidage jusqu’au ponton.

Des services appréciables sont offerts aux plaisanciers, comme l’accès aux sanitaires tout près des pontons ou la possibilité de faire le plein 24h/24. Le port dispose de 100 anneaux supplémentaires pour les plaisanciers en escale, plus 50 anneaux dégagés provisoirement par des plaisanciers à l’année en voyage. Une darse pour les visiteurs (obligation légale) est creusée à 3 mètres au-dessous du niveau zéro pour les visiteurs. Le port, comme d’autres ports de l’Atlantique, s’est engagé dans le système des « passeports-escales ». Celui-ci permet, depuis 2013, de profiter d’escales gratuites pour les plaisanciers dans les autres ports affiliés, avec leur accord, ou d’obtenir le remboursement de l’escale. L’adhésion à ce système a entraîné une croissance de 6,5 % de l’activité de passage.

Le port dispose, comme atout précieux, d’un bassin très abrité par la dune de la Garenne. En cas de forte tempête, il n’est à déplorer aucun accident sérieux. L’exemple le plus significatif est celui de la terrible tempête XYNTHIA. Nul n’a oublié que le 28 février 2010, celle-ci a provoqué la mort de 59 personnes en France et près de deux milliards d’euros de dommages. La côte vendéenne a été particulièrement touchée. Cependant, même si des dégâts ont été constatés sur l’aire de carénage et le petit bassin nautique près de la Tour Joséphine, aucun bateau n’a subi de dégradation dans le port de plaisance.

Pour les plaisanciers, le coût de l’accostage au port de plaisance représente une dépense modérée. La chambre régionale de la Cour des Comptes, dans son rapport de 2015 (3) « a tenté de comparer les tarifs 2014 des ports des départements voisins, en gardant à l’esprit que les prestations et les tarifs qui en découlent diffèrent d’une collectivité à une autre. Sa modération lui permet de rester compétitive face aux autres ports voisins. On observe que les tarifs de Port-la-Vie sont relativement proches de la moyenne. » La Cour des Comptes ajoute : « La renommée du port ne faiblit pas. Il affiche complet et la liste d’attente compte 400 noms alors que certains ports vendéens n’ont plus de liste d’attente depuis que l’environnement économique général s’est dégradé. »

De même, la SEMVIE s’attache à développer les activités nautiques, notamment en direction des jeunes du pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, avec des partenariats étroits avec le CVGC (Club de Voile de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, activités de loisirs et régates). Les jeunes peuvent s’intégrer ensuite au tout récent TEAM VENDEE (qui a remplacé le Pôle Vendée France), centre d’entraînement des futurs champions de la voile, qui participe à la renommée du port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

Financièrement, le port de plaisance affiche une belle santé puisque l’activité portuaire est bénéficiaire.

Mais le tableau ne serait pas complet si le problème récurrent du port n’était évoqué, à savoir les opérations de dragage. Comme l’explique une précédente étude de V.I.E. publiée dans le bulletin de 2015 (4), le désenvasement est justifié « par la nécessité économique de navigabilité dans le chenal de l’estuaire et dans les bassins portuaires. » Mais la solution actuelle de dragage (par un engin appartenant à la SEMVIE) a suscité quelques interrogations sur la nocivité des rejets et « les risques sanitaires engendrés par les différents contaminants contenus dans les sédiments dragués qui ont motivé des signalements de la part de responsables de clubs de sports nautiques et de leurs adhérents ». Cependant ces observations doivent être modérées par l’effet des autres sources de pollution. Des solutions sont étudiées sans qu’aucune position ne soit pour le moment retenue.

La visite du port de plaisance s’achève sur l’esplanade qui accueille à gauche les installations de la criée et à droite divers commerces, prélude à un centre-ville commerçant tout proche. Cette proximité concourt à conserver l’harmonie entre les ports de plaisance et de pêche, dont chacun tire profit des activités de l’autre. Nul doute que l’idée des années 60 a fait plus que son chemin et que le port a encore de beaux jours devant lui.

Christine Ménard

 

 

  1. Article août 1977 du « Vendée Journal – Edition de St GILLES CROIX DE VIE »
  2. Escale du voilier de course SAVEOL en 2012 : https://www.youtube.com/watch?v=Amp68pMFA24
  3. Rapport de la cour des comptes publié sur le site : http://www. ccomptes.fr/Publications/Publications/Societe-d-economie-mixteSEM-de-gestion-pour-la-mise-envaleur-de-Saint-Gilles-Croix-deVie-SEMVIE-Vendee
  4. Extrait du Bulletin de V.I.E. https://association-vie-vendee.org/le-dragage-des-ports-desaint-gilles-croix-de-vie-quellesalternatives/