Bulletin 2019 Histoire Récits Mémoire

LE SAUVETAGE DE L’A…

 Le samedi 14 novembre 2014, 20h30.

Joseph Guittonneau, le capitaine du SNS 154 de Saint-Gilles-Croix-de-Vie reçoit une alerte du CROSS. En dix minutes, il réunit l’équipage d’intervention. Ces marins de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, tous bénévoles, lâchent sur le champ leurs occupations pour se porter, au plus vite, au secours de l’A…, un fileyeur de l’Ile d’Yeu échoué à la Paterne.

En s’embarquant, les sauveteurs savent déjà qu’à bord de l’A…, le patron et les quatre hommes d’équipage sont sains et saufs. Partis en soirée pour faire le plein à Saint-Gilles-Croix-de-Vie avant de rejoindre leur site de pêche, une fausse manœuvre les a fait s’échouer. La quille enfoncée dans le sable à quelques mètres de l’estran, ils ont cru qu’à marée montante ils pourraient se dégager. De fait la houle les a fait s’enfoncer plus profondément. La situation s’aggravant au fil des heures, le patron s’est résolu à suivre la procédure : prévenir le propriétaire du bateau et le CROSS en charge d’organiser les secours. Heureusement il n’y a pas de blessés. Il n’est pas nécessaire de mobiliser l’hélicoptère de la Rochelle.

20h50, le SNS 154 largue les amarres.

 Arrivé à hauteur de PIL’HOURS, l’équipage tâte déjà d’une mer formée. Le mauvais temps sera de la partie. Les mentons s’enfoncent dans le col des vareuses. Le capitaine joint le patron de l’A…qui est catégorique. Pour lui et ses hommes d’équipage, pas question de quitter le bateau. Ils resteront à bord et aideront à la manœuvre. Ils ont déjà jeté par-dessus bord leur chargement de glace afin d’alléger le bateau. Et faute d’avoir eu le temps de faire le plein, la cuve est quasi vide. Une chance dans ce malheur.


Photo SNSM Saint-Gilles-Croix-de-Vie- Vedette SNS 154

Arrivé sur le site de sauvetage, l’équipage de SNS 154 embrasse la situation d’un coup d’œil. Une mer agitée va compliquer leur tâche. Il faudra passer des remorques aux marins restés à bord afin de tirer le bateau hors de sa souille de sable. Un premier ballon auquel est attachée la remorque est jeté à l’eau. Tous le suivent des yeux. Il s’agit que les vagues le mettent à portée de gaffe des marins de l’A… qui, sitôt qu’ils auront récupéré la remorque, auront à l’accrocher solidement en vue de tracter le bateau vers le large. La manœuvre, exténuante, échoue plusieurs fois. Les déconvenues s’enchaînent. Deux remorques casseront successivement. Après quoi il faut, chaque fois, récupérer les 400 mètres de cordage que déroule chaque remorque et qui ne doivent absolument pas rester dans l’eau, de crainte qu’ils ne s’enroulent dans les hélices ou, partis à la dérive en mer, qu’ils ne créent des dommages à d’autres navires.

A la nuit tombée, l’équipage du SNS 154 est exténué. Le faible coefficient d’une marée de 51 n’a pas été d’un grand secours. L’A…n’a toujours pas bougé d’un centimètre. A 3 heures du matin, il est évident que des renforts s’imposent, en plus des pompiers qui, depuis le matin, donnent un coup de main depuis la plage à bord de leur tracteur. Le SNS 154 rentre à Saint-Gilles-Croix-de-Vie après avoir fait son rapport. Il est entendu que la SNSM des Sables va envoyer « Mini-Plomb », une unité puissante qui fait le balisage des bouées. L’équipage puise dans la force de l’habitude pour effectuer les dernières manœuvres d’accostage. Il sait devoir repartir après de brèves heures de repos pour recommencer les difficiles manœuvres de la veille, dans l’espoir qu’elles seront plus concluantes.

L’équipage de l’A… a suivi des yeux les feux de signalisation du SNS 154 jusqu’à ne plus les voir. Une nouvelle nuit à bord va ajouter de la fatigue à celle d’une rude journée. En silence, ils se partagent les provisions que leur a passées l’équipage du SN 154. Le café bouillant ne réchauffe pas l’ambiance. Ils écoutent les membrures du bateau grincer sous les effets d’une houle de plus en plus formée.

Le lendemain à 9h 30, le SNS 154 est de nouveau à la manœuvre. Il est rejoint par « L’Aurore Boréale » de l’Île d’Yeu, dont la vedette est attendue et surtout « Mini Plomb » qui, contrairement à son surnom, fait le poids. Les pompiers sont là eux aussi, sillonnant la plage. En trois jours, la situation s’est aggravée. Les marins ont compris que la succession des marées a enclenché un effet de ventouse qui enfonce plus encore l’A… dans les sables. Les sauveteurs recommencent à lancer des remorques à son équipage, toujours dans le but de le faire tirer en attelage par les trois bateaux arrivés à la rescousse. Les manœuvres se répètent, exténuantes. A la fin de la journée trois bosses ont cassé sans que l’A… n’ait bronché d’un pouce.

Il reste un espoir. Le coefficient de marée va passer de 51 à 58.

Il est 18h30. L’équipage du SNS 154 rentre à Saint-Gilles-Croix-de-Vie prendre un bref repos. Il repartira à 22 heures pour être sur site à la pleine mer. De nouveau, des remorques sont lancées à l’eau. Sitôt récupérées, elles sont solidement arrimées à l’A…. Les moteurs sont lancés à plein régime. Les hélices brassent les vagues qui enragent et écument plus encore. Rien ne bouge. Les marins s’obstinent. A 1 heure du matin, l’A… bouge. A 2h15, l’A… est en eau libre. Il aura fallu 4 jours aux sauveteurs bénévoles pour sortir d’affaire l’A… et son équipage.

Michelle Boulègue à partir du récit de Joseph Guittonneau, capitaine du SNS 154 de Saint-Gilles-Croix-de-Vie

(1) Bosse : Câble de nylon tressé de 20cm de diamètre

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