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Bulletin 2023 L’Océan, incontournable acteur de SGXV

QUAND CROIX-DE-VIE ET SAINT-GILLES-SUR-VIE SE FIRENT PORTS SARDINIERS.

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QUAND CROIX-DE-VIE ET  SAINT-GILLES-SUR-VIE SE  FIRENT PORTS SARDINIERS.  

Au XIXème siècle, les ports de Saint-Gilles sur-Vie et de Croix-de-Vie, souvent ensablés, se prêtaient de plus en plus mal aux  exigences du trafic maritime marchand. 

D’importants bancs de sardines se  présentaient alors régulièrement, aux  beaux jours, à portée d’avirons. Les  marins saisirent leur chance, associant étroitement la pêche et les conserveries. 

Depuis l’Antiquité, on sait conserver les aliments, confits dans le sel. Au Moyen Âge on utilisait déjà des «presses en baril», sorte de tonneaux percés de trous dans lesquels on tassait légumes, viandes ou poissons entre des couches de sel. En 1835, on comptait à Saint Gilles-sur-Vie trois presses en baril, ou  «saurisseries». L’une d’elle était la propriété du sieur JUHEL. Le sieur COLIN,  un industriel nantais, fut le premier confiseur à associer, en 1830, l’appertisation*  (1809) à la ferblanterie. La renommée de  ses sardines ainsi conservées le poussa  à sortir 100 000 boîtes par an en 1836.  Fort de ce succès, il installa une fabrique à Saint-Gilles-sur-Vie.  

vaudage d’un chalut sur le quai sud de la 1ère darse du port de Saint-­‐Gilles-­‐Croix-­‐de-­‐Vie. Ravaudage d’un chalut sur le quai de la 1ère
darse du port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie

Le 2 juin 1850, la réussite du sieur COLIN  donna l’idée à deux nantais, Messieurs  TERTRAIS et BALLEREAU, d’industrialiser la fabrication. Ils implantèrent une première conserverie à Croix de-Vie, à l’emplacement actuel de la  salle de la «Conserverie». Plus tard, SAUPIQUET leur succédera. Ils furent  imités par Messieurs LEJEAU et DEFESSES qui acquirent le château COLLINET où ils construisirent leur usine, reprise ensuite par CASSEGRAIN, puis par GENDREAU. 

En 1883, à Croix-de-Vie une quarantaine de conserveries s’échelonnaient depuis  la baie de l’Adon, jusqu’au quai Gorin.  Les tables bourgeoises et les casse-croûtes faisaient une place de choix aux  conserves de sardines cuites à l’huile  d’olive. En 1880, les Parisiens consommaient 300 tonnes de sardines à l’huile par an. L’arrivée du chemin de fer à Croix de-Vie en 1885, permit la commercialisation des boîtes de sardines sur tout le territoire national voire international. 

Les familles des marins-pêcheurs n’ap préhendèrent plus l’hiver. Le nombre de pêcheurs sardiniers quadrupla de 1830  à 1906. En 1850, la flottille vendéenne compta 600 bateaux dont l’essentiel était basé à Saint-Gilles et Croix-de-Vie. Jusqu’en 1900 elle était composée de  chaloupes de 7 m le long et de 2,60 m  de large avec un tirant d’eau de 1,10 m.  Ces chaloupes à faible tirant d’eau et  fortement voilées, manœuvrées à l’aviron par des équipages de 5 hommes  étaient bien adaptées à une côte dangereuse truffée de hauts fonds et de bancs de sable. Voilures déployées, les  chaloupes portaient haut foc, misaine, taillevent, un ou deux huniers surmon tant deux voiles au tiers majeures et, parfois, un tape cul à livarde. Ainsi parées, les chaloupes avaient fière allure. 

 

Le succès de cette pêche transformée et commercialisée par les conserveries attira, en saison estivale, des paysans  audacieux qui, les moissons faites, se  lançaient sur les flots. Ces nouveaux  venus, fraîchement accueillis par les  marins du cru, étaient surnommés «marins patates». Mais à l’époque, il y avait  assez de sardines pour tout le monde.  

La prospérité était cependant inégalement répartie. La capitalisation de certaines usines se révéla fragile dès que la sardine se fit capricieuse. Les campagnes sardinières de 1846, 1852, 1858, 1872 furent médiocres mais les conserveries résistèrent, fortes de leur monopole. De 1880 à 1887, la pénurie  frappa le littoral, épargnant les côtes de  Saint-Gilles et de Croix-de-Vie en 1880 et 1881. Ce ne fut qu’un répit. En 1890, après une succession de faillites et de rachats, seule une quinzaine de conserveries subsistaient à Croix-de-Vie. Déjà, depuis 1886, des industriels installaient des usines au Portugal et en Espagne  créant leur propre concurrence. La pénurie de sardines jeta les familles de pêcheurs du littoral breton et vendéen  dans la misère et poussa à la création de comités de secours. La crise mit en évidence les intérêts économiques et sociaux qui opposaient les conserveurs et les pêcheurs. Les premiers voulaient  augmenter le rendement de la pêche par la modernisation de flottilles plus puissantes et l’évolution des techniques. Les seconds craignaient l’appauvrissement des stocks et la concentration des richesses dans les mains de ceux capables d’investir au détriment des autres. Les pêcheurs utilisèrent le filet tournant tardivement craignant déjà la surpêche et dénonçant l’écrasement des poissons au détriment de leur qualité. De plus, les fortes prises minoraient leur valorisation ne les faisant pas mieux  vivre que lors des années médiocres. Si  leurs intérêts étaient mieux préservés lors des années de rendement moyen,  pourquoi investir et s’endetter ? Pour se faire mieux entendre, les pêcheurs se dotèrent d’organisations professionnelles capables de défendre leurs intérêts et de les représenter auprès des décideurs. La loi sur la pêche de 1852 et les décrets de 1853 et 1859 réglementèrent l’usage des sennes et interdirent le chalutage à moins de 3 milles des côtes. A la fin du XIXème siècle, la sardine, de capricieuse se fit rare.  Le retour des sardines en 1909 amena les capitaines les plus fortunés à faire  construire des «gazelles» capables de traquer la sardine plus loin et plus longtemps. Tandis que ceux qui se contentaient d’une pêche d’appoint optèrent pour des bateaux plus petits manœuvrés à trois, les Quimperlés, sur le modèle d’embarcations bretonnes adaptées à la petite pêche côtière à l’année et à la sardine l’été. 

Les cours fluctuaient au gré des rendements de la pêche et de la demande. C’est ainsi qu’en début de saison, en 1912, le «mille» était payé par les  conserveurs entre 15 et 20 francs tandis qu’il baissait à 8/12 francs en fin de saison. Les ouvrières ne voyaient pas leur travail mieux rémunéré avec 0,20  francs de l’heure à la même époque, de jour comme de nuit, sans  garantie du nombre d’heures  rémunérées. Elles percevaient des jetons par quart  d’heure travaillé monnayé à  la semaine. En 1917, suivant  l’exemple des ouvrières des  Sables-d’Olonne, elles ont fait  grève et obtinrent 25 francs  de l’heure. Plus tard, pendant  les années 1920-1930, une  pêche trop abondante a saturé les capacités de traitement des usines. Les poissons, faute d’acquéreurs, furent rejetés dans le port. Les conserveurs des Sables-d’Olonne vinrent  profiter de l’aubaine, au grand dam des marins-pêcheurs sablais. Pire, des marins bretons sont venus le 25  août vendre leurs maquereaux et firent s’effondrer les cours pour cette pêche.  En 1927, les ouvrières firent cause commune avec les pêcheurs pour exiger que les conserveurs paient les prises à un prix acceptable. Forcés de négocier, les conserveurs acceptèrent que le prix soit fixé au vu et su de tous dans le cadre d’enchères publiques dans la nouvelle criée de Croix-de-Vie construite sur le  quai, face à la gare.  

Une crise de surproduction et de dé bouchés suivit l’augmentation des capacités de pêche jusqu’en 1931 sur un  marché dominé par les productions portugaises, espagnoles et américaines. La qualité s’imposa pour y résister. Dès lors, l’enjeu pour les capitaines était autant le tonnage des prises que leur capacité à être les premiers à vendre en criée, à un bon prix, un poisson tout  juste sorti de l’eau. Conscient de l’enjeu, dès 1925, Benjamin BENETEAU a été parmi les premiers à construire des sar diniers à moteur. Des aménagements  portuaires sont entrepris: construction des cales et creusement du chenal, en 1937, creusement de la première darse en 1951 suivie par celui de la deuxième darse entre 1967 et 1971 abritant 450 marins, 135 bateaux dont 23 sardiniers, 12 thoniers, 10 caseyeurs, 40 chalutiers côtiers et 50 canots. La pêche faisait alors tourner 3 conserveries dont GENDREAU. 

En 1967, les deux communes portuaires, Croix-de-Vie et Saint-Gilles sur-Vie fusionnent. La même année, Saint-Gilles-Croix-de-Vie ajoute une corde à son arc en se dotant d’un port de plaisance. Etabli sur la «Roussière»,  il compta d’abord 600 anneaux, puis bientôt 1000, toujours très demandés.

En 1993 le port abritait 106 navires sur lesquels embarquaient 300 marins-pêcheurs pratiquant une pêche diversifiée. Fort du dynamisme du port, la  Chambre de Commerce et d’Industrie de Vendée, son gestionnaire, décida de moderniser la criée selon les normes européennes. En 1995 la nouvelle criée  disposa d’une surface opérationnelle de 9 200 m2, d’une halle de vente de 3 000 m2 et de 14 ateliers de mareyage pour une coût de 30,5 millions de francs, le tout financé en partie par des subventions nationales et européennes. C’était sans compter avec «le plan Mellick», qui, en application de dispositions communautaires européennes, fit  disparaître 40% de la flotte de pêche française, par vagues successives à partir de 1991. Le port paiera un lourd tribut, perdant des unités de pêche tandis que les équipages se dispersaient et que disparaissaient des compétences ancestrales. Suivirent la réduction des quotas de pêche aux anchois, la crise de 2008 et les premiers signes du changement climatique.  

Depuis, de crise en crise, les marins-pêcheurs s’adaptent, modernisent et diversifient leur flotte et leurs techniques de pêche. Depuis 2006, l’entreprise GENDREAU reste la seule conserverie, après avoir intégré VIF ARGENT ex-SAUPIQUET. L’entreprise, partie prenante de l’activité portuaire, a armé deux unités de pêche. Depuis 2015, la Communauté de Communes assure efficacement la gestion de la criée, équipement indispensable à l’activité portuaire et source de notre attractivité touristique. 

Le port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie  s’adapte et résiste. 

 

 

darse du port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie

 

6    

 


Le  Port  de  Saint-­‐Gilles-­‐Croix-­‐de-­‐Vie,  juillet  2021.   

 

 

 

 

Sources : 

– Chasse-Marée – Bateaux des côtes de France- Sar diniers de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et des Sables d’Olonne. 

– «J’ai posé mon sac à terre, le port de Croix-de-Vie de  1950 à 1985» – Louis VRIGNEAU 2015. 

– «Produits du Terroir et Recettes traditionnelles de Ven dée» – Edition l’Etrave 1995.  

– «La crise sardinière française : les premières re cherches scientifiques autour d’une crise économique  et sociale» par Marie-Hélène Durand, économiste  ORSTOM. 

* Appertisation : procédé mis au point par  Nicolas Appert qui consiste à stériliser par la  chaleur des denrées alimentaires périssables  dans des contenants hermétiques (bocaux en  verre ou boîtes métalliques) afin de les conser 

ver durablement sans altérer leurs qualités  gustatives et nutritives. 

Le comité de rédaction 

Bulletin 2022 LA VILLE, HISTOIRE, ENJEUX ET PERSPECTIVES

LE NOUVEAU LYCEE FAIT SA RENTREE

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LE NOUVEAU LYCEE FAIT SA RENTREE

Premier lycée d’enseignement général et technologique public de notre territoire, cet établissement participe à son désenclavement par son ouverture aux réalités éducatives, économiques et sociales locales. V.I.E., attachée à promouvoir les initiatives contribuant à valoriser notre environnement naturel, patrimonial et socio-économique, salue l’ouverture de ce nouveau lycée, vecteur de développement dans toutes ces dimensions.

Sous réserve de la montée en charge du lycée jusqu’à son rythme de croisière en 2023, les habitants et usagers du nouveau quartier péri-urbain « Les Vergers d’Eole » semblent globalement satisfaits par l’édification de cette imposante construction ainsi que du fonctionnement de la plateforme des transports scolaires gérée avec une précision d’horloge suisse.

L’architecture du lycée, largement ouverte sur son environnement annonce le projet pédagogique préparant les élèves à être mobiles et ouverts aux évolutions de leur futur. C’est ainsi que, outre l’enseignement général, les enseignements technologiques visent des métiers recherchés sur notre littoral et au-delà, notamment dans les secteurs du bien-être de la personne, et de l’intégration des nouvelles technologie dans l’habitat, prenant en compte en cela les évolutions de nos modes de vie et de notre environnement y compris climatique.

L’amphithéâtre du lycée public polyvalent de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

Une salle de classe du lycée public polyvalent de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

Le 2 septembre 2021, 227 élèves de Seconde franchissaient pour la première fois les portes de leur lycée flambant neuf, conscients de leur privilège. En 2023, le lycée aura atteint son effectif complet, toutes formations confondues.
Ils seront alors 900 élèves à parcourir les couloirs et à suivre leurs cours dans
des salles lumineuses et des ateliers disposant d’équipements de pointe.
Lancé en 2019, ce lycée est financé par le Conseil Régional des Pays de la Loire à hauteur de 47,6 M€ répondant en cela à la démographie dynamique qui caractérise le littoral vendéen.

La Communauté de Communes n’est pas en reste, qui finance des équipements sportifs de pointe tel qu’un redoutable mur d’escalade, une piste d’athlétisme, un stade et un terrain de football.

Ce lycée en impose. Ses architectes, sensibles à son environnement maritime et de bocage ont amarré trois bâtiments, totalisant 15 000 m2 le long du boulevard de la Bégaudière. A l’intérieur, une ambiance sobre et lumineuse est servie par une alliance de béton ciré et de bois clair.

D’un pas rapide, Monsieur le Proviseur nous fait découvrir les lieux, guidant nos regards. Ainsi découvrons nous la passerelle de bois, lancée, telle une coursive, à travers les hauteurs du hall vers les niveaux supérieurs.

L’amphithéâtre et la restauration se partagent le rez-de-chaussée. L’acoustique de ces lieux est particulièrement soignée et contribue à la qualité des échanges. L’amphithéâtre, lambrissé de bois, haut de plafond, meublé de sièges confortables disposés en gradins, n’a rien à envier à une salle de spectacle de bon standing. Il accueillera, outre les évènements du lycée et ses productions culturelles, les assemblées que la ville et les associations souhaiteraient y programmer. L’aménagement, le mobilier, l’éclairage du restaurant l’apparentent davantage à un restaurant d’entreprise soucieux du confort des salariés qu’à une cantine scolaire.

Aux étages supérieurs se succèdent les salles de cours, spacieuses et lumineuses, certaines équipées de laboratoires pour les enseignements scientifiques. Les salles les plus spectaculaires sont les ateliers destinés aux enseignements technologiques. Rien n’est laissé au hasard pour préparer les élèves de ces formations à une maîtrise de haut niveau de leur pratique professionnelle dans les secteurs des métiers de la beauté et du bien-être, ainsi que pour les métiers d’installateur de chauffage, climatisation et énergies renouvelables.

La visite se termine par la salle de documentation et d’information sobre, lumineuse et confortable. C’est probablement le lieu le plus largement ouvert sur les paysages au travers de vastes baies. Les ordinateurs sont présents et nous rappellent que les nouvelles technologies font partie intégrante de la pédagogie.

Une heure plus tard, dans le sillage de Monsieur le Proviseur, attentif à répondre à nos questions malgré son emploi du temps chargé, nous avons rejoint le hall d’accueil, impressionnés par les lieux et sensibles à l’accueil qui nous a été réservé.

Il nous reste à arpenter un vaste parking et à repérer un peu plus loin la plateforme de transport où arrivent chaque matin 36 cars scolaires. Un véritable défi logistique relevé chaque jour.

La salle de restauration du lycée public polyvalent de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

Tout juste « mis à l’eau », ce lycée est d’ores et déjà le vaisseau amiral d’une flotte de 4 nouveaux lycées qui le rejoindront prochainement à Aizenay, Pontchâteau, Bouaye-Saint-Philibert- de-Grandlieu et Vertou.

Lucides quant aux enjeux de notre territoire confronté aux risques climatiques, au vieillissement et à la diversification de notre population ainsi qu’aux difficultés spécifiques de la pêche, le Rectorat, la Région des Pays de la Loire et la Communauté de Communes du Pays de Saint-Gilles ont uni leurs compétences pour aider les jeunes lycéens à préparer leur futur.

Gérard Roches

Sources : Entretien avec Monsieur Emmanuel Pierre, Proviseur du Lycée d’enseignement général et technologique public polyvalent de Saint-Gilles- Croix-de-Vie.

 

 

La terre, l'eau dons fragiles Non classé

LE TRAIT DE CÔTE EN RECUL, VRAI OU FAUX?

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Le trait de côte fluctue en permanence, s’érodant ici, s’engraissant ailleurs. Cette évolution géologique, lente ou convulsive, a modelé ce que nous connaissons du relief de notre planète. Les hommes ont appris à s’incliner devant les phénomènes climatiques sans s’interdire de les comprendre pour mieux les anticiper, voire se les concilier tant ils les ont toujours redoutés. Forts de nos avancées technologiques, nous ne cessons de vouloir nous en affranchir. Le littoral en témoigne, qui aligne de plus en plus d’équipements et d’aménagements pour mieux en exploiter les ressources, tout en se protégeant de ces risques.

Arrogance prométhéenne ? Actuellement, l’ampleur et la succession rapide de phénomènes climatiques hors normes retracent le trait de côte et nous ramènent à une humilité salutaire. Les mises en garde lancées par les scientifiques depuis cinquante ans deviennent alarmantes. Nous serions au bord de l’irréversible à moins de revoir sévèrement nos méthodes d’agriculture, de productions industrielles, nos modes d’exploitation des ressources naturelles et, plus globalement, nos modes de vie.

Quels enseignements tirer d’un rapide retour sur notre histoire locale ?

À Saint-Gilles, dans le sillage de la vogue des bains de mer, les premiers chalets se sont érigés en crête de dune, à partir de 1883, après que son maire, Auguste Messager, a pu jeter une passerelle sur le Jaunay. Il avait obtenu de Napoléon III, en 1855, le droit de créer des bains de mer sur sa commune. Le casino «la Pierrette» a suivi. Jusqu’alors les tempêtes bousculaient les dunes désertes, dans l’indifférence des habitants, à l’exclusion des naufrageurs.

Le point de vue changea quand une succession de tempêtes a menacé les chalets en 1886, 1892, 1897, 1904, 1923,

1924, 1925. Un article d’Ouest-Eclair de 1924 informa ses lecteurs qu’en vingt ans la dune avait reculé de dix mètres. Alarmés, les propriétaires des chalets construisirent des remblais protecteurs sur leurs propriétés. Une série de tempêtes de 1933 à 1937 les incita à solliciter de la municipalité une aide financière pour renforcer et prolonger un perré de protection, ancêtre de notre remblai actuel, le long de la grande plage.

En 1924, l’argument décisif, développé par le Docteur Baudouin, alors président visionnaire du tout premier Syndicat d’Initiative, a été de faire valoir que cet investissement encouragerait le tourisme balnéaire et profiterait à l’économie locale. Les XIXe et XXe siècles ont vu se poursuivre les équipements portuaires à Croix-de-Vie, gommant le trait de côte originel. Ainsi, la digue de Boisvinet, construite en 1876 afin de protéger l’entrée du port de la houle et rejeter plus au large l’effet de barre, a eu pour effet, non recherché, la formation de la plage de Boisvinet, si appréciée.

L’épisode dramatique de l’occupation allemande entre 1940 et 1945 aura une répercussion imprévisible sur l’avenir du port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie dans les années 70. L’armée allemande entreprit alors de gigantesques travaux de défense maritime à grand renfort de béton convoyé jusqu’au bout de la dune de la Garenne pour y construire cinq blockhaus actuellement enfouis dans les sables. La route construite en crête de la dune à cet effet eut pour conséquence, vingt-cinq ans plus tard, l’ensablement du port de Croix de Vie par les sables apportés par les vents de noroît qui, faute d’être retenus par la végétation dunaire, ripaient sur le béton de la route faîtière et tombaient dans le port. Les campagnes de dragage entreprises pour désensabler le chenal affaiblirent d’autant le pied de dune. La tempête du 17 juillet 1973 qui ravagea la plage de Saint-Gilles et les tempêtes hivernales d’importance qui suivirent aggravèrent l’ensablement du port et firent craindre pour son avenir.

Les services des Affaires Maritimes préconisèrent un entablement de roches sur les cinq-cents mètres de pied de dune. Les services des Ponts et Chaussées, appelés à la rescousse, envisagèrent sérieusement une digue au large suffisamment haute pour faire obstacle aux apports de sables éoliens. Les marins s’insurgèrent. Les élus temporisèrent. Des citoyens dotés de quelques compétences, géomètre, ingénieur agricole, soutenus par le secteur associatif, notamment le CPNS1, réussirent à convaincre les décideurs en démontrant que des réponses douces telles que la création de pièges à sables réalisés avec des canisses implantées selon les courbes de niveau de la dune et stabilisés par la plantation d’oyats pourraient résoudre le problème à moindres frais. L’aide assidue des associations et des élèves des écoles permit rapidement de couvrir la dune de la Garenne d’une prairie d’oyats retenant les sables dans leur course vers le port.

De 1978 à 1980, 250 000 pieds d’oyats couvrirent deux hectares de la dune mise à nu, replantés par les bénévoles et les écoliers. Cette anecdote illustre comment un ouvrage en dur peut perturber gravement des équilibres naturels, en l’occurrence l’effet protecteur de la dune depuis le néolithique. Tandis que des interventions douces fondées sur la compréhension et l’utilisation des phénomènes naturels sont efficaces et à moindre frais.

Aujourd’hui, le port est toujours abrité par la dune de la Garenne, souple et toujours aussi exposée et donc à protéger.

Érosion dunaire

Photo de Denis Draoulec du 3/10/2020

Dans les années 1970, le tourisme balnéaire est si bien lancé que les promoteurs immobiliers investirent massivement le littoral vendéen de Saint-Jean-de-Monts aux Sables-d’Olonne. Des programmes immobiliers «les pieds dans l’eau» ont surgi le long de la grande plage de Saint-Gilles, au ras des dunes du Jaunay, si près de l’estran que le «Panoramique» a été gravement menacé par une tempête d’hiver. Craignant de ne pouvoir vendre les appartements de cet immeuble, le promoteur mobilisa une armada de bulldozers, pour créer, sans autorisation, une esplanade brisant l’arc naturel d’épuisement de la houle sur la plage. Depuis, les vagues enragent contre le remblai à marée haute, éprouvant d’autant son infrastructure. Du moins les surfeurs y ont-ils gagné un spot ludique. Cette urbanisation entraîna des équipements routiers et des travaux de défense qui ont pour effet d’amoindrir la souplesse des sols et leur capacité à absorber les chocs de la houle tandis que les biens ainsi créés exigent sans cesse de renforcer les protections à grand renfort de béton et d’enrochements que la houle sape et déplace, affaiblissant d’autant les infrastructures du remblai.

Dans le prolongement du remblai, le cordon dunaire du Jaunay ne se remet pas de l’exploitation de son sable dans les années 50-60, facilitée par la construction d’une route faîtière aujourd’hui détruite par

l’avancée de la mer.

Actuellement, la prise de conscience de l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, jusqu’à l’artificialisation dangereuse de notre cadre de vie, gagne du terrain. Se font pédagogues intraitables des phénomènes climatiques hors normes et plus fréquents sous l’effet du réchauffement climatique. La submersion marine Xynthia du 28 février 2010, en témoigna dramatiquement.

Ce que nous observons au plan local s’inscrit-il dans un phénomène plus large ?

En France, depuis les années 90, 24 % de nos côtes sont en recul, 44 % sont stables, 1/10e s’engraisse, et 17,4 % sont concernés par des aménagements portuaires, des digues, des enrochements, des aménagements routiers, des constructions en front de mer. 37 % des côtes basses sableuses sont en recul constant sur les cinquante dernières années. Durant cette période la France a perdu 30 km2 de superficie soit l’équivalent de 4 200 terrains de football.

Cinq départements sont particulièrement

suivis par le Cerema2 : la Seine-Maritime, la Charente-Maritime, la Gironde, les Bouches-du-Rhône et l’Hérault qui accusent un recul sur 50 % de leurs linéaires côtiers.

Le recul est variable selon la nature des sols. De 1 mm par an pour les côtes de granit et de gneiss ; il passe de 1 à 10 m en zone meuble et sableuse.

Quelles perspectives ?

D’ici 2040 il est attendu un réhaussement du niveau des mers de l’ordre de 45 cm à 1,40 m selon les segments côtiers et leur exposition aux vents et aux courants. En France près de 1,5 million de personnes sont directement concernées ainsi que 850 000 emplois. Sur les 503 communes concernées, seules 1/3 d’entre elles, dont Saint-Gilles-Croix-de-Vie, sont dotées d’un Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL).

Les perspectives ne sont pas encourageantes qui annoncent que, même en tenant les engagements actuels (non respectés à ce jour, sinon trop mollement) il nous faudra endurer un réchauffement de plus de 5° et une augmentation du niveau des mers, par endroits de 1,5 m.

 

Cependant des progrès sont notoires. Les experts échangent leurs observations et leurs analyses à l’échelle planétaire selon des approches plus collaboratives que compétitives. Les institutions concernées s’appuient sur des politiques d’État plus engagées et davantage dotées de moyens même si la tentation de les rogner est quasi constante. Les collectivités territoriales disposent de compétences plus étendues. Enfin, et parce qu’il est démontré que nos comportements et nos choix de vie ont une incidence directe et majeure sur l’évolution du climat et ses effets sur l’érosion côtière, nous avons à nous informer et à nous mobiliser à titre personnel et collectif.

Des plateformes existent déjà à cet effet. Des logiciels sont mis à disposition :

«MOBI-T C», application pour smartphone

«Rivage, mobilité du trait de côte», mise en ligne par le Cerema. Le but est de généraliser une prise de conscience massive des enjeux pour notre devenir individuel et collectif,

Michelle Boulègue

  1. CPNS : Comité pour la Protection de la Nature et des Sites
  2. Cerema : Centre d’Étude et d’Expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité, et l’Aménagement. Établissement public relevant du Ministère de la Transition Climatique et du Ministère de la Cohésion des Territoires et de la Relation avec les Collectivités Territoriales.

Sources :

  • Rapport du 6e cycle d’évaluation de la production de C02 par le GIEC de septembre du 22 juillet 2020.
  • Rapports du Cerema sur l’évolution de l’érosion du trait de côte.
  • Gestion intégrée des espaces maritimes, retour sur les schémas de mise en valeur de la mer et autres outils, 24 août 2020.
  • Suivre l’évolution du trait de côte grâce à l’imagerie satellite, 21 septembre 2020