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Bulletin 2016 Histoire - Récits - Mémoire

Vendanges dans les dernières vignes de Saint Gilles Croix de Vie

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Les vendangeurs parmi les rangées de vigne de la Bégaudière (photo VIE)

Les vendangeurs parmi les rangées de vigne de la Bégaudière (photo VIE)

C’est dans un petit coin près de la zone de la Bégaudière que les vignes du propriétaire récoltant, Gérard Richard, ont été vendangées en septembre 2015, sous un soleil généreux, par une bonne douzaine de vendangeurs, des amis et de la famille, séniors et jeunes, qui se sont retrouvés dans cette ambiance à la fois laborieuse (pénible pour le dos) et festive des vendanges à la main. Après la destruction en 2014 d’une vigne exploitée rue de Bellevue (décès du propriétaire), ce sont les dernières vignes de Saint Gilles Croix de Vie, cultivées sur un plateau schisteux couvert d’argile de décomposition parsemée de débris de fi lons de quartz, à une altitude de 25 m, à 1,5 km de la plage du Jaunay, bénéficiant de la douceur atlantique et de l’ensoleillement vendéen. L’ensemble du champ de vigne de la Bégaudière (4 200 m²), dont Gérard a hérité de son père en 1995, est constitué de deux parcelles de cépages différents. Une première parcelle de vigne (1 600 m²) est cultivée de plants du cépage «Pinot Noir» (également utilisé pour la production du champagne), représentant 8 rangées sur 110 m de long. Une deuxième parcelle de vigne (2 600 m²) est cultivée de plants de cépage appelé «6000», installés en 1960, représentant 13 rangées sur 110 m de long. Le libellé du cépage «6 000» correspond au numéro de plant hybride demandant moins de traitement phytosanitaire, croisement de cépages américains et français permettant une meilleure résistance aux maladies comme le phylloxera – fléau de 1875 ou le mildiou. Ces deux parcelles de cépages différents donnent des vins respectivement rosé et rouge, au goût fruité.

D’autres vestiges de vignes, abandonnées ou préservées en petite surface dans des jardins sont encore présents sur ce plateau et dans les dunes du Jaunay. Dans les dunes du Jaunay, les vignes maintenant abandonnées étaient cultivées dans les mottées (petites parcelles de cultures closes de talus de sable parfois soutenus par des arbustes comme les tamaris, les atriplex). Le cépage hybride Noah résistant aux maladies était exploité facilement dans certaines de ces mottées, bien que le vin produit, de qualité médiocre, ait la réputation de «rendre fou et aveugle» (du fait du méthanol produit lors de la fermentation). Ce vin était autrefois utilisé également pour confectionner la trouspinette artisanale. La confiture était également fabriquée avec des grappes bien mûres. La culture de ce cépage est prohibée depuis 1935. Généralement les mottées étaient cultivées par les habitants aux conditions modestes (paysans sans terre, marins…) qui, outre la vigne, produisaient des légumes de subsistance (pommes de terre, ails, oignons…) et des fruits (fraisiers). Traditionnellement, la culture de la vigne permettait aux habitants de la commune de Saint Gilles sur Vie de produire quelques décalitres voir quelques hectolitres de vin essentiellement pour leur propre consommation. Côté de Croix de Vie, contrairement aux marinsde Saint Gilles qui avait une autre activité comme l’agriculture, les marins Croix de Viots étaient purement marins. Ils auraient d’ailleurs eu du mal à avoir des vignes dans les marais qui les entouraient. Cependant la ferme du Gabio (rue de même nom) exploitait quelques rangées de vigne. Rappelons qu’en 1939, la Vendée était le département qui comptabilisait le plus grand nombre de propriétaires récoltants (source :Jean Marcel Couradette, directeur de CAVAC).
Plus consistante qu’en 2014 (faible volume de raisin), la récolte 2015 s’annonce de bon rendement et de bonne qualité, notamment en raison d’une période estivale bien ensoleillée. Les vendanges se font à la main, à raison de 2 vendangeurs par rangée, de part et d’autre afi n de faciliter la coupe des grappes avec le sécateur du vigneron. Les grappes coupées sont placées dans des seaux de 25 litres portables à la main. Des vendangeurs affectés au portage vident le raisin des seaux dans des bacs plus grands. A la fin du ramassage, les grands bacs sont transportés sur des remorques vers la cave-pressoir située dans le vieux Saint Gilles. Les vendanges sont précédées de différentes interventions sur la vigne tout au long de l’année : la taille,réalisée en janvier-février, a pour but de laisser deux galles par pied. En juin, les nouveaux sarments sont éboutés par une taille, évitant ainsi que la sève ne se disperse dans l’extrémité des rameaux non porteurs de grappes. Les traitements phytosanitaires raisonnés sans insecticides chimiques sont appliqués à la vigne : bouillie bordelaise 5 à 6 fois par an, de même que le soufre.
Revenons aux vendanges des vignes de la Bégaudière où le raisin est transporté par remorque vers la cave-pressoir rue Raynaud. Datée du 17 siècle (l’arrière-grand-père de Gérard né en 1846 a connu la maison telle quelle, à ceci près que le pressoir n’existait pas), la bâtisse qui abrite la cave à vin est située à l’angle de la rue Raynaud et de la rue Soeur Saint Sulpice (à proximité de l’ancien couvent). Les murs de 80 cm de large ont été édifiés avec les pierres de lest déchargées des navires venus généralement à lège (sans cargaison) dans le port dans le but de charger les marchandises à exporter notamment le sel, les grains et les vins de pays (activité de port de commerce qui se développa à partir du 15e siècle jusqu’au 18e siècle).
La cave à vin qui dispose d’un pressoir manuel a été aménagée il y a 80 ans par le père de l’actuel propriétaire récoltant. C’est depuis environ une dizaine d’année la seule cave-pressoir de la commune. Pourtant dans la années 1950-60, il y avait encore une trentaine de caves. Les raisins transportés depuis la vigne dans des grands bacs sont déversés dans la cage du pressoir (contenance d’environ 3 à 4 hectolitres). L’assistant vigneron Jean Guibert, cousin de Gérard, procède à l’assemblage des gorets (madriers de bois peint en rouge) qui permet de constituer la charge sur lequel le vérin manuel exercera la pression, écrasant les grappes contenues dans la cage du pressoir Manuellement l’assistant vigneron lentement actionne le vérin via un levier qu’il manipule de haut en bas. Le moût, jus de raisin brut, ne tarde pas à couler au pied de la cage vers un bassin de collecte précédé d’un filtre.
Avant de placer le moût grossièrement filtré dans la tonne, barrique de type bordelais en châtaignier de 440 litres, celle-ci est étanchée. L’enfutage (mis en fût) du moût qui s’écoule petit à petit du pressoir est également effectué à la main. A la fi n de la dernière pression du premier cycle, les grappes vidées de leur jus tassées sont extraites de la cage pour y être égrenées, puis remises dans la cage pour un nouveau cycle de pression. Un troisième cycle de pression est encore effectué après un autre égrenage des grappes. Le tout dure de 3 à 4 heures.
La fermentation du moût dans la tonne dure 2 à 3 semaines. La tonne est alors complétée afin qu’il y ait le minimum d’air. Il faut attendre 2 à 3 mois pour pouvoir tirer le vin, effectuer la mise en bouteille ou le transvaser dans des tonneaux plus petits (220 ou 110 litres). La production moyenne tourne autour de 4 hl de rosé et 8 de rouge.
La journée du patrimoine en septembre rend hommage à la présence de cette cave-pressoir encore en activité que le propriétaire Gérard Richard fait visiter aux participants du circuit commenté des vieilles ruelles de Saint Gilles.

Les 4 aires viticoles des Fiefs vendéens et les vignes de la Bégaudière (cartographie VIE d’après source Wikipédia

Les 4 aires viticoles des Fiefs vendéens et les vignes de la Bégaudière (cartographie VIE d’après source Wikipédia

Bientôt, ces vendanges ne seront plus qu’un souvenir car l’expansion de la ville à l’est ne laissera plus le choix de conserver ces vignobles au sein d’une zone urbanisée à la fois résidentielle (le champ voisin accueille un lotissement en cours de construction, les Vergers d’Eole 2) et artisanale, qui accueillera également le futur lycée et les aménagements liés. Par ces quelques mots et images, ce petit patrimoine et ce savoir-faire resteront en mémoire. Il restera les lambeaux de vignobles des vignes des dunes du Jaunay et surtout les vignobles de Brem-sur-Mer qui ont pu être sauvés grâce à la pugnacité d’une poignée de vignerons qui ont décidé d’améliorer leurs vins et de s’allier pour faire connaître le terroir de Brem, dans le cadre général des Fiefs Vendéens (4 zones d’appellation : Mareuil, Brem, Vix et Pissotte) avec la labélisation AOVDQS (appellation d’origine vin délimité de qualité supérieure) obtenue en 1984. Depuis février 2011, les Fiefs Vendéens ont obtenu le passage à l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). Avec une légère saveur de pomme, les vins blancs sont issus des cépages Grolleau gris et Chenin blanc. Les rosés légers et les rouges sont issus des cépages de Pinot noir surtout et aussi de Gamay, de Cabernet, de Négrette et de Cabernet Sauvignon. Certains domaines viticoles, bouleversant les habitudes vendéennes, sont même devenus prestigieux dans la fi lière, comme le domaine «La Rose Saint Martin», le domaine «Lux en Roc», ou le domaine Saint Nicolas, ce dernier s’étalant sur 32 hectares en culture bio-dynamique, sans désherbant, ni engrais et produit chimique de synthèse. Méconnu, le terroir des vins de Brem a pourtant une longue histoire. Introduite par les Romains pour monnayer les achats de sel, la vigne se développe au Moyen Âge, sous l’impulsion des moines. En eff et, les fi efs où est cultivée la vigne appartiennent aux abbayes environnantes. À cette époque, le cépage chenin, dit «Franc Blanc», qui reste actuellement utilisé, est particulièrement apprécié des marins. Exploités ensuite par les paysans, les vignobles de Brem qui reposent sur des sols argileux et très caillouteux, eux-mêmes sur un soussol de schiste et de rhyolithe, ont sans cesse été améliorés, bien que la consommation se soit limitée essentiellement aux campagnes environnantes. Le phylloxéra (puceron ravageur) touche les fi efs vendéens en 1875, ce qui conduit à cultiver des cépages hybrides.
À partir de 1953, ces cépages hybrides sont progressivement remplacés par de plus nobles, tels que la Negrette, le Gamay ou encore le Pinot noir. La dénomination «Anciens Fiefs du Cardinal», appellation d’origine simple, est donnée aux vins de ces terroirs, en 1963.

Denis.draoulec22@orange.fr

Les rendez-vous de V.I.E.

Jeudi 23 avril : Conférence sur l’anthropisation du littoral vendéen depuis 8000 ans

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Conférence de Camille JOLY

Anthropisation du littoral vendéen depuis 8000 ans – évolution du trait de côte et impact des activités humaines

Après quelques difficultés d’agenda (c’est durant les congés de la conférencière
que la date a été retenue), l’Association V.I.E. organise cette conférence avec le soutien des associations locales suivantes :
l’Amicale Laïque, le Centre socioculturel, le CPNS, et Nature et Culture pour participer à la communication sur cette vidéoconférence, voire participer au coût de la prestation demandé par la conférencière (200 €).
Modalités :

  • Date retenue : jeudi 23 avril 2015
  • Lieu retenu  : salle du socioculturel de Saint-Gilles Croix-de-Vie
  • Entrée gratuite sans réservation
  • petite buvette en fin de conférence après les questions-réponses

Nous pouvons également prévoir de présenter nos panneaux (pierres de lest, graffiti, plantes…) et ceux de Bernard sur l’évolution du trait de côte.

Question : Qui serait disponible pour participer à l’organisation de cette
conférence (accueil du public, service buvette, rangement de la salle…) ?

 

Denis Draoulec

Bulletin 2015 Histoire - Récits - Mémoire

La villa «Grosse terre» un rêve d’architecte

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Photo de la villa  (photo V.I.E.)

Photo de la villa
(photo V.I.E.)

1921 :  Campé sur  les  vestiges du fortin du XVIIe siècle qui bosselaient à peine la pelouse d’armérias de la corniche de Sion, Roger Gonthier* exultait. Acheté à  François Edouard Cavé, maire de Saulnay,  dans l’Indre, ce promontoire,  face aux brisants de Pil’Hours, était enfin à lui. Depuis qu’il avait découvert la côte vendéenne, cinq ans plus tôt, Roger Gonthier se sentait chez lui dans ce paysage océanique. Il en aimait la lumière pétillante, toujours changeante, la  vigueur des  vagues battant le flanc de la corniche à marée haute. Les accidents du tracé de la côte aguichaient son regard, sans le lasser, aimablement. La  douceur, fraîche et piquante, de l’air le stimulait. Dès 1920, architecte déjà renommé, il avait décidé de faire sienne cette avancée en mer qui lui permettait d’embrasser le paysage marin comme s’il se tenait à la dunette d’un navire, mais les pieds sur terre. Il allait s’ancrer à «Grosse  Terre*».

Vue aérienne de grosse terre

Vue aérienne de grosse terre

Quel meilleur nom pour sa future résidence que celui que les marins donnaient de longue date à cet amer. Savait-il que 2 500 ans avant notre ère, un peuple vivait le long de notre littoral, et au- delà, le long des côtes ibériques ? Des traces de son activité sont attestées par la trouvaille d’Edmond Bocquier qui mit à jour, en 1917, des tessons de poterie campaniformes caractéristiques *. Sensible aux résonances des  lieux, Roger Gonthier sortit de sa poche son calepin de croquis et laissa sa main tracer ce que l’ambiance lui inspirait. A l’architecte d’interpréter sans trahir l’esprit des lieux ni déroger aux exigences du  confort.  Les  premiers traits s’allongèrent, à peine au-dessus de la ligne matérialisant le sol. Il voulait de larges ouvertures laissant la lumière et la beauté des lieux s’installer chez lui sans l’envahir. La vue ne mériterait- elle pas une tourelle comme celle qui flanquait l’hôtel des Rioux, cette famille d’armateurs de Croix de Vie ?
Le besoin d’équilibrer son dessin lui  fit  tracer une tour carrée plus basse et trapue à l’autre extrémité de la façade qui commençait à se dégager de ses traits de crayon. Pourquoi pas une loggia et un avant corps pour profiter de la douceur qui s’installe dès 7 heures du soir. L’eau devient alors presque lisse et prend les couleurs du ciel jusqu’aux embrasements des couchers de soleil. En réponse à ce rêve de douceur, il incurva le haut des fenêtres d’un trait de crayon. Elles seront en plein cintre. Aussitôt, il veilla à échapper à l’ennui du répétitif en rehaussant une longueur de façade d’un premier étage percée d’une large baie rectangulaire. Un œil de bœuf en adoucirait la radicalité, en correspondance  avec les fenêtres en plein cintre dont il perça également la tourelle. Son réalisme lui fit  dessiner des volets. Gare au vent ! Il sait quels sont ceux qui dominent et  dessina un salon d’été leur tournant le dos et ouvert sur l’anse de la Pelle à Porteau.
Façon élégante de terminer la façade en respectant ses proportions étirées, dynamisées  par la tourelle et la tour carrée coiffées de toits à quatre pentes. Il équilibra les contrastes de hauteur en dessinant deux énormes cheminées très travaillées puis il plaça 6 pots à feu à chacun  des angles de l’avant corps. Pas mal pour un premier jet ! Afin de mieux en juger, il tint alors son croquis à bout de bras afin de s’assurer de sa  sincérité envers son  rêve et  de son respect du  site. D’un coup  de crayon appuyé, il affirma le tracé d’une toiture à 45 % typique de la Vendée qui serait faite de tuiles «en tige de botte» pigeonnées. Il para la façade de délicats et sobres motifs de décor fait de jeux d’alternance de briques et de maçonneries. Il ferait de la lumière sa complice. A elle de sculpter les légers reliefs qui soulignaient les équilibres de l’architecture. Il utilisa sa magie pour étirer, sur les façades, l’ombre des tuiles de corniche, faire ressortir le rythme des génoises ceinturant le haut des façades et animer un vaste cadran  solaire aux rainures creusées en triangle. Quant à la tourelle et à la tour carrée, il les voulait strictement réservées aux plaisirs de la vue. Seuls une lunette d’approche et un siège pouvaient s’y loger.
Ne pas oublier les dépendances. Du bout de son crayon, il fit surgir un vaste garage pour deux voitures, relié par un portique percé de trois ouvertures  en plein cintre laissant voir le jardin.
Discret le jardin, afin de ne pas concurrencer le paysage mais plutôt le servir, dans le goût italien. «Toscan  rustique» jugera l’architecte Pascal Pas, de  Limoges qui, en collègue admiratif étudiera son œuvre, presque 100 ans plus tard. Roger Gonthier venait de lancer un style qui lui vaudra de dessiner les plans, dans le même esprit, des villas «Les Récifs» et «Mas de Riez».
Roger Gonthier savait déjà à  quelle entreprise il ferait appel. Il avait remarqué quelques constructions locales qui signaient la maîtrise professionnelle de l’«Entreprise  Billon Père et ses Fils». Impatient, il espérait bien que le maire de Croix de Vie lui délivrerait rapidement le permis de construire et lui épargnerait une querelle de préséance entre les maires de Croix de Vie et de Saint Hilaire, car les limites entre les deux communes étaient floues. Le cadastre Pellerin ne faisait-il pas passer cette limite pile au beau milieu du fortin ? Afin de ne pas allonger les délais de construction, il comptait utiliser une technique qu’il avait appliquée avec succès pour de plus vastes projets exigeant rapidité et maîtrise des coûts. Ma villa sera en béton armé, se dit-il, et j’en fournirai le ciment. Descendant du fortin pour rejoindre sa voiture, ses pas s’enfoncèrent dans une terre meuble et humide. Ces militaires ! Jamais d’ouvrage sans un point d’eau ! Il se rappela qu’il avait existé un puits sur le site, alimenté par des sources. Il ressortit son calepin et dessina à la hâte un vaste perron rejoignant en trois marches un étang sur lequel il esquissa une petite barque. Une photo prise dos à l’Océan, fait voir une petite barque se balançant sur une pièce d’eau, témoignage de  la  force du  rêve de Roger Gonthier.

Mars 1928, Roger Gonthier et sa famille emménagèrent  dans leur villa «Grosse Terre» grâce à la diligence et à l’endurance d’Augustin Billon et de ses fils, Maximilien et Raymond. N’avaient- ils pas dû réceptionner en gare de Croix de Vie des tonnes de ciment expédiées par Roger Gonthier ? Ils eurent aussi à se charger d’entreposer les meubles de la villa jusqu’à l’emménagement. Des photos montrent un élégant salon de lecture en mezzanine, baigné de lumière et bordé d’une remarquable balustrade en fer forgé, le tout surplombant un salon meublé de fauteuils de cuir confortables répartis autour d’une cheminée au foyer en plein cintre, le tout dans le goût des
années 30.
L’histoire de la vie de la villa ne faisait que commencer. Les aménagements se poursuivront à l’initiative de Roger Gonthier jusqu’au 24 juin 1940, date du déménagement de la famille Gonthier à la villa «L’Abri Côtier», quelques centaines de mètres plus loin. «Grosse Terre» venait  d’être   réquisitionnée par l’occupant, interdisant illico à la population d’approcher de la corniche et de pêcher sur l’estran, tous les vendredis, jour de leur entraînement au tir à la mitrailleuse sur Pil’ Hours où ils avaient fiché une cible. Pendant toutes ces années, la famille Gonthier assista impuissante aux dégâts que l’occupant, puis des gestes de revanche infligèrent à la villa. La lecture de la correspondance que  Roger Gonthier échangea avec Augustin Billon donne à penser qu’il eut droit à des dommages de guerre mais le charme était rompu. Roger Gonthier vendit «Grosse  Terre»   en 1945 au Dr Joseph Buet qui en fit  sa résidence principale, confiant à l’entreprise Billon des aménagements  réalisés jusqu’en 1947. Toutefois Roger Gonthier ne quitta pas facilement  «Grosse Terre». Il obtint du Dr Buet de jouir de la maison du gardien pendant 4 ans après la vente et d’y entreposer du mobilier. La mairie de Saint Hilaire de Riez a préempté la villa «Grosse Terre» en 2009 et décidé de lui offrir une nouvelle vie au service des amoureux de la corniche et de la villa, dans le cadre de programmes d’actions culturelles ouverts à tous.

Carte de grosse terre

Carte de grosse terre

Michelle Boulègue

Sources :
- Les archives personnelles de Monsieur Alexandre Billon, architecte du patrimoine, Saint Gilles Croix de Vie.
- Drac de Poitou Charente ; extraits de l’étude «entre rêve et réalité, architecture et urbanisme à Limoges depuis la Révolution» par S .Capot et B.Sardin. Limoges 2005.
- Histoire d’une gare : Limoges par R. Brissaud et P. Plas.2008.
- Entretien   avec   Roger   Jousseaume,    archéologue, chercheur au CNRS.
*Roger Gonthier (1884-1978),  architecte parisien, licencié en droit fut, ainsi que  son père Emile Gonthier, architecte-inspecteur des bâtiments des Chemins de Fer Paris-Orléans. Il  réalisa à Limoges,  en 1919, un pavillon frigorifique et l’abattoir municipal (1941). Roger Gonthier fut également l’auteur de la cité des Coutures, de la cité-jardin de Beaublanc et de nombreux immeubles de rapport à Paris. Sa réalisation la plus emblématique  est la gare des Bénédictins à Limoges, commanditée par la Compagnie du Paris-Orléans. Cette gare est inscrite à l’inventaire des monuments historiques par arrêté du 15 janvier 1975 avec le label «patrimoine du XXème siècle».
* La villa «Grosse Terre», d’une surface utile de 353 m2, fut classée  «villa balnéaire climatique» en 1938.
* En 1929,  d’autres tessons de la même époque  furent également découverts sur le site. Une campagne de fouilles fut alors décidée  et menée par Daniel Longuet. Les  découvertes se  poursuivirent  avec  des tessons de l’époque  du bronze ancien par Patrick Peridi. Des recherches archéologiques démontrent que notre littoral fut habité par un peuple dont on sait qu’il a laissé ses traces à Malte et en Sardaigne, 6 000 ans avant notre ère.