Bulletin 2012 Histoire - Récits - Mémoire

un nouvel éperon dans la baie d’Adon

Après l’éperon Pontchartrain, les capitaines de navires du port de Croix de Vie ont réclamé la construction d’un éperon intérieur afin de sécuriser la baie d’Adon. (Actuel «vieux mole» face à la mairie). Cette construction a marqué une étape importante des aménagements successifs du port que Pierre Caillet fait remonter à 1559.
– 28 floréal an XIII Les capitaines des ports de Croix de Vie et de Saint Gilles ont su convaincre. Charles Prépetit, ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées au Sables d’Olonne est chargé d’un projet d’éperon qui « devait avoir pour double motif de mettre à l’abri du courant un certain nombre de bâtiments qui ne voulaient pas remonter jusqu’à Saint Gilles et en outre de diriger le courant sur un banc de sable qui avançait journellement sur le chenal et augmentait les sinuosités». Il recommande la construction d’un éperon intérieur dans la baie d’adon. Il en précise même les dimensions : 10 m de long et 4,86 m de haut depuis les fondations. Les parois devront avoir 2 m d’épaisseur à la base. Un rebord de 1,32, devrait en couronner le sommet. Le tout devrait être parementé en pierres de Saint Savinien. Le coût estimatif s’élèverait à vingt cinq mille cinq cents francs. Transmis à la Chambre par l’ingénieur en chef Duvivier, ce projet fut approuvé et la construction entreprise dans la foulée. Le chantier n’en était qu’à moitié mené à bien que déjà les marins et les armateurs en appréciaient les effets. Ils complétèrent cet aménagement en faisant implanter une douzaine de pieux d’amarrage et une rotonde de touage construite en 1806 qui aidait au halage des navires. Les marins ne verront la fin du chantier que 5 ans plus tard.
17 février 1808
Les capitaines de navires adressent une pétition à l’ingénieur Dorot : «Il serait de la plus grande urgence que l’on fît creuser l’endroit appelé l’Adon près de la jetée que l’on se propose de faire (achèvement de l’éperon intérieur) pour y placer les bâtiments de l’état et du commerce. Il n’y a pas de site plus avantageux pour le commerce et pour placer les bâtiments qui ne peuvent trouver de place ailleurs et faciliter le départ des bâtiments».
25 février 1808
L’ingénieur Dorot transmet cette pétition à sa hiérarchie assortie de son commentaire : « Le port de Saint Gilles n’est pas si bon que ça. La rade est mauvaise et recèle des hauts fonds ». Il enfonce le clou en rappelant les travaux déjà réalisés : Réparation du mole à l’entrée du port, dérochement pour régulariser le chenal, nouvel éperon en construction dont l’achèvement ne lui parait pas urgent. Pour finir, les crédits seront transférés aux Sables d’Olonne.
1er décembre 1809
Jean Ingoult, armateur et maire de Croix de Vie adresse au préfet de Vendée une lettre véhémente qui dénonce en termes vigoureux le parti pris de l’ingénieur des Chaussées Dorot au détriment des intérêts des capitaines du port de Croix de Vie et des armateurs.
28 décembre 1809
L’ingénieur en chef Duvivier répond au préfet qui l’interroge à propos de la lettre de Jean Ingoult et des travaux réclamés. Il ne les conteste pas et déplore les mauvaises relations entre les maires des deux communes de Croix de Vie et de Saint Gilles.

31 août 1811
Mr Berthelot, receveur des domaines adresse un rapport à Mr Montalivet, ministre de l’intérieur, des ports, de la construction navale impériale, de la marine et aux voyages d’Amérique. Il rappelle l’ancienneté du port qu’il fait remonter au XIème siècle. Il évoque les privilèges accordés à la Dame de Martigné (Marie de Beaucaire) par Henri IV. Il souligne que le port ne comporte pas de bassin. Il le décrit formé d’un chenal qui commence à l’éperon du quai neuf (éperon de Pontchartrain) et se prolonge jusqu’au quai de Saint Gilles. Selon lui le port peut abriter de 90 à 100 bâtiments et caboteurs de 25 à 80 tonneaux. Il signale que de ses chantiers de construction navale sortent des navires destinés à la pêche à la morue. « Lorsque nous aurons conquis la paix maritime, il sera possible alors de rétablir, avec peu de dépenses et encouragements donnés par l’état, ce havre qui est plutôt havre de barre que havre d’entrée. La barre éprouve des déplacements assez fréquents et la passe est tortueuse. L’entrée défendue par deux batteries de fort calibre en nécessite une troisième qu’il conviendrait de placer (…) à distance au lieu appelé la Sauxai. L’oeil le moins exercé adopte d’abord l’indispensable nécessité de construire un contre éperon* vis-à-vis et en face de celui existant et connu sous le nom de l’éperon du quai neuf. Il produirait un resserrement forcé du courant intermédiaire. Il occasionnerait, lors des grandes marées surtout, un raz des plus violents et des plus rapides dont l’effet serait de curer et nettoyer le fond du chenal sur toute la longueur. Sinon dans 100 ans ce sera l’obstruction complète par les alluvions de la rade, l’une des plus sûres de la côte contre l’ennemi et les coups de vent ». Il recommande que les deux communes de Saint Gilles et de Croix de Vie soient réunies afin de mieux tirer partie, ensemble, des opportunités du site. Monsieur Berthelot sera entendu. Une carte hydrographique de Beautemps-Beaupré permet d’identifier le « môle de l’Adon » qui sert à l’accostage et à l’embarquement.
* Future « guillotine » en bout du quai Menier

6 août 1814
Un devis de 4500 Frs concerne la reconstruction d’une rotonde de touage..

27 janvier 1815
L’ingénieur Daudin expose au préfet les conséquences de la forte tempête du 27 janvier 1815. « L’avarie qui vient
d’avoir lieu sur cette dernière côte, de l’étendue du goulet formé par l’ancien môle et les
dunes, devait tôt ou tard avoir lieu lorsque les vents seraient de la partie du S/Sud Ouest. L’étranglement du goulet ou passe occasionné (…) ne l’avait pas fait jusqu’à il y a 3 mois lors de ma dernière tournée.

1816
Un devis de trois mille neuf cent dix sept francs du sieur Guillerot concerne la construction d’une nouvelle rotonde surmontée d’une pièce de touage. Prévue depuis 1814, sa construction se fait attendre à l’embouchure du havre de Vie sur l’ancienne rotonde,
écroulée, dont les matériaux devaient être réemployés. Un local technique et de gardiennage ainsi que des pieux d’amarrages étaient prévus. Jean Ingoult critique vertement ce coût dans une lettre au préfet qui motivera la visite de l’ingénieur en chef. Visite à laquelle il ne sera pas convié à sa grande indignation.
A partir de cette date l’essentiel des travaux sera motivé par la nécessité de signaliser l’entrée du port, d’abord par un fanal, sur le grand môle en 1845 en même temps que fut construite la maison du gardien. En 1875-1878 ce sera la construction de deux phares d’atterrissement : le petit phare construit à l’intérieur de la baie d’Adon formera l’alignement avec le grand phare édifié à la périphérie de Croix de Vie, rue Henri Raïmondeau.

Le plan Bégon de 1610 signale déjà deux balises implantées approximativement à l’emplacement actuel du grand phare. Dans le même temps la lutte acharnée contre l’ensablement et les effets de barre se poursuivront. Nous lui devons, en 1837-39 le quai Menier desrtiné à retenir les sables de la Garenne et obtenir un effet de chasse, et en 1882 l’éperon de Boisvinet qui provoqua l’ensablement de la plage.
Autre histoire….

Jean Georger

Sources : – Extraits des archives des Ponts et Chaussées de Vendée réunis par la Direction Régionale des affaires culturelles des Pays de Loire
– «L’équipement de Vendée, pages d’histoire». Vendée Patrimoine avec le concours des archives départementales de Vendée- 1998. Illustration : Photos de R.Bousquet
– «Ensemble écrivons l’histoire». Document provisoire réalisé en 1997 par Pierre Caillet au titre de la Direction Départementale de l’Equipement de la Vendée

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