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Bulletin 2023 La terre, l’eau, dons fragiles

DU MARAÎCHAGE A LA VIE : LE JARDIN SOLIDAIRE DE LA FAYE.

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DU MARAÎCHAGE A LA VIE : LE JARDIN SOLIDAIRE DE LA FAYE.

L’air sent le vert, ce matin de juillet, dans le jardin solidaire de la Faye. En rangs serrés, les légumes se pressent le long des sillons. Leurs feuillages denses déclinent une variété de tons, du bleu vert au jaune chartreuse ponctués d’éclats d’argent sous un soleil déjà chaud. C’est à peine si la terre légère et noire d’humus qui les nourrit se laisse apercevoir entre les rangs de haricots verts, de poivrons, de courgettes…. Une ligne chargée de tomates mûres cache le puits en limite de parcelle. Les insectes font preuve d’une vitalité bourdonnante. Cette abondance ne doit rien au hasard. Pour preuve, trois jeunes tomates marquées des stigmates du «cul noir» le rappellent. Heureusement le pied atteint est le seul de la rangée. Une résistance miraculeuse ? Le recours à la chimie ? Plutôt une alchimie maîtrisée, faite de connivence entre le maraîcher, la plante, le sol, l’eau, le vent et les insectes. Enfant, je me souviens avoir entendu chuchoter au marché de Croix-de-Vie «qu’il ne fallait pas acheter de légumes aux gens de Saint-Hilaire.
– Pourquoi ?
– Ce sont des légumes du diable».
La réponse m’enchantait tant il était facile d’y croire puisqu’ils étaient cultivés par la Fée. Un doute m’effleurait cependant.
«- Du diable, tu crois ?
– Tu ne vois donc pas comme ils sont beaux et gros ces légumes! Ce n’est pas normal !»
Les grand-mères, au mouchoir immaculé noué sous le menton, n’avaient pourtant rien de satanique, leur panier au bras rempli des fraises de leur potager, des «balles» de haricots verts à leur pieds. Le maraîchage à Saint-Hilaire-de-Riez est une longue histoire qui ne doit rien aux fées mais plutôt à celle de son sol, à l’esprit d’observation et au pragmatisme des natifs. Calés contre la dune, abrités du vent et baignés des eaux du marais proche, les potagers de la Faye fournissent des récoltes généreuses au fil des saisons.

Jusqu’au XVIIème siècle, Saint-Hilaire-de- Riez était une île, cernée de marais drainés par la Besse. Emergée sur un socle de micaschiste et de grès veinés de quartz, les vents de noroît déposèrent sur son sol une couche sableuse facile à travailler sans outillage lourd, amendée par l’apport de goémons, vite réchauffée mais toujours fraîche grâce à la nappe phréatique maintenue à fleur de terre par le marais.
Progressivement, les limons charriés par la Besse, et les apports de sables éoliens ont fait disparaître l’insularité primitive de Saint-Hilaire. La Faye en garde la mémoire. Sur son sol riche et léger, les légumes y trouvent les meilleures conditions pour s’y développer et apporter un complément financier indispensable à la survie des petites exploitations agricoles qui s’y maintenaient tant bien que mal. L’abondance et la qualité des récoltes ont fait la réputation des jardins de la Faye dont les surplus se vendaient traditionnellement aux marchés de Croix-de-Vie et de Saint-Gilles-sur- Vie. Les productions locales issues du maraîchage, de la pêche et de la récolte du sel permirent la création d’une véritable économie de marché s’étendant jusqu’en Angleterre où se vendaient les oignons récoltés à Saint-Hilaire-de-Riez, si recherchés par les équipages embarqués à la pêche hauturière. Les conserveries installées à Croix-de-Vie dès 1850 et l’arrivée du chemin de fer en 1885 ont stimulé ces échanges commerciaux.
L’engouement pour les activités balnéaires a complété l’attractivité de la côte en période estivale faisant affluer les «baigneurs» et se presser une foule gourmande autour des étals, les jours de marché. Il n’était pas rare alors de voir disparaître 50 kg de haricots verts à peine déversés sur l’étal en deux heures de marché. Le fleuron de cette culture maraîchère était celle des oignons si emblématique des échanges étroits entre maraîchage et activités maritimes dont le temps fort était la foire aux oignons. Elle se tenait le dernier samedi d’août. Ce jour-là, tôt le matin, les maraîchers prenaient possession des quais de Saint-Gilles-sur-Vie et de Croix-de-Vie, des rues commerçantes et du pont de la Concorde. Le long des
trottoirs, ils alignaient leurs paniers en osier remplis à ras bord d’oignons de toutes les couleurs joliment tressés. Les forains, venus pour l’occasion, installaient leurs manèges et autres stands de tir donnant à cette foire un côté festif qui faisait oublier qu’elle sonnait la fin de l’été et le départ des «baigneurs». Les commerçants se mettaient de la partie offrant aux badauds les invendus de la saison qu’ils bradaient sans barguiner. Cette foire attirait du monde. On y venait de loin. Sa réputation lui valut de se transformer progressivement en une foire commerciale incontournable jusque dans les années 90.
D’abord culture vivrière, le maraîchage s’est professionnalisé au cours du XXème siècle offrant aux grainetiers des débouchés stables permettant à leur tour d’entretenir cette activité grâce à l’excellence de leurs semences. Celles des haricots verts se sont taillées la part du lion.
Valentin AVRILLAS, l’un des trois principaux grainetiers de Saint-Hilaire- de-Riez, se souvient avoir vendu plus d’une tonne de graines de haricots verts en une seule saison dans les années 60.

L’âge d’or du maraîchage à Saint-Hilaire-de-Riez s’étend de 1850 à 1980.

L’Isle de Rié

 

A partir de cette date, les premiers signes du réchauffement climatique ont commencé à se manifester et furent d’abord interprétés comme des caprices de la nature. Le dérèglement de la succession des saisons a commencé à fatiguer les plantes et favoriser des maladies affectant les rendements.
L’alternative s’est vite imposée aux observateurs de la nature que sont les maraîchers : aider la nature à
se défendre et à trouver un nouvel équilibre en commençant par ne plus l’agresser. Ce retour aux sources
porte un nom : la permaculture, une culture raisonnée. Plus qu’une technique, c’est un état d’esprit. En
premier lieu, veiller à la santé des sols et les enrichir par des apports naturels tels que le goémon «rouget» ou lithothamne, les produits du broyage de bois et de fragments de végétaux et l’apport de fumier de cheval. La pratique de l’assolement faisant se succéder pommes de terre, poireaux et légumineuses permet au sol de se régénérer de lui-même portant successivement des cultures de moins en moins gourmandes jusqu’à celle des légumineuses qui apportent naturellement de l’azote. Pour finir, le paillage limite l’assèchement du sol et la fatigue des plantes. La permaculture pratiquée par une
vingtaine de jardiniers bénévoles sur la parcelle que leur a confiée par le Centre Communal d’Action Sociale de Saint-Hilaire-de-Riez approvisionnent la banque alimentaire avec succès depuis 5 ans.

 

Jardin solidaire de la Faye

Site de la Faye – Dunes de Saint-Hilaire

 

Source : Entretien avec Michel BERTHOME, responsable du jardin solidaire de Saint-Hilaire-de-Riez, Rue André CAIVEAU à Saint-Hilaire-de-Riez.

Cartes aimablement communiquées et autorisées à être reproduites par Patrick Avrillas, co-auteur avec Annie Antoine de «le Marais et les iles» Ed «LA GESTE».
Le comité de rédaction

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UNE RENAISSANCE.

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UNE RENAISSANCE.

La danse des particules irise la lumière dans laquelle baigne l’atelier et distille les arômes des bois qui y sont travaillés.

Patrick Avrilla, d’un souffle prolongé, fait gémir un tuyau d’orgue en une plainte sourde et grave qui fait basculer la quiétude de l’atelier dans un univers maritime inquiétant.

Magie des sons ! Cela fait 400 heures que deux bénévoles de talent, Jean-Paul Boury, luthier spécialiste
des instruments anciens, et Patrick Avrilla, maître-ébéniste, consacrent à un orgue du XVIIIème siècle
rescapé d’une longue histoire qui aurait pu le laisser ignoré et démembré dans un château de Dordogne.
Il a connu des heures plus fringantes, quand, comme tant d’autres avant lui, il sortit de l’atelier d’un facteur d’orgue sans doute italien, comme le donnent à penser l’architecture du buffet, son décor, la structure mécanique et la facture du sommier. Sur de telles orgues ont joué et composé des musiciens
prestigieux, Frescobaldi, Gabrieli, Scarlatti…

L’Italie ne l’ayant pas retenu, il accompagna les offices religieux célébrés dans les chapelles de demeures seigneuriales en Corse puis en Dordogne où le dénicha Jean-Michel Dieuaide, célèbre organiste, à la recherche de pièces indispensables à la construction d’un orgue de style français du XVIIIème siècle entreprise à Commequiers. Même si beaucoup de ses pièces s’étaient détériorées ou perdues au fil du temps, ce qu’il en restait méritait mieux que le dépeçage envisagé. Il a fallu le diagnostic affûté de Jean-Michel Dieuaide pour y croire quand il ne restait plus que le sommier et 200 tuyaux sur les 400 que comptait sa «forêt» initiale. L’orgue, incomplet et en pièces détachées, arriva àCommequiers. C’est alors que Jean-Louis Loriaut, ami facteur d’orgue de Jean-Michel Dieuaide et actuel restaurateur des orgues de Corse, fut consulté pour savoir si, plus qu’une restauration, une reconstruction était envisageable tant il y avait de pièces à refaire. Ce qu’il restait de cet orgue méritait bien de se lancer dans l’aventure et il proposa de fournir les plans, véritables guides de restructuration.
Autant lancer un défi à Patrick Avrilla et à Jean-Paul Boury qui décidèrent avec enthousiasme de le relever.

S’ouvre alors un nouveau chapitre voué à la découverte des matériaux capables d’émettre des sons dont l’association produira de l’harmonie.

Du cormier pour le pédalier, celui qui a été abattu à Landevieille en 1980 fera l’affaire. Du chêne pour le coffre du pédalier, bordé de wengé pour le renforcer. Les dièses des pédales seront en palissandre de Rio, le clavier en citronnier de Ceylan et en ébène du Gabon sans compter l’ébène prélevée sur les touches du piano de Jean Rousseau qui en fit le don. Il faut trouver du bois à fibres très serrées pour les tuyaux de basse à section carrée.

L’épicéa est choisi tandis que le peuplier sera utilisé pour refaire les deux volets du buffet, de 19 kg chacun, et dont il faut refaire les 6 ferrures à l’identique sur des modèles retrouvés à Figeac et à Thiers, une forge du Fenouiller en est chargée. La restauration des tuyaux métalliques est confiée à Luca Scotti, tuyautier italien à Coma, près de Milan. Même les colles respectent les procédés d’époque comme la colle de poisson ou de peau de lapin utilisée à chaud pour assembler les pièces. Finalement l’orgue, installé sur un socle de 90 cm de haut sur une base de 1,50 m de côté, se dressera sur 3 m de hauteur donnant à admirer l’ornementation rouge et or de ses panneaux, dans le style de l’époque.

Ce sera l’œuvre d’un artiste de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Jean Hondré. On a déjà pu en admirer la représenta tion grandeur nature suspendue dans la nef de l’église Saint Gilles lors des Journées du Patrimoine.

Patrick Avrilla dans son atelier
le 16 septembre 2022

 

A ce jour, Patrick Avrilla et Jean-Paul Boury ont consacré 400 h de travail à cette restructuration. Ils estiment qu’il faudra en totaliser 2 500 pour que l’orgue fasse de nouveau résonner ses sonorités dans la nef de l’église Saint Gilles. Patientons jusqu’en 2023 !

Sa splendeur recouvrée, l’orgue vaudra alors de l’ordre de 125 000 €. De fait, sa restructuration ne devrait pas coûter plus de 50 000 € correspondant au coût des matériaux et aux montants cumulés
des rémunérations dues aux artisans et artistes sollicités, autres que les bénévoles.

Encore faut-il réussir à réunir cette somme.

Une souscription a été lancée lors des Journées du Patrimoine à l’initiative de l’association 0R0(Orgue Rouge & Or). Cette souscription est soutenue par l’Association Orgue en Pays de la Loire dont
le président, Jean-Marc Ayrault, ancien premier ministre, a souligné l’engagement en tenant son assemblée générale de novembre 2022 à Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Tant il est vrai qu’une telle entreprise ne peut aboutir sans la participation du plus grand nombre.

Sources : Entretien du 16 septembre avec Patrick
Avrilla dans son atelier au Fenouiller .
Contact : ORO.saintgilles@gmail.com

 

Orgue rouge en cours de restructuration.

Le comité de rédaction

Bulletin 2023 La ville, histoire, enjeux et perspectives

UNE NOUVELLE PAGE S’OUVRE POUR «LES RIMAJURES».

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UNE NOUVELLE PAGE S’OUVRE POUR «LES RIMAJURES».

À lumière déclinante, quand la plage se vide et que les mouettes commencent leur glane, il arrivait béret sur la tête et chevalet sous le bras. Une sorte de connivence se créait. Chacun s’affairait à rassembler parasol, serviettes, pelles et seaux, le guettant de l’œil. Des enfants, sourds aux appels des parents, faisaient cercle, en arrière, respectueux et curieux de ce qu’Henry allait dessiner, conscients
qu’il allait leur offrir un moment de leur vie qu’ils n’oublieraient pas. D’un tracé, vif et sûr, il esquissait une scène, quelque fois rehaussée de pastel ou ombrée d’aquarelle. Plus tard, Henry Simon la peaufinerait dans cet atelier-bourrine «Les Rimajures», qu’il avait fait construire en 1953 à la limite du
marais comme un trait d’union entre Saint-Hilaire et Croix-de-Vie. Une œuvre sincère s’est créée entre
ces murs, empreinte de fraternité avec le monde des maraîchins et celui des marins dont Henry Simon savait si bien restituer l’identité avec humour et tendresse. Cette œuvre s’est construite peu à peu, se transformant au gré d’une vie ouverte aux rencontres et à la diversité des cultures. L’œuvre d’Henry Simon, aux formes d’expressions si variées (dessins, peintures, décors, céramiques), s’est épanouie dans toute sa diversité devenant partie intégrante de notre patrimoine culturel.

Henry Simon, déjeuner en famille sous les pommiers des Rimajures.

 

En 2007, laissée à l’abandon, la bourrine a été achetée par une de ses filles qui souhaitait préserver le lieu et mettre en évidence le processus de création d’Henry Simon. En pénétrant dans la bourrine on retrouvait l’ambiance de son atelier avec son chevalet, ses objets familiers. Certaines de ses toiles étaient exposées dans des salles lumineuses et dépouillées, trop petites pour en accueillir autant que souhaité. Des animations offraient aux enfants un espace où ils pouvaient laisser libre cours à leur imagination.
Des artistes y furent accueillis pour créer et exposer leurs œuvres. Le jardin toujours fleuri et joyeux, à l’ombre du pommier se dota bientôt d’un banc circulaire qui offrait des moments délicieux de repos et de rencontres chaleureuses. Les «Rimajures», tant appréciées des habitants et des vacanciers, furent ainsi sauvées et une association créée : «L’Atelier HenrySimon, les Rimajures».
Pendant près de 10 ans elle fut un important soutien pourde nombreux projets.

En 2015, la municipalité, sensible à la dimension patrimonialedes lieux et au rayonnement de l’œuvre d’Henry Simon, en fit l’acquisition. Après quelques travaux urgents de préservation, elle a conçu un projet culturel, véritable mise en lumière de l’œuvre de l’artiste.

Au printemps 2023, s’ouvrira un ensemble culturel doté des dernières technologies, avec la bourrine restaurée en son centre. Ce nouveau site, accessible à tous, se compose d’un lieu d’accueil-boutique, d’une coursive qui surplombe le jardin, mettant en lumière la bourrine et qui nous mène vers une salle d’exposition moderne de 80 m2, un centre de ressources artistiques, une partie administrative et un espace pour accueillir des ateliers d’artistes en résidence.
En avant-première de son ouverture, l’association «L’Atelier Henry Simon, les Rimajures» a prévu d’organiser, en partenariat avec la ville et son service culturel, une exposition «hors les murs» conçue comme une promenade à la découverte des œuvres d’Henry Simon. C’est ainsi qu’une trentaine
de tableaux et de céramiques seront exposées dans différents commerces de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

Cette exposition a pour objectif d’attirer les différents publics vers ces nouvelles «Rimajures» pour y découvrir ouredécouvrir l’homme, l’artiste et son œuvre.
Les nombreuses contraintes imposées par l’exiguïté du lieu et le respect des normes en vigueur, nous éloignent sans doute de l’intimité et de la simplicité voulu par l’artiste à sa création, mais ce pôle culturel ambitieux va participer au rayonnement de l’artiste sur son territoire et bien au-delà. Nous attendons avec impatience de pouvoir enfin retrouver le chemin des Rimajures.

Sources : Entretien avec Anne Simon-Feuillatre, Présidente de l’association «L’Atelier Henry Simon les Rimajures».

 

Henry Simon dans son atelier des Rimajures.

 

 

Le comité de rédaction