Tout le monde me connaît et peut me déguster en mouclade ou à la marinière, mais, avant cela, il faut me nettoyer et arracher un paquet de fils enchevêtrés qui sort de ma coquille. C’est quoi ? Ce sont les filaments du byssus et je suis un des rares animaux à pouvoir en fabriquer. En effet, je vis à l’état sauvage sur les rochers et je ne possède aucun autre moyen pour résister à l’assaut des vagues, pas de ventouses ni de moyen de locomotion pour aller me cacher ou m’enfouir. Heureusement, je peux fabriquer un par un des filaments très fins qui formeront le byssus. Il suffit de me placer dans un bocal d’eau de mer et d’observer attentivement. Au bout de quelques minutes, on peut voir une sorte de langue sortir entre mes deux valves : c’est mon pied. Je l’étire jusqu’à ce que la pointe touche une paroi dure. Et là ! On ne bouge plus ! Sans en avoir l’air, je fais couler une sécrétion de ma glande à byssus dans le sillon médian de mon pied. Ce liquide s’étale contre la paroi et se solidifie en formant à son extrémité une plaque adhésive reliée à un fil que vous observerez quand je rétracterai mon pied.
Je peux recommencer un certain nombre de fois et même disposer mes fils en un bel éventail. Ça y est ! Ça tient ! Je suis bien accrochée et vous pourrez le vérifier en renversant le bocal qui se transforme alors en cloche tintant. Il paraît que des biologistes ont découvert la composition chimique de la protéine qui constitue le byssus. J’aurais dû déposer un brevet de fabrication avant de découvrir une copie de ma sécrétion dans le rayon «colles et adhésifs» d’un magasin de bricolage. Au fait ! Avant que vous me dégustiez, il a fallu moi aussi que je me nourrisse. Je n’ai pas de tentacules qui sortent de ma coquille et pourtant, je peux attirer mes proies. Oh ! Elles ne sont pas bien grosses, zooplancton, phytoplancton, ça me va très bien. Mais alors, comment l’eau et le plancton peuvent-ils entrer ?
J’ai la chance d’être un Mollusque lamellibranche ou bivalve. Non seulement mes branchies ont l’aspect de lamelles et filaments qui filtrent l’eau mais en plus, elles possèdent des cils vibratiles microscopiques. Comme ils bougent sans arrêt, ils créent un courant qui entre par l’entrebâillement de mes valves et sort par la « boutonnière». Je récupère alors le plancton, l’emprisonne dans un mucus qui se déplace lentement vers mes palpes labiaux puis ma bouche. Et voilà, c’est bon ! Je n’oublie pas non plus de respirer en captant l’oxygène dissous dans l’eau avec mes branchies. C’est pourquoi, je me ferme solidement pour garder de l’eau à marée basse ou sur l’étal du poissonnier. Si je relâche mes muscles adducteurs et commence à bâiller, attention, je suis en danger de mort ! En serrant très fort le sac dans lequel le poissonnier nous a jetées, nous aurons du mal à nous ouvrir et vous pourrez nous conserver au frais plus longtemps. Question reproduction, tout baigne ! Mâles et femelles restent bien fi xés dans leur coin, et pourtant «no problem», les mâles au manteau blanchâtre libèrent leurs spermatozoïdes et les femelles au manteau orangé leurs ovules. L’eau de mer qui nous baigne devient une véritable « soupe» de gamètes dans laquelle se feront les fécondations donnant des oeufs puis des larves microscopiques et enfi n des petites moules. Il faudra nous laisser grossir sur des cordes et des pieux (bouchots) avant de nous arracher pour faire le bonheur des amateurs de… moules-frites. Il m’arrive parfois d’héberger un pinnothère. Mais si ! Vous l’avez parfois trouvé croustillant sous la dent ! Ce petit crabe ne me dérange pas et comme je ne suis pas chatouilleuse, tout va bien. Nous partageons la nourriture mais cela ne m’empêche pas de grossir. Il est donc diffi cile dans ce cas, de parler de parasitisme. Le seul inconvénient se présente pour le gourmet qui me dégustera les yeux fermés !
La balane (Balanus balanoïdes)
On me trouve partout sur l’estran et pourtant personne ne s’intéresse à moi. Je vous pose cependant des problèmes car je vous fais mal aux pieds et vous devez me gratter avant de faire cuire les moules. Vue à la loupe, je ressemble à un minuscule volcan surmonté de son cratère. En réalité, je suis un Crustacé. Vous devez vous demander en quoi je ressemble à un crabe ou une crevette ! Eh bien, je vais vous le dire ! Comme les autres Crustacés, je possède des appendices articulés, ce sont des cirres assimilés à des pattes transformées. J’appartiens donc au groupe des Crustacés cirripèdes comme les Anatifes et les 8 «pousse-pieds». De mes oeufs sortent des larves qui sont celles de tous les Crustacés. Elles s’appellent Nauplius, puis elles se transforment en larves Cypris qui se fi xent au rocher avant de se métamorphoser en balanes. Une muraille formée de plaques soudées se construit autour de mon corps et quatre plaques au sommet, forment l’opercule. À marée basse, je ferme « toutes les portes» pour garder un peu d’eau. À marée haute, c’est l’ouverture. Dans un mouvement rythmé et gracieux, je déploie un panache de cirres qui entre et sort de mon opercule. Je crée ainsi un courant d’eau qui m’apporte plancton et oxygène. Si vous voulez voir ce «spectacle» mettezmoi dans une coupelle d’eau de mer et observez-moi à la loupe: c’est étonnant! Je vous saluerai non pas de la main mais de mon panache de cirres.
Catherine CHAUVET