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Bulletin 2020

XYNTHIA ET LA CONSCIENCE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

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Perturbations climatiques de l’anthropocène.

Dans notre confetti d’histoire et de phénomènes climatiques de l’anthropocène, la tempête Xynthia s’inscrit dans une longue suite de catastrophes naturelles provoquées par les inondations ou les submersions. Citons les plus meurtrières : le raz de marée de 1953 aux Pays-Bas, ses ruptures de digues et ses 1 800 morts, le tsunami de 2004 dans l‘Océan Indien et en France, les tempêtes Lothar et Martin le 27/12/1999 et la tempête Klaus le 24/01/2009.

Érosion supplémentaire provoquée par des aménagements non réfléchis. En second plan, un escalier en pilotis qui résiste aux vagues de submersion. Accès 29 Kerlo après passage de la tempête 26-27 novembre 2019 (photo VIE)

Pour citer un dernier coup de vent, plus local, entre le mardi 26 novembres 2019 et le mercredi 27, les  littoraux de la Gironde à la Vendée ont subi à la fois, du vent, une situation orageuse et beaucoup de précipitations. En concomitance d’un coefficient élevé de 99 ( à 4h du mercredi matin, houle de 5 m, rafales 80 km/h, surcote, violents courants côtiers), cette queue de tempête tropicale appelé Sébastien, a touché particulièrement le littoral du Pays de Saint-Gilles causant des sinistres sur l’estran : l’amaigrissement très net de 50 cm du haut de plage, la submersion du pied de dune, la mise en profil « falaise » de la dune (éboulements de pans de dune à prévoir), l’ébranlement des enrochements (supports des postes de secours) maladroitement posés sur le sable et qui s’éparpillent et la disparition de la clôture de protection de la dune qui a été arrachée sur plusieurs kilomètres par la puissance des vagues. Bien que des phénomènes d’accrétion naturelle aboutissant à la reconstitution de dunes détruites sont favorisés par des protections du haut de plage, aucune action durable n’est engagée pour empêcher les sinistres à chaque tempête.

 Le spectre de la « planète étuve ».

Que nous enseigne Xynthia, tempête somme toute classique, moins  puissante que les tempêtes Lothar et Martin en 1999 : sans doute une constante défaillance à anticiper, une « nébuleuse d’irresponsabilité collective » (Sénat) et notre incapacité à proposer des solutions conséquentes au réchauffement climatique.
Dans le cadre de l’accord adopté dans la capitale française, il est stipulé en effet que la politique climatique a pour but de « maintenir la hausse de température bien au-dessous de 2 °C tout en continuant les efforts pour ne pas dépasser 1,5 °C ».
Autrement dit, une fois enclenchée, la dislocation du Groenland (ou de toute autre calotte glaciaire) sera impossible à arrêter avant que soit atteint un nouvel équilibre énergétique du système Terre. Dans l’intervalle, cette dislocation risque de provoquer un enchaînement de « rétroactions positives » : transformation de l’Amazonie en savane, dislocation de glaciers géants de l’Antarctique, fonte irréversible du pergélisol… Un gigantesque effet domino climatique pourrait déboucher rapidement sur une hausse de 4 à 5 °C de la température moyenne de surface de la Terre.

Le réchauffement est actuellement de 1,1 °C environ par rapport à l’ère préindustrielle. Au rythme actuel des émissions, le cap des 1,5 °C sera franchi vers 2040. Tout doit être mis en œuvre pour empêcher qu’il le soit. Mais est-ce encore possible ? Ce n’est, hélas, pas certain. Pas certain du tout !
Ainsi, 2019 sera vraisemblablement au 2e ou 3e rang des années les plus chaudes. De plus, au niveau du globe, les cinq dernières années sont certainement les cinq plus chaudes et la dernière décennie 2010-2019 la décennie la plus chaude.

Les événements extrêmes du niveau de la mer, qui se produisent maintenant rarement (typiquement une fois par siècle) pendant les fortes marées et les fortes tempêtes, deviendront plus fréquents (typiquement une fois par an comme la surcote de Xynthia). Les aléas deviendront extrêmes  par la conjonction temporelle de phénomènes naturels plus ou moins rares.
Le niveau global moyen de la mer a augmenté d’environ 15 cm au cours du XXe siècle. Le niveau de la mer augmente actuellement plus de deux fois plus vite. Cela va s’accélérer pour atteindre jusqu’à 1,10 m en 2100 si les émissions ne sont pas fortement réduites. Au cours du siècle, et sans efforts majeurs d’adaptation, de nombreux littoraux seront exposés à des risques élevés de submersion marine, d’érosion côtière et de salinisation des sols.
Le dernier Rapport spécial du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC – novembre 2019) souligne qu’il importe de définir, de toute urgence, des mesures prioritaires opportunes, ambitieuses et coordonnées pour faire face aux changements durables et sans précédent que subissent l’océan et la cryosphère.

Les appels de la jeunesse (Marche pour le climat en Espagne, l’activisme des jeunes comme Greta Thunberg  « la crise climatique ne concerne pas que l’environnement, c’est une crise des droits de l’homme, de la justice et de la volonté politique ») seront-ils plus féconds pour le réveil des consciences que les Conférences des Parties organisées annuellement depuis le sommet de la Terre à Rio, en 1992 (la COP 25 s’est tenu en décembre 2019 à Madrid), avec un enlisement des négociations et des engagements.
Les collapsologues pourront-ils nous guider pour éviter le cataclysme ? Loin de laisser le lecteur consterné et résigné par ces révélations, la collapsologie cherche aussi à donner les moyens pratiques et spirituels de pouvoir naviguer tout en ayant conscience des tempêtes à venir. Cette nouvelle sagesse de vivre est notamment au cœur du dernier ouvrage « Une autre fin du monde est possible. Vivre l’effondrement, et pas seulement y survivre », paru en 2018 (Pablo Servigne, et Raphaël  Stevens, Gauthier Chappelle).
Ce qui l’on imagine le plus difficilement c’est la concomitance de plusieurs perturbations ou l’effet domino comme l’effet cocktail dans les effets cumulatifs de la pollution sur la nature et sur l’homme.

 

Denis Draoulec.

Bulletin 2020

LA CAMPAGNE DE DRAGAGES DU PORT 2019-2020

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Pour informer la population de la ville, la SEMVIE réunit régulièrement des représentants de la Ville, des représentants des administrations concernées (DDTM, DDASS, ARS, SAGE…), des usagers professionnels du port, des plaisanciers, des riverains et des usagers de la plage dans un comité de pilotage, pour les informer de l’avancement des travaux de dragage du port et désamorcer les conflits éventuels.

V.I.E. participe régulièrement à ces réunions et y apporte les remarques qui lui parviennent de ses adhérents.

Drague, baie de l’Adon (Cliché VIE)

Les campagnes de dragages sont actuellement nécessaires 2 années sur 3 pour enlever et les vases en provenance de la Vie et du Jaunay (bassin-versant de 780 km2) et le sable qui remonte de la mer lors des tempêtes, et qui s’accumulent jusqu’à empêcher les mouvements des navires à marée basse. Elles sont encadrées par les 13 articles de prescriptions de l’arrêté préfectoral du 27 novembre 2013 valable 10 ans.

La campagne de dragages 2019-2020 a commencé début novembre 2019 et devrait se terminer fin mars 2020, sans opérations les week-ends ni pendant les vacances scolaires sauf nécessité de rattraper des arrêts de la drague par incident technique. Elle se présente apparemment sans difficultés majeures, la sécheresse de l’été 2019 ayant limité les apports d’alluvions en provenance de la Vie et du Jaunay. La qualité des sédiments est largement dans les normes de rejet sur la plage et s’améliore avec les progrès des équipements et des pratiques des communes du bassin-versant et du port lui-même.

Il est prévu d’enlever 50 000 m3 de vases jusqu’à fin février et 30 000 m3 de sables ensuite dans le port de plaisance. Le dragage du port de pêche, du bassin de l’Adon et de la souille de la vedette de l’île d’Yeu a été aussi attribué à la SEMVIE.

Drague, port de plaisance (cliché VIE)

Il n’est pas prévu d’utiliser un relais de dragage pour les opérations autour du ponton 8 donc le niveau de bruit devrait rester stable. La tuyauterie de rejet en mer a été installée jusqu’à un point de rejet à 260 mètres du pied de dune, dans la vague, par marée basse de coefficient 115 ce qui assure une bonne dilution du mélange (80 % eau, 20 % sédiments) pompé par la drague même si un panache peut se voir depuis la dune, en général en direction du sud.

Un état des lieux de la richesse de la faune de la plage a été réalisé en septembre 2018 : on a compté 66 espèces présentes dans le sable donc un état satisfaisant, aussi bien en amont qu’en aval du point de rejet. Il y aura 2 prélèvements par mois pour analyse sur les coquillages de la plage.

Si la qualité des eaux de la plage n’est pas détériorée par les dragages aussi bien au niveau bactériologique que métaux lourds, des analyses régulières en font foi, par précaution, la pêche à pied des coquillages restera néanmoins interdite sur la plage et les activité nautiques sur 200 mètres de part et d’autre du débouché du tuyau d’évacuation des effluents de la drague jusqu’à 15 jours après la fin des travaux. L’élargissement de cette zone à 500 mètres a été discuté, mais les surfeurs veulent conserver une zone de surf par mauvais temps le long de la grande jetée, un arrêté municipal en décidera. Une information par panneaux sera mise en place pour les pratiquants.

Le rejet sur la plage est une solution technique et économique acceptable même si elle peut créer des inquiétudes au niveau sanitaire ; on se reportera à l’article bien documenté de Denis Draoulec dans le bulletin 2015 de V.I.E. pour l’examen des solutions alternatives.

 

Jean Georger

Bulletin 2020

XYNTHIA ET PLAIDOYER POUR LA PRÉVENTION.

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La tempête Xynthia, « dépression barométrique très accusée ».

Le samedi 27 février 2010, à l’approche d’une dépression couvrant le Portugal et l’Espagne, Météo-France prend la décision de placer 66 départements en vigilance orange dans son bulletin de 6 h du matin. À 16 h de la même journée, les départements de la Vendée, de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vienne sont placés en vigilance rouge (vents violents) par les services de Météo-France. La tempête qui sera nommée Xynthia frappe la France dans la nuit du 27 au 28 février 2010 et une partie de la journée du 28.

La tempête Xynthia, « dépression barométrique très accusée », est arrivée sur les côtes françaises à son intensité maximale et, fait remarquable, en phase avec la pleine mer d’une marée d’équinoxe à fort coefficient de 102

(à 4 h 18 soit trois heures après les vents maximaux accompagnant le passage de la tempête). Les rafales de vent (jusqu’à 140 km/h voire 160 km/h  à l’île de Ré) ont également généré des vagues déferlantes qui, combinées à l’augmentation du niveau de la mer due à la dépression, ont donné lieu à une submersion marine importante (surcote de pleine mer a été particulièrement importante 153 cm à La Rochelle). C’est ainsi la simultanéité de ces phénomènes a provoqué la rupture de plusieurs digues et de graves inondations dans les zones côtières de la Vendée (La Tranche-sur-Mer, L’Aiguillon-sur-Mer, La Faute-sur-Mer), de la Charente-Maritime et dans les Côtes-d’Armor.

En France, Xynthia a été l’événement le plus meurtrier depuis les tempêtes de décembre 1999 ( où 47 personnes avaient trouvé la mort dont 41 décès liés directement à la submersion marine). En Vendée, sur 35 morts, 29 morts sont concentrés à la Faute-sur-Mer. La plupart des victimes sont des retraités, certaines enfermées  dans leurs maisons de plain-pied par des volets roulants bloqués par le manque d’électricité. Certains de ces équipements avaient été conseillés par les compagnies d’assurance comme moyen antieffraction.

Dune de la Garenne après le passage de Xynthia. Le rechargement du pied de dune a permis de conserver cette défense dunaire du port de Saint Gilles Croix de Vie (photo VIE)

A Saint-Gilles-Croix-de-Vie, la submersion marine a provoqué les débordements sur les rives de la partie estuarienne de la Vie sans faire de victime, notamment dans les quartiers Gorin, de la Petite Ile, Marie de Beaucaire et autour de l’écluse du Jaunay. Des refoulements du réseau d’eaux pluviales ont augmenté les effets d’inondation, ce qui fait que les habitants des quartiers riverains de la Vie se sont réveillés les pieds dans l’eau, jusqu’à 60 cm, des voitures étant à la dérive dans le courant. Le niveau de la mer a atteint au quai des Greniers  3,77 NGF (Nivellement général de la France).

Les plans de prévention.

Comme l’expliquait MB dans le bulletin de V.I.E. 2012, article « Xynthia, deux ans déjà », il devenait essentiel pour l’Etat d’énoncer des prescriptions, notamment d’urbanisme et d’application du droit du sol en matière de risques naturels, dans un Plan de Préventions des Risques Naturels Prévisibles (loi de juillet 2010)’.

La circulaire du 2 août 2011 précise les objectifs des Plans de Prévention des Risques Littoraux s’appuyant sur une doctrine d’application des sols. Dans un article consacré au PPRL (page 10 du bulletin de  V.I.E. 2017), la genèse et la raison d’être d’un plan gouvernemental de prévention sont exposées, sachant que c’est l’évaluation du risque pour la vie humaine qui détermine prioritairement la méthodologie de prévention, ceci appliqué pour chaque territoire littoral.

Les prescriptions pour Saint-Gilles-Croix-de-Vie et son littoral voisin jusqu’à la limite de Saint-Jean-de-Monts  font partie du PRRL du Pays de Monts. Les cotes de référence applicables sur le littoral, jusqu’à l’intérieur des estuaires comme pour celui de la Vie à Saint-Gilles-Croix-de-Vie ont été calculées par un logiciel de modélisation. La cote du quai des Grenier est établie à 3,80 NGF ; un supplément de 20 cm correspondant à la prise en compte des premiers effets du changement climatique, a été ajouté  pour qualifier cette cote de « référence dite d’aléa actuel » ; un supplément de 60 cm a été ajouté  à la cote Xynthia pour qualifier la cote de « référence dite d’aléa 2100 », estimation du niveau de submersion à la fin du siècle, 4,60 NGF quai des Greniers, compte tenu du changement climatique. Zones de submersion, zones de chocs mécaniques, bandes de précaution s’inscrivent dans le zonage règlementaire : zones rouges pour les zones de danger : inconstructibles, zones bleues pour les zones de précaution : constructibilité sous conditions.

Approuvé le 30 mars 2016, après une phase d’enquête publique (janvier 2016), le PPRL vaut servitude d’utilité publique en application de l’article L.562-4 du Code de l’Environnement. Il s’impose aux documents d’urbanisme en vigueur et doit être annexé notamment au Plan Local d’Urbanisme (PLU).

Ainsi est prévu coté Croix-de-Vie le scénario de la submersion (aléa actuel). Coté Saint-Gilles, la mise à la cote 4,00 NGF est envisagé pour le quai Rivière et le quai Marie de Beaucaire. Toutes les cotes sont à augmenter de 60 cm pour se prémunir d’un aléa en fin de siècle 2100 (cote 4,60 quai des Greniers).

Parallèlement, portés par les Communautés de Communes, des PAPI (Programmes d’Actions de Prévention contre les Inondations) ont comme objectif la réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens par des aménagements adéquats. Ainsi le PAPI du Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie a permis,  par l’endiguement du quai des Greniers (crête à 3,90 NGF) et du quai Gorin (crête à 3,80 NGF), de protéger les bas quartiers de Croix-de-Vie contre les risques de submersion (Xynthia cote constatée 3,77 quai des Greniers). L’important bassin de rétention (700 m²) des eaux d’origine terrestre permet de faire  front à la concomitance d’évènements centennaux de submersion marine et d’inondation terrestre.

Enfin la commune s’est dotée d’un Plan Communal de Sauvegarde en octobre 2013. Ce plan recense les risques évalués en hypothèse de submersion et d’inondation pouvant se présenter de façon concomitante, la répartition des responsabilités et la description de la chaîne de décision. L’alerte des populations concernées et leur prise en charge sont au cœur des dispositions du Plan de Sauvegarde.

Soucieux de consolider et d’harmoniser les connaissances (Observatoires) de la dynamique littorale (effet de l’érosion principalement) et les réflexions sur la mise en cause de la pérennité des espaces et des activités humaines situées à proximité du rivage et leur résilience, dans le contexte des aléas tempétueux (érosion, submersion), Stéphane BUCHOU, Député de la Vendée, a remis en octobre 2019 un rapport parlementaire intitulé « Quel littoral pour demain ? Vers un nouvel aménagement des territoires côtiers adapté au changement climatique ». L’ouvrage recense de nombreux exemples de méthodologies d’adaptation à l’érosion côtière.

 

Denis Draoulec.