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Bulletin 2019 Environnement

Les Hermelles (Sabellaria alveolata)

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Depuis que les humains existent, toutes sortes de constructions sont apparues sur la Terre et ont marqué leur époque : dolmens, pyramides, châteaux-forts, cathédrales, palais et enfin, gratte-ciel. Nous, les Hermelles, nous construisons toujours les mêmes résidences avec « vue sur mer » et même « sous la mer » à marée haute, depuis des millions d’années. Ce sont des pseudo-récifs visibles sur l’estran rocheux qui font penser à d’énormes coussins, éponges ou nids d’abeilles suivant l’imagination de chacun.

En réalité, nous sommes des vers bâtisseurs appartenant aux Annélides Polychètes (vers marins segmentés aux nombreuses soies). Une fois retirés des tubes dans lesquels nous vivons, chacun de nous ressemble à une petite masse allongée, molle et grisâtre d’environ 4 cm. Par contre, si nous sommes photographiés « en studio », dans l’eau, avec une légère coloration et un bon objectif photo, nous pouvons avoir un look plus sympa. De nombreuses soies entourent notre bouche et servent à retenir le plancton nutritif ainsi que les grains de sable.

 Nous y voilà ! Pourquoi des grains de sable ? Pour construire nos habitations qui ne sont pas des châteaux de sable éphémères mais des récifs assez résistants. Nous produisons un mucus qui colle entre eux les grains de sable en formant un tube autour de notre corps. Nos voisins agissant de même, nous nous retrouvons en « appartements parallèles », sachant qu’il n’y a de place que pour un seul animal dans chaque tube. A marée basse, nous sommes bien à l’abri à l’intérieur et à marée haute, nous sortons juste nos soies qui s’agitent à la surface du récif. Nous sommes bien protégés dans nos « chambres marines » et n’avons pas de problèmes de voisinage même si nous formons parfois des colonies de plusieurs milliers d’individus.

Nous jouons un rôle important dans l’équilibre de l’écosystème de l’estran en servant d’abri à des larves d’espèces diverses. Hélas, nous sommes menacés par le piétinement, l’envasement ou le développement des huîtres sauvages dans les secteurs ostréicoles. Pour la reproduction, les mâles et les femelles libèrent leurs gamètes dans la mer où se fera la fécondation. Les œufs puis les larves planctoniques seront disséminés et iront coloniser de nouveaux rochers. Comme quoi, nous pouvons faire « chambre à part » et assurer la survie de notre espèce !

Bulletin 2019 Environnement

Le Talitre (Talitrus saltator) ou Puce de mer

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Les gens me connaissent sous le nom de Puce de mer, mais cela me déplaît vraiment !

Les Puces sont des Insectes qui ont trois paires de pattes alors que moi, je suis un Crustacé comme les Crevettes, les Cloportes (terrestres) ou les Gammares (d’eau douce). Ces horribles bestioles sont aussi des parasites suceurs de sang alors que je suis un inoffensif mangeur d’algues. De plus, je ne suis pas un animal marin (je déteste les bains de mer bien que je sache nager !) et je passe la majeure partie de mon temps dans des terriers de sable en haut de plage.

Par contre, j’aime bien mon nom scientifique (Saltator) qui fait penser à un personnage de Star Wars ! Surtout, il montre que je suis un champion de saut en hauteur (20 cm alors que je mesure au plus 2,5 cm). Hélas, la Puce est la championne du monde animal avec un saut de 34 cm équivalent à 340 fois sa taille. Je suis très sensible à la lumière selon laquelle je peux m’orienter et je ne peux pas rester allongé sur le sable pendant les vacances d’été. Ma carapace très fine appelée cuticule se dessècherait très vite et mes yeux ne supporteraient pas cette forte luminosité. J’ai donc une activité plutôt nocturne au cours de laquelle je m’occupe à grignoter les algues laissées sur le sable. En les broyant, je favorise leur décomposition par les mouches et asticots ; le travail sera achevé par les bactéries. Je suis au menu de nombreux animaux venant picorer dans cette laisse de mer, tels que les Gravelots, les Pipits maritimes, les Tourne-pierres ainsi que les Mouettes rieuses et les Goélands argentés. Je participe ainsi à l’équilibre de l’écosystème littoral. Les zoologistes qui ont étudié ma biologie, ont constaté que je suis un bon indicateur de la qualité de l’eau. J’ai horreur des zones polluées ou contaminées par des métaux lourds et c’est pourquoi j’ai déserté certaines plages. De plus, ne me parlez-pas de ces nettoyages par raclage et nivellement du sable qui détruisent mes galeries ainsi que des mégots remplis de goudrons et de nicotine. Le tabagisme passif, ce n’est pas pour moi ! L’Océan, incontournable acteur de SGXV 4 Vous pourrez encore me trouver en haut des plages sauvages, mais attention, si vous me dérangez, je pourrai vous chatouiller le dos ou vous mordiller la plante des pieds ! Ah ! Ah ! Gare à la vengeance de Saltator !

Catherine Chauvet
(texte et photographies)

Bulletin 2019 Histoire Récits Mémoire

LE SAUVETAGE DE L’A…

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 Le samedi 14 novembre 2014, 20h30.

Joseph Guittonneau, le capitaine du SNS 154 de Saint-Gilles-Croix-de-Vie reçoit une alerte du CROSS. En dix minutes, il réunit l’équipage d’intervention. Ces marins de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, tous bénévoles, lâchent sur le champ leurs occupations pour se porter, au plus vite, au secours de l’A…, un fileyeur de l’Ile d’Yeu échoué à la Paterne.

En s’embarquant, les sauveteurs savent déjà qu’à bord de l’A…, le patron et les quatre hommes d’équipage sont sains et saufs. Partis en soirée pour faire le plein à Saint-Gilles-Croix-de-Vie avant de rejoindre leur site de pêche, une fausse manœuvre les a fait s’échouer. La quille enfoncée dans le sable à quelques mètres de l’estran, ils ont cru qu’à marée montante ils pourraient se dégager. De fait la houle les a fait s’enfoncer plus profondément. La situation s’aggravant au fil des heures, le patron s’est résolu à suivre la procédure : prévenir le propriétaire du bateau et le CROSS en charge d’organiser les secours. Heureusement il n’y a pas de blessés. Il n’est pas nécessaire de mobiliser l’hélicoptère de la Rochelle.

20h50, le SNS 154 largue les amarres.

 Arrivé à hauteur de PIL’HOURS, l’équipage tâte déjà d’une mer formée. Le mauvais temps sera de la partie. Les mentons s’enfoncent dans le col des vareuses. Le capitaine joint le patron de l’A…qui est catégorique. Pour lui et ses hommes d’équipage, pas question de quitter le bateau. Ils resteront à bord et aideront à la manœuvre. Ils ont déjà jeté par-dessus bord leur chargement de glace afin d’alléger le bateau. Et faute d’avoir eu le temps de faire le plein, la cuve est quasi vide. Une chance dans ce malheur.


Photo SNSM Saint-Gilles-Croix-de-Vie- Vedette SNS 154

Arrivé sur le site de sauvetage, l’équipage de SNS 154 embrasse la situation d’un coup d’œil. Une mer agitée va compliquer leur tâche. Il faudra passer des remorques aux marins restés à bord afin de tirer le bateau hors de sa souille de sable. Un premier ballon auquel est attachée la remorque est jeté à l’eau. Tous le suivent des yeux. Il s’agit que les vagues le mettent à portée de gaffe des marins de l’A… qui, sitôt qu’ils auront récupéré la remorque, auront à l’accrocher solidement en vue de tracter le bateau vers le large. La manœuvre, exténuante, échoue plusieurs fois. Les déconvenues s’enchaînent. Deux remorques casseront successivement. Après quoi il faut, chaque fois, récupérer les 400 mètres de cordage que déroule chaque remorque et qui ne doivent absolument pas rester dans l’eau, de crainte qu’ils ne s’enroulent dans les hélices ou, partis à la dérive en mer, qu’ils ne créent des dommages à d’autres navires.

A la nuit tombée, l’équipage du SNS 154 est exténué. Le faible coefficient d’une marée de 51 n’a pas été d’un grand secours. L’A…n’a toujours pas bougé d’un centimètre. A 3 heures du matin, il est évident que des renforts s’imposent, en plus des pompiers qui, depuis le matin, donnent un coup de main depuis la plage à bord de leur tracteur. Le SNS 154 rentre à Saint-Gilles-Croix-de-Vie après avoir fait son rapport. Il est entendu que la SNSM des Sables va envoyer « Mini-Plomb », une unité puissante qui fait le balisage des bouées. L’équipage puise dans la force de l’habitude pour effectuer les dernières manœuvres d’accostage. Il sait devoir repartir après de brèves heures de repos pour recommencer les difficiles manœuvres de la veille, dans l’espoir qu’elles seront plus concluantes.

L’équipage de l’A… a suivi des yeux les feux de signalisation du SNS 154 jusqu’à ne plus les voir. Une nouvelle nuit à bord va ajouter de la fatigue à celle d’une rude journée. En silence, ils se partagent les provisions que leur a passées l’équipage du SN 154. Le café bouillant ne réchauffe pas l’ambiance. Ils écoutent les membrures du bateau grincer sous les effets d’une houle de plus en plus formée.

Le lendemain à 9h 30, le SNS 154 est de nouveau à la manœuvre. Il est rejoint par « L’Aurore Boréale » de l’Île d’Yeu, dont la vedette est attendue et surtout « Mini Plomb » qui, contrairement à son surnom, fait le poids. Les pompiers sont là eux aussi, sillonnant la plage. En trois jours, la situation s’est aggravée. Les marins ont compris que la succession des marées a enclenché un effet de ventouse qui enfonce plus encore l’A… dans les sables. Les sauveteurs recommencent à lancer des remorques à son équipage, toujours dans le but de le faire tirer en attelage par les trois bateaux arrivés à la rescousse. Les manœuvres se répètent, exténuantes. A la fin de la journée trois bosses ont cassé sans que l’A… n’ait bronché d’un pouce.

Il reste un espoir. Le coefficient de marée va passer de 51 à 58.

Il est 18h30. L’équipage du SNS 154 rentre à Saint-Gilles-Croix-de-Vie prendre un bref repos. Il repartira à 22 heures pour être sur site à la pleine mer. De nouveau, des remorques sont lancées à l’eau. Sitôt récupérées, elles sont solidement arrimées à l’A…. Les moteurs sont lancés à plein régime. Les hélices brassent les vagues qui enragent et écument plus encore. Rien ne bouge. Les marins s’obstinent. A 1 heure du matin, l’A… bouge. A 2h15, l’A… est en eau libre. Il aura fallu 4 jours aux sauveteurs bénévoles pour sortir d’affaire l’A… et son équipage.

Michelle Boulègue à partir du récit de Joseph Guittonneau, capitaine du SNS 154 de Saint-Gilles-Croix-de-Vie

(1) Bosse : Câble de nylon tressé de 20cm de diamètre