Votée en 1986, publiée 29 ans plus tard le 14 décembre 2015, la loi littoral N°86- 2 du 3 janvier 1986, concerne 1212 communes en zone côtière, en bordure de grands lacs, d’estuaires et de deltas. L’ambition du législateur est de mettre cette loi au service de la préservation et du développement des zones concernées.
Prévenir les risques en zones côtières s’avère de plus en plus impératif tant le trait de côte est exposé aux effets de l’érosion et aux menaces de submersion marine aggravées par le réchauffement climatique. A cela s’ajoute une pression démographique accrue. D’ici 30 ans, 3,4 millions de nouveaux habitants attirés par les attraits du bord de mer devront trouver à se loger, se divertir, y travailler, se former, se déplacer et se soigner. Les conséquences prévisibles sont une aggravation de l’artificialisation des sols à un rythme trois plus rapide qu’actuellement au détriment des terres agricoles et des espaces naturels. Or ces zones sont également très fragiles tout en abritant de riches écosystèmes également menacés.
Développer ces zones est donc une gageure quand elles doivent être également protégées. Le maître-mot des décideurs locaux en charge de résoudre cette difficile équation est l’aménagement durable.
Ce vocable désigne l’exercice d’équilibriste qui consiste à permettre l’implantation de projets économiques compatibles avec la préservation des espaces agricoles et naturels.
Prudemment, la loi se veut définir un cadre reconnaissant aux décideurs locaux des capacités à prendre des décisions équilibrées à la lumière des réalités du terrain. Elle en fixe donc les principes de mise en œuvre :
– Continuité de l’urbanisme existant est le critère d’extension de l’urbanisme afin d’éviter le mitage du littoral.
– Limitation de l’urbanisme dans les espaces proches du rivage.
– Interdiction de construire sur une bande de 100 m de large à compter de la limite haute du rivage sauf pour les activités qui exigent une proximité immédiate de l’eau comme les fermes aquacoles et non un restaurant de plage.
– Aménagement de coupures d’urbanisme afin de créer des « respirations ».
– Identification et préservation des espaces les plus remarquables, caractéristiques du littoral et des espaces boisés.
Des fiches techniques sont à disposition des élus afin de les aider à appliquer la loi « Littoral ».
Actuellement les façades littorales sont plus exposées encore aux effets de l’érosion et aux risques de submersion marines qu’en 1986. L’actualité ne manque pas d’en apporter les preuves. Les capacités d’anticipation sont plus que jamais attendues de la part des élus. A l’appui de leurs responsabilités le gouvernement édite des instructions complètes sous forme de fiches. Ainsi l’instruction du 7/12/2015 visant les domaines des transports, équipements, logement, tourisme. Réussir la cohérence territoriale est l’enjeu et implique d’articuler aux directives gouvernementales, les SCOT et les PLU. Ainsi posée, la loi « Littoral » votée à l’unanimité n’a jamais été remise en cause même si des coups de canif, parfois implacablement sanctionnés par la nature, ont pu lui être portés. Mais voilà qu’en avril 2018, la loi Evolution du Logement et Aménagement Numériques (loi ELAN) débattue en Assemblées parlementaires en a secoué quelque peu les fondamentaux en proposant d’autoriser de construire sur les « dents creuses » entre deux bâtiments existants. Une réponse à la nécessaire densification urbaine particulièrement prisée en zone balnéaire écartelée entre le manque le foncier pour développer des résidences principales et la concentration des résidences secondaires ? Une ouverture à la tentation de bétonisation, diront les détracteurs de cet amendement curieusement glissé dans la loi ELAN. La levée de bouclier fut telle que les auteurs de l’amendement le remisèrent à la déception d’entreprises du BTP et de particuliers qui y voyaient l’opportunité de valoriser leur patrimoine.
La leçon de cette anecdote est que les pressions sur le foncier en zone littorale existent et sont suffisamment fortes, fondées sur des argumentations si opposées qu’il reviendra d’ici peu aux décideurs locaux de déployer leurs capacités à concilier les contraires avec l’appui des instructions gouvernementales. Autant dire que les dérapages sont à craindre et que la vigilance collective est plus que jamais de mise même si la loi ELAN qui devrait être votée en décembre 2018 veut précisément mettre la politique du logement à l’abri des pressions associatives expressément ciblées.
Michelle Boulègue
Sources : Légifrance, loi « Littoral », projet de loi ELAN, article 24, alinéa 8, page 21 : « Amélioration du dispositif d’action en responsabilité contre les recours abusifs, associatifs ou autres… »