Faites l’expérience de prononcer son nom et vous verrez le visage de votre interlocuteur s’illuminer. Il paraît que voir la voiturette jaune citron aux chromes étincelants donnait une envie irrésistible de glaces et de sorbets parfumés et crémeux. Et les souvenirs heureux et gourmands de s’enchaîner !
Pas d’effet magique sans secret, et oui ! Palmyra Abascal détenait bien un secret de famille que les siens se transmettaient de génération en génération, à Ontaneda, son village d’origine, près de Santander en Espagne. L’art de la fabrication des glaces, la famille Abascal s’en était fait une spécialité que Palmyra Abascal partageait avec son mari également né Abascal, tous deux natifs du même village et tout autant versés dans le secret de fabrication de la glace.
Dans les années 30, les duretés de la vie ont convaincu Monsieur et Madame Abascal, jeunes mariés, de tenter leur chance en France, suivant en cela les traces de membres de leur famille qui avaient déjà dû s’expatrier pour mieux gagner leur vie. C’est ainsi qu’ils arrivèrent, en plusieurs étapes, à Croix-de-Vie en 1932. A l’époque, les deux ports voisins, Saint-Gilles et Croix-de-vie s’ouvraient, de conserve, au tourisme balnéaire. Monsieur et Madame Abascal ont très vite su satisfaire la gourmandise des estivants et des habitants. Chacun, au gré de ses promenades savait pouvoir rencontrer l’un ou l’autre, selon les heures et les jours, à l’entrée de la grande plage, devant la mairie, quai de la République ou à l’entrée de la rue du Général de Gaulle les jours de marché. D’un été à l’autre, de si bonnes habitudes ne pouvaient se perdre et c’est ainsi, qu’ au fi l du temps, les « glaces Abascal » sont devenues une véritable institution.
Et ce secret ?
Le secret était un lait frais et crémeux que Madame Abascal et sa fi lle Jacqueline allaient chercher chaque soir à la ferme des «Moreau» sur la route de Saint-Hilaire ou chez les «Caillonneau» à la ferme du Jaunay, sur Givrand. La route du retour à pied, avec deux bidons de 10 litres suspendus en bout de perche paraissait bien longue. Pourtant la journée n’était pas finie. Le soir était consacré à la fabrication des sorbets au cassis et au citron, deux parfums plus difficiles à faire prendre. Tôt le matin, dès 4 heures, Madame Abascal faisait les autres sortes de sorbets aux parfums également fait maison. Dans la famille Abascal, chacun avait son rôle à tenir. Si Madame Abascal avait la responsabilité de la fabrication, toute la famille assurait la vente. Ainsi Jacqueline, leur fille, a eu la responsabilité d’une voiturette dès ses douze ans. Monsieur Abascal avait de plus la charge de la confection des cornets qui ont eu parfois la forme de bateaux. L’entretien des trois voiturettes lui revenait de droit. L’hiver, l’entreprise familiale se mettait en sommeil. Seul, Monsieur Abascal allait proposer des châtaignes et des cacahuètes, grillées maison, lors des matchs de foot. C’est ainsi que Monsieur et Madame Abascal, venus d’Espagne, ont fait métier de donner du plaisir à tous. Ça ne s’oublie pas !
Michelle Boulègue