Après la fusion de deux communes du havre de Vie en 1967 et le long eff ort de coopération intercommunale avec les communes voisines du pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie (cf. article précédent), quelles sont les perspectives de rapprochement des communes du havre de Vie pour organiser la future ville littorale peut-on entrevoir ?
L’idée de regroupement communal en marche :
Nous avons vu dans l’article précédent les différentes formes qu’a prises la nécessaire mutualisation des moyens et des compétences : les syndicats et autres coopérations intercommunales, la Communauté de Communes, qui s’est étoffée en territoire et en compétence. L’idée de regroupement communal, de fusion de Saint-Gilles-Croix-de- Vie avec ses voisines a poursuivi son chemin chez les élus, engagés dans la coopération intercommunale et le fonctionnement de la Communauté de communes(1), et également parmi la population, dans les associations.
Du côté des élus, l’année 2014 fut riche en déclarations, d’abord à l’occasion des voeux de janvier 2014 (où les deux maires sortants des dernières élections, Jacques Fraisse et Patrick Nayl, ont
annoncé qu’ils étaient favorables à la fusion), puis lors des élections municipales de 2014, les nouveaux maires de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et Saint-Hilaire- de-Riez ont séparément annoncé
qu’ils étaient également favorables à une fusion de communes. L’été 2016, lors des réunions du quartier de Croix-de-Vie, le Maire de Saint- Gilles-Croix-de-Vie, entouré de ses élus, a annoncé : «Une fusion avec Saint-Hilaire et d’autres est possible». «La fusion, moi je dis oui mais il ne faut pas s’arrêter là… Il y a aussi Givrand, Le Fenouiller,
Notre-Dame-de-Riez. Il faut y réfléchir car c’est l’avenir, mais une fusion reste très complexe» (2).
Du côté de la population, l’osmose «intercommunale» est déjà réelle dans bien des domaines. Citons : le domaine de l’emploi avec des actifs travaillant dans une commune et habitant dans l’autre, celui de la consommation où les marchés, centres commerciaux, boutiques de proximité, magasins ou dépôts de circuit court accueillent indifféremment les consommateurs de l’aire urbaine ; celui de la culture qui rassemble la population lors des différents spectacles, conférences et autres manifestations et qui fait bénéficier les personnes de différentes communes des services de la bibliothèque ou de la médiathèque (même si un surcoût hors commune est institué). Le rapprochement communal, la fusion, font partie des sujets que les habitants évoquent par rapport aux préoccupations du quotidien : espérance d’un service de transport unique et étendu, de service de déplacement harmonisé (transports à la demande), de liaisons douces entre bourgs ou entre quartiers, possibilité d’un enseignement secondaire, …), tout en étant préoccupés par les aspects fiscaux d’une harmonisation des taux d’imposition, si possible vers le bas compte tenu des mutualisations prévisibles. Enfin les associations témoignent déjà de la fusion des populations communales sur différents objets comme le sport, l’accueil de la jeunesse, l’animation culturelle, la protection de l’environnement, la défense contre la mer, l’amicale laïque, la sauvegarde des coutumes et du patrimoine, etc.
Perspectives d’une ville littorale : Néanmoins, le sujet de la fusion, présent dans les esprits, a besoin de mûrir, d’abord par le questionnement à propos du destin de la cité, de l’évolution de sa démographie, du sens du développement durable urbain au profit des habitants du territoire.
Quelles perspectives de transformation de stations balnéaires soutenue par le tourisme et le résidentiel en une ville littorale attractive, siège de productions industrielles historiques (construction navale, conserverie) qui continuent à l’identifier, et donnant au tourisme une dimension culturelle tout au long de l’année ?
Quel type de développement urbain pouvons-nous souhaiter pour répondre aux aspirations de la population et préparer la cité de demain, durable et solidaire, au profit des futures générations ? Comment agir pour rééquilibrer au profit des jeunes ménages la démographie favorisée à terme par la construction d’une entité économique, sociale et culturelle élargie offrant une palette de services et donc attractive tant pour les entreprises que pour les habitants ?
Quelles sont les pistes d’organisation des communes concernées pour tirer profit des mutualisations indispensables pour l’avenir et des synergies urbaines, tout en soutenant le milieu rural dont il faut, pour les générations futures, renforcer le tissu socio-économique et sauvegarder les formes d’agriculture paysanne, source de la consommation locale de qualité ?
Faut-il se limiter à une fusion de communes du havre de Vie, ce qui en considérant le périmètre étendu (aux autres communes voisines Le Fenouiller, Givrand, Notre-Dame-de-Riez) représenterait une ville d’environ 28 000 habitants) ou donner de réelles perspectives à une communauté de communes renforcée (voire à une future communauté d’agglomération) afin qu’elle devienne locomotive de l’essor du Pays de Saint-Gilles, ou bien s’engager sur les deux dispositifs ?
L’exemple de la ville voisine, les Sables d’Olonne, nouvelle commune au 1er janvier 2019 de 45 000 habitants et tête de la Communauté d’agglomération de 52 000 habitants regroupant les trois communes en projet de fusion et 4 autres communes voisines), nous montre des pistes de réfl exion. L’analogie bien qu’instructive (au plan géographique, historique des deux cités portuaires, …) est cependant limitée par des différences importantes : la taille, la structure et l’importance administrative ne sont pas les mêmes. La configuration des communes concernées (Les Sables d’Olonne, Olonne-sur- Mer et Château d’Olonne) est très urbaine, beaucoup plus dense et peuplée que l’aire urbaine du havre de Vie (avec ses 5 communes regroupées), ce qui fera de la nouvelle commune la seconde du département. Moins enclavée que l’aire urbaine du havre de Vie, l’agglomération des Sables possède une liaison rapide avec La Roche-sur-Yon et Nantes qui permet un développement économique plus prospère. Son audience commerciale lui permet d’être chef de fi le de l’organisation de la pêche en Vendée.
Et la démocratie dans le processus de fusion ?
Au-delà de la problématique de la souhaitable consultation voire du référendum, doit-on laisser les élus de chacune des communes préfigurer seuls la nouvelle commune ou l’intelligence collective (vecteur de la démocratie participative) doit-elle également contribuer à cette préfiguration.
Comment associer à la démarche de participation les populations communales, les assemblées de quartier, les associations (d’habitants, de commerçants- artisans), le conseil des sages (de Saint-Hilaire-de-Riez), les groupes de jeunes (CMJ, les jeunes du socioculturel, les représentants des collégiens, des lycéens, les jeunes actifs, …) ? Côté représentation par les élus, le cadre souple off ert par la loi «pour des communes fortes et vivantes» du 16 mars 2015, initiée par l’AMF (3), permet aux élus de définir eux-mêmes l’organisation de la représentation communale des anciennes communes, notamment pour la gestion du quotidien des habitants à un coût raisonnable. Les anciennes communes peuvent, sous le statut de commune déléguée, conserver certaines compétences (état civil, gestion d’équipement de proximité, relation avec les habitants, etc.). Nous terminerons cette courte présentation
– en rappelant la tendance de fond qui prévaut en ce qui concerne les regroupements,
– en soulignant les précautions à prendre pour réussir la fusion afi n que nul quartier, nulle communauté ne se sente délaissée dans la perspective d’unification communale,
– et en évoquant les services et projets qui pourraient «enchanter» la perspective de la nouvelle commune.
La tendance de fond en termes de regroupement de collectivités locales est promue par l’Europe (diminution drastique du nombre de communes dans tous les pays européens), relayée en France par la loi NOTRe (4) qui s’est attachée notamment à étoffer les intercommunalités en fixant la limite minimale de 15 000 habitants, ce qui a entraîné une baisse du nombre des communautés (de 29 à 19 en Vendée au 1er janvier 2017). La loi NOTRe ne concerne cependant pas la fusion de communes. Le mouvement de regroupement devrait 14 se poursuivre sur la base de grandes communautés d’agglomération comme celle existante à la Roche-sur-Yon ou celle créée autour des Sables-d’Olonne (au 1er janvier 2017). La création d’une agglomération au Nord-Ouest Vendée, autour de Challans, est suggérée par la Préfecture(5). L’aire urbaine du havre de Vie (néanmoins 4 ème de Vendée) a-t-elle vocation à faire partie de la future agglomération de Challans (cf. proximité des deux aires urbaines sur le schéma ci-dessus), ou doit-elle promouvoir l’idée d’une ville littorale défendant ses prérogatives de station balnéaire et de cité portuaire avec les activités liées, tout en acceptant un adossement à l’aire urbaine de Challans, voire à la métropole nantaise ? Cependant si l’Europe demande à la France de réduire le nombre de ses 35 500 communes, aucune obligation de fusion ne s’impose à ce jour aux communes de la République française. La mutualisation des moyens et des compétences restent la principale motivation des fusions de communes dont le phénomène a pris une ampleur sans précédent ces deux dernières années avec près de 300 communes nouvelles au 1er janvier 2016, 71 au 1er janvier 2017 et plusieurs centaines de projets en gestation. Il est vrai que l’instauration du pacte financier qui garantissent pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes fusionnant en 2015 ou 2016 a facilité l’adhésion des communes concernées.
La Vendée n’est pas en reste avec huit nouvelles communes qui ont vu le jour le 1er janvier 2016, dont Essarts-en-Bocage, Sevremont, Bellevigny, Rives de l’Yon. D’autres projets de communes nouvelles sont en cours, voire actés au 1er janvier 2017 : cas de La Tranche-sur- Mer, des Achards, etc. , ou plus tardivement : cas des Sables-d’Olonne qui, après 30 ans de discussions, prévoit de réunir trois communes d’égales importance démographique : Les Sablesd’Olonne, Olonne-sur Mer et Châteaud’Olonne ; la dernière consultation le 11 décembre 2016 des Castelolonnais (favorables à 68% à la fusion à trois) a décidé les élus de préparer la fusion à trois prévue le 1er janvier 2019, avec l’ambition d’être une ville dynamique de la façade atlantique, forte de 45 000 habitants. Les exemples nous montrent que plutôt que d’être contrainte, la fusion doit correspondre à la mise en oeuvre d’une aspiration à vivre ensemble avec des moyens multipliés et des synergies nouvelles dans une ville de dimension suffisante pour offrir davantage de services et d’animation avec des coûts modérés et permettre aux futures générations de pouvoir y vivre décemment.
Quelles précautions à prendre pour réussir la fusion ?
L’organisation du processus de fusion est capitale déjà pour définir le sens de l’opération (le pourquoi, pour quelles opportunités) et établir une stratégie de réflexion, de diagnostic et de mise en oeuvre planifiée, notamment avec la participation de la population, condition de l’adhésion au projet. L’accompagnement des services préfectoraux, l’expertise d’un cabinet d’étude et des experts de l’Association des Maires sont conseillés ne serait-ce que pour rédiger une charte de la fusion.
Comment éviter les conséquences d’égocentrisme et les tentations hégémoniques sur la base de scénarios de déséquilibre comme par exemple l’inclusion de Saint-Gilles-Croix-de-Vie dans le giron de Saint-Hilaire-de-Riez ou à l’inverse Saint-Gilles-Croix-de-Vie qui tirerait seul profit d’une extension communale phénoménale, tant en surface
qu’en population ?
Comment améliorer la lisibilité de la destination touristique du havre de Vie en combinant les identités des stations balnéaires ?
Enchanter la perspective de fusion :
les attentes de la population sont fortes pour préserver un cadre de vie harmonieux et améliorer les conditions de vie dans sa commune. Parmi celles-ci, nous citerons la mobilité, le logement, l’emploi, la culture.
La mobilité devrait pouvoir être rendue plus cohérente dans le cadre de la nouvelle commune en charge ;
– du plan de circulation à l’échelle de l’aire urbaine, y compris pour la contourner (l’optimisation de la liaison par le 3ème pont sur la Vie est indispensable) ;
– du développement des voies de liaisons douces entre les bourgs et les quartiers et aussi avec la zone du Soleil Levant (siège communautaire, Restos du coeur, …), avec une préoccupation particulière pour les déplacements des personnes à mobilité réduite et des familles avec poussette ;
– du service unifié et étendu (extension des trajets et des plages horaires) de transport en commun profitable également aux salariés, également pour un service de déplacement à la demande pour tous.
Des possibilités nouvelles de construction sur un territoire commun et de réhabilitation du bâti ancien devraient permettre d’accroître le parc de logements plus facilement accessibles notamment pour les jeunes ménages. Les nombreuses possibilités de synergies ont vocation à doper l’activité économique et l’emploi sur l’aire urbaine : extension du marché local qui devient plus attractif, renforcement des groupements d’employeurs, création de coopératives d’activité et d’emploi, ajout de nouvelles formations en alternances MFR (Maisons familiales et rurales), cultures maraichères de produits sains destinées à la consommation collective locale, création d’une zone d’artisanat d’art et d’ateliers de bienêtre dans le vieux Saint-Gilles, etc. En prolongement de ce qui a été fait (complexe Cinémarine, rénovation de la salle de la Conserverie) ou de ce qui est en projet (future salle de spectacle, rénovation de la salle Gaston-Pateau), la nouvelle commune devrait également donner de nouvelles perspectives en matière d’éducation artistique et d’animation culturelle comme la création d’un école de musique accessible pour tous, l’extension de la médiathèque avec par exemple les ateliers liés au numérique ou de montage audiovisuel, l’accueil d’une université permanente, l’amorce d’un musée littoral, la création en lien avec l’Institut de Géographie Nantais IGARUN d’un observatoire de l’estuaire de la Vie et du littoral du havre de Vie, etc. Enchanter l’avenir, c’est imaginer, élever le niveau de conscience du vivre ensemble et de l’histoire future, offrir un terreau de vie favorable aux futures générations. Au regard de la transition énergétique, c’est mettre en mouvement le territoire à énergie positive (TEPos) clé de l’écodéveloppement et de l’emploi durable. Avec quels vents gonfler la voile de la ville littorale ? Sénèque nous rappelle qu’ «Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va».
(1) La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a notamment renforcé la démocratie locale par l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires des intercommunalités en même temps que les conseillers municipaux. (2) Réunion du quartier de Croix-de-Vie du jeudi 9 juin 2016 Publication Internet du 10 juin 2016 et article du journal Ouest France du 11 juin 2016 http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saint-gilles-croix-de-vie-85800/saintgilles-une-fusion-avec-saint-hilaire-et-dautres-est-possible-4289397 (3) Loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes. En soutenant cette loi, l’AMF (Association des Maires de France) a voulu rénover la forme des regroupements de communes contiguës, voire à l’échelle de la communauté de communes. Concrètement, l’AMF met à disposition des communes candidates des documents de méthodologie de fusion (fi ches conseils, exemple de chartes et de délibération qui ont conduit à la création d’une commune nouvelle). http://www.amf.asso.fr/document/communes_nouvelles.asp Le statut de commune associée avait institué par la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite «loi Marcellin», loi abrogée et remplacée par la loi du 16 décembre 2010 et la nouvelle loi du 16 mars 2015. L’AMF défend ce statut qui adoucit la centralisation induite par la fusion. (4) Loi du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la REpublique (Notre) a pour but la constitution de territoires plus cohérents, adaptés aux «bassins de vie» et dotés d’une capacité de mutualisation plus importante. (5) D’après Jacques Bernard directeur de la Maison des communes (interviewé par la revue Racines Catherine Baty) http://www.magazine-racines.fr/de-nouvelles-communautes-de-communes-envendee/