Bulletin 2018 Connaissez vous vos rues ?

CONNAISSEZ VOUS VOS RUES ?

Rue de la Croix Dorion

La rue de la CROIX DORION, presque toujours orthographiée CROIX D’ORION par certains qui ont la tête perdue dans les étoiles des constellations d’Orion et de la Croix du Sud, tient son nom d’un curé-doyen de Saint-Gilles-sur-Vie qui l’a fit édifier voici près de deux siècles à la sortie du bourg, en pleine campagne à l’époque, à la croisée du chemin de Brétignolles (puis route des Sables, maintenant rue du Maréchal Leclerc de Hautecloque) et de trois chemins boueux quasiment impraticables en automne-hiver.

Cette rue est inscrite de façon erronée sur la carte géographique et les plans de la ville « Croix d’Orion », « rue de la croix d’Orion » et même « rue de la croix Orion » Le site internet Googlemap est le seul à avoir corrigé l’erreur. Pourtant, sur le terrain, l’ancienne municipalité avait fait apposer de nouvelles plaques indiquant « RUE de la CROIX DORION – Pierre Marie Léon DORION 1778-1876 – Curé de St Gilles de 1813 à 1842 ». Les cartes mentionnant la Croix d’Orion sont rares : la première semble être un plan cantonal de 1887. Un autre est dans un ouvrage du docteur Baudoin de 1928.

Pierre Marie Léon Dorion, né et baptisé le 29 juin 1778 à la Mothe-Achard, aîné d’une fratrie de huit enfants, était le neveu du premier maire de St-Gilles-sur-Vie, Jacques Cadou. Son père, Pierre François Marie DORION de la touche, cinquième d’une famille de sept enfants, était licencié es-lois, avocat et « syndic de la municipalité de la Mothe Achart ». Sa mère , était née Anne Jacquette PORCHIER de la THIBAUDIERE. Pierre Marie connut son premier malheur lorsque son père mourut le 28 janvier 1790, à l’âge de 40 ans, peu après le début de la Révolution. Puis, à quinze ans, alors qu’il faisait ses humanités à Nantes, Pierre-Marie apprit qu’un soir de 1793, des soldats « Bleus » avaient mis le feu au logis familial de la Touche après l’avoir pillé. Heureusement, la famille, enfuie depuis plusieurs mois, se cachait alentour. Après plusieurs changements d’asile, Pierre Marie dut quitter sa mère et, afin d’échapper aux poursuites se faire, pendant des mois, berger, bouvier, valet de ferme…

La guerre prit fin, laissant une Vendée exsangue. Mme veuve DORION put récupérer certaines propriétés et s’installa à la Grouinière de Coëx. En 1807, Pierre-Marie, âgé de 29 ans, pourtant bien doté financièrement par sa mère, envisageait la prêtrise. Il fut envoyé à Chavagnes- en-Pailliers pour recevoir une formation accélérée d’à peine deux années au lieu de cinq ou six et fut ordonné prêtre dans la cathédrale de La Rochelle le 1er avril 1809, âgé de 31 ans. Peu après il fut nommé en 1809 vicaire d’Aizenay et de Challans, en 1811, vicaire à Noirmoutier et en 1813 curé-doyen de Sain-Gilles-sur-Vie jusqu’à sa démission en 1842 et son installation à Saint-Gilles pour une longue retraite.

Saint-Gilles était un doyenné de quinze paroisses dont il avait la responsabilité et charge directe de quatre d’entre elles (Saint-Gilles, Croix-de-Vie, Le Fenouiller, Givrand sans vicaire pour le seconder. Menant une vie austère, il dut déployer beaucoup d’énergie dans les deux premières qui avaient été séduites par les idées révolutionnaires. En 1823, le préfet de Vendée le nomma d’office membre du conseil municipal et il dut prêter le serment de fidélité au roi Louis XVIII auquel succéda Charles X puis Louis-Philippe 1er en 1830(révolution de juillet) envers lequel il se montrait critique. Il fut « suspendu » du conseil municipal, ainsi que quatre autres.

En 1826, « année la plus consolante de son ministère », il fit venir une importante mission de quatre prédicateurs de Saint-Laurent-sur-Sèvre, très remarquée par l’évêché. En 1834, l’évêque du diocèse, lui conféra le titre de chanoine honoraire de la cathédrale à Luçon, titre purement honorifique accordé à des prêtres particulièrement méritants.

A partir de 1842, âgé de 64 ans, une surdité le contraignit à se démettre de sa cure et son successeur fut installé dès janvier 1843.L’abbé DORION demeura à Saint-Gilles jusqu’à sa mort dans sa vaste maison de la Charoulière », rue du Bois (future rue du Port-Fidèle). Sa présence est mentionnée à Saint-Gilles, sur chaque registre de recensement quinquennal de population, toujours aidé de deux ou de trois domestiques, de 1817 à celui de 1872. Le 8 août 1859, l’évêque vint, en personne, célébrer les noces d’or du prêtre, cinquantième anniversaire de son sacerdoce, lui qui la décrivit longuement dans l’hebdomadaire » la Gazette Vendéenne » du 20 août 1859 qui en fait sa Une.

L’abbé Dorion sut faire profiter les pauvres des revenus que lui procuraient ses biens, par l’aumônes ou des prêts quelquefois non remboursés. De ces quatre paroisses, l’abbé DORION avait une affection particulière pour celle de Givrand et avait réservé une partie de sa fortune pour y faire nommer un prêtre, lui procurer une cure et même une nouvelle église qu’il finança. Il ne put voir son œuvre accomplie car, après la surdité, il perdit la vue et ne put se promener qu’au bras d’un domestique puis dans un fauteuil roulant.
Il aida aussi par une somme importante à la restauration de l’église de Saint-Gilles que la municipalité avait entreprise en 1873 malgré des difficultés financières.

Il mourut le 4 novembre 1876 dans sa demeure de la rue du Bois, à l’âge de 99 ans, après une retraite de 34 années.

En 1877, Le conseil municipal eut connaissance, pour avis, de ses deux testaments, l’un olographe de 1865 et le second « en la forme mystique » de 1868 confirmant le premier par lequel il léguait sa vaste maison à la congrégation des sœurs de l’Immaculée Conception de Niort pour y ouvrir « une école primaire de filles mais aussi y établir soit un pensionnat de demoiselles, soit un ouvroir, soit une salle d’asile, ou toutes ces œuvres à la fois ». Il léguait aussi une métairie (la moitié des droits) de Saint-Georges-de-Pointindoux avec pour condition « que la Supérieure générale de la congrégation fasse dire tous les ans à perpétuité douze messes basses pour le repos de son âme ».

Du fait de l’ouverture préalable d’une école « Jeanne d’Arc » pour les filles, ce qui devait s’appeler « l’Asile Dorion » devint « l’Asile de l’Immaculée Conception » ainsi qu’en témoigne encore l’inscription sur le bâtiment redevenu une résidence privée depuis le déménagement de l’asile sur un nouveau site en 1995. Le nom du généreux donateur semble donc avoir été oublié. Oublié comme la croix qui, pour beaucoup n’est que d’Orion et non Dorion, une croix dite de mission édifiée probablement en 1826 à l’occasion de la venue de quatre prédicateurs, puis reconstruite en 1888 et qui servit ensuite, jusqu’au début des années 1950, de station pour des processions dont celles des « rogations » visant à favoriser de bonnes récoltes

Michel.Penaud@gmail.com

Ce texte est un résumé d’une étude plus détaillée de 14 pages (auteur Michel Penaud).
Sources : L’hebdomadaire « La semaine catholique du diocèse de Luçon » imprimé à partir de 1877 ; Archives municipales disponibles ; livres ; articles de presse ou autres documents des époques concernées etc. 

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