Bulletin 2014 Histoire - récit - mémoire

Pierre Garcie dit Ferrande Le Grand Routier de la Mer

Sculteur : Olteanu Iom 1992

Sculteur : Olteanu Iom 1992

Pierre Garcie dit Ferrande (l’homme aux cheveux gris – une expression poitevine), est né en 1441 († 150*) à Saint-Gilles-sur-Vie. Maître de cabotage vendéen, il est considéré aujourd’hui comme le premier hydrographe français. Fils de marin et marin lui-même il est originaire de Caen par son père où ce dernier avait émigré au début de 1410 et d’une mère d’origine anglaise, Jeanne Olivier. Dans la lignée de son père, Pierre Garcie a été navigateur sur la côte atlantique ouest jusqu’en Angleterre. Ouvert aux autres, observateur et généreux, il a vécu bien des expériences et traversé bien des drames : mores hominum multorum vidit et urbes. Exceptionnel pour l’époque, il a reçu une certaine instruction : calcul, lecture, écriture en français du XVe siècle, rudiments de latin. Le 31 mai 1483, (à 42 ans), il achève de rédiger à Saint-Gilles son guide nautique des routes et chemins de la mer. Malheureusement, le manuscrit reste introuvable. Une première édition «le routier de la mer», sans nom d’auteur, est imprimée à Rouen par Jacques le Forestier en 1502, 19 ans plus tard. Très proche des éditions futures, «le grant routier» publié sous le nom de Pierre Garcie dit Ferrande (à 79 ans, s’il est encore vivant), voit le jour à Poitiers en 1520, soit 37 ans après la rédaction initiale !

Le Grand Routier
Fondé sur l’expérience, le texte se veut un document pratique à utiliser. Sans doute, le marin s’attachait-il à mémoriser les parties descriptives de la côte qu’il côtoie. Les phrases sont énoncées de façon répétitive pour que le marin retienne les informations qui lui sont utiles : profondeur, nature du fond, marée et amers. Dès lors, un tel document ne peut être lu en mer que par temps calme et à l’abri. De fait, le Routier apporte au lecteur trois types d’informations :
Description des côtes depuis le Portugal, la côte atlantique, la Manche jusqu’en Irlande ; des renseignements pratiques : marées, cours, routes, distances en lieues ou en vues (sept lieues : 21 miles), dangers de roches et de basses avec leur profondeur.
Des renseignements théoriques : notions d’astronomie, description des «rhumbs des vents» ou du mouvement des marées.
Des renseignements à caractère juridique et coutumier : coutumes de Bretagne et de la vicomté de Léon, rôles d’Oléron, calendrier des fêtes mobiles de l’année.

Les rééditions successives
Durant près de trois siècles, cet ouvrage de référence (manuscrit, 1483, première édition, 1502) s’offre 28 rééditions en français (Rouen, La Rochelle et Poitiers entre 1520 et 1643) et huit en anglais . Durant plus d’un siècle, le livre de Pierre Garcie devient le manuel des navigateurs. Incontestablement, l’ouvrage correspond à une demande. Moderne pour son époque, la représentation de l’espace marin met en valeur le «noble, très subtil, habile, courtois, hasardeux et dangereux art et mestier de la mer» : «Cy commence le pillotage routtier et ancrage de la mer tant des parties de France/ Bretaigne/Angleterre/Espaigne/ Flandres et haultes Alemaignes. avec les dangiers des portz/havres/rivieres/ et chenalz des parties et regions dessusdictes (…) lequel donnera a congnoistre et savoir comment ung chacun qui vouldra apprendre lart et science tres subtille et quasi divine du noble mestier de la mer. (…) Et se aucune chose ay delaissee : ie me submetz a la correction des nobles et gentilz mariniers des lieux dessus nommez. esquelz me recommande. Et a dieu».

Plus encore qu’un innovateur, Pierre Garcie aura été un marin humaniste, guidé par une vision optimiste et rassurante de l’homme sur mer, et cela dans le contexte d’une société terrienne dominante, obnubilée par la peur de cet élément, au point de le dévaloriser, de le diaboliser. Lui, calmement, après avoir décrit un bon abri, donné les amers, termine sa phrase par un «et n’aie pas peur» ou «et n’aie doute», ou encore «et puis va hardiment» . Contrairement aux pilotes dieppois ou bretons du Conquet, Pierre Garcie ne laisse ni «école, ni postérité directe». Son infl uence n’en demeure pas moins réelle dans les Arts de naviguer et autres Flambeaux de la mer qui fl eurissent aux XVIe et XVIIe siècles .

Bernard de Maisonneuve
1 Sur un écrit des Archives Départementales de Loire Atlantique, E 198/26, il est nommé, maître de barque en 1463. Il a 22 ans. 
2 Un manuscrit de 1490, [Antoine de Confl ans], recopié d’un autre manuscrit, pourrait être le document original le plus ancien. 
3 BNF, Département – Réserve des livres rares – RESP-V- 128, édition de Rouen, 1531. 
4 POUGEARD Maurice, Pierre Garcie dit Ferrande... Les Vendéens et la Mer, CVRH, 2007, p. 239. 5 « Labaya. Noirmoutier, Yeu, Baie de Bourgneuf et côtes vendéennes » de Patrick de Villepin, L’Armentier, 2013.

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