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Bulletin 2013 Histoire - Récits - Mémoire

La maison Grasset fête ses 130 ans

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grassetUne telle longévité est en soi un évènement quand tant de magasins sont éphémères. L’histoire de cet établissement est étroitement liée à celle de toute une famille sur quatre générations. Charles Grasset, quatrième du nom, a bien voulu nous en livrer quelques anecdotes.

«A la toute fin du XIXème siècle, mon arrière grand-père gagnait sa vie en faisant « la chine ». Chiner, signifiait proposer de la marchandise de ferme en ferme. Lui le faisait en poussant sa charrette à bras, chargée de calicots, de fil et de boutons. La consécration de ses efforts a été de pouvoir ouvrir un magasin à Croix de Vie en face de notre emplacement actuel à l’entrée de la rue piétonne. Il n’a pour autant jamais cessé de faire la chine. Mon grand père a pris la relève. Baptisé Marcel, il a toujours répondu au prénom de Charles pour des raisons qui me sont inconnues. Lui aussi a fait la chine. Le progrès aidant il s’était motorisé et assurait les marchés tout en continuant de livrer sa marchandise dans les fermes. Pendant ce temps ma grand mère tenait le magasin d’une main de fer. Mon grand père abordait la vie avec plus de légèreté et de gaieté. Pourtant le dernier souvenir qu’il m’a laissé m’a frappé à jamais. Il est décédé le 21 août 1961. Son cercueil avait été placé au centre du magasin dans un dernier hommage de la maison. J’avais 5 ans et je n’avais pas saisi toute la gravité de la situation. Ça m’a valu un rude rappel à l’ordre du premier vendeur qui fut plus tard mon maître d’apprentissage d’une redoutable intransigeance.

Le magasin Grasset dans les années 50

Le magasin Grasset dans les années 50

Je me souviens du magasin d’alors. C’était tout un univers dédié aux tissus et à la mercerie. Les murs étaient tapissés de rayonnages jusqu’au plafond. Sur chaque étagère, dans un alignement au cordeau, s’empilaient les rouleaux de tissus placés de biais pour permettre à la clientèle d’apprécier les coloris et les textures. Au milieu du magasin trônait un immense comptoir réservé à la mercerie. Nous avons encore une collection inouïe de boutons en corne et en nacre, de véritables bijoux. Du plafond pendaient des alignées de foulards, comme des oriflammes et les parapluies étaient regroupés en bouquet au dessus des piles de torchons placés sur des présentoirs qui surmontaient le comptoir de mercerie. C’était si rempli, qu’à la Noël, on remarquait à peine les décorations. Mon père, Charles succéda à son père sans que la grand-mère ne cesse de faire du magasin le centre de sa vie. Il avait fait son apprentissage dans un grand magasin de Nantes. Il aimait, par dessus tout, les contacts humains que lui offraient ses deux passions, son métier et son engagement de conseiller municipal. Lui aussi aimait faire les marchés et livrer les commandes dans les fermes pendant que ma mère, selon ce qui devenait une tradition familiale, tenait le magasin avec les vendeurs et les vendeuses.
J’ai fait mon apprentissage dans ce magasin sous la houlette du premier vendeur. Le moment de l’inventaire était la grande épreuve. Il fallait faire l’état du stock en déroulant toutes les pièces de tissus et en les mesurant pièce par pièce. On les déroulait sur toute la longueur du comptoir réservé à cet effet. J’avais fini par maîtriser la technique qui m’évitait d’emmêler les lais. C’était aussi méticuleux que physique.
Plus tard, j’ai élargi notre offre à la confection et à lingerie. J’avais ouvert un magasin avec ma femme en investissant notre réserve de tissus. Comme ce fut concluant, tout le magasin s’est consacré à la confection en délaissant peu à peu tissus et mercerie. Il faut dire qu’à l’époque, dans les années 70, tout était facile. Les prévisions avaient beau être approximatives, on s’en sortait toujours. Maintenant tout est comptabilisé et informatisé. Ce luxe d’informations ne nous aide pas à anticiper les engouements de la clientèle ni l’instabilité du climat. J’ai plus vendu de chaussettes en juin et juillet 2012 que cet hiver.
Pour vous dire que c’était une autre époque, je me souviens d’un représentant qui nous laissait ses valises de marchandises et ses carnets de commandes et repassait chercher le tout deux jours plus tard après avoir passé du bon temps à Noirmoutier ou ailleurs. Aujourd’hui, je suis à la barre, mais mes parents n’ont jamais désarmé, tant la vie du magasin était aussi une bonne part de la leur. Quand je vais voir ma mère, ses premières questions sont pour ses petits enfants et tout de suite après sur mon chiffre d’affaire !
Il n’en reste pas moins que dans ce métier, l’expérience fait les trois quarts de la compétence. Et chez nous, l’expérience est une affaire de famille.
L’histoire de la Maison Grasset est aussi celle d’une dynastie.

Article rédigé par Michelle Boulègue à partir des propos de Monsieur Charles Grasset, le 22 octobre 2012

Bulletin 2013 Les dossiers de V.I.E.

Comment protéger les murs en pierres de lest

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Le savoir-faire des maçons construisant les murs avec les pierres de lest de navire débarquées sur les rives de la Vie, fait que ces murs font encore le charme des façades et des rues des quartiers historiques de Saint Gilles Croix de Vie. C’est en diagnostiquant à temps les fragilités des murs et en respectant les techniques traditionnelles de construction et de restauration que ces murs pourront défier le temps. Les recommandations suivantes de l’architecte du patrimoine Alexandre BILLON, qui a réalisé l’étude, sont essentielles pour respecter les principes et les techniques de l’appareillage d’un mur en pierres de lest et pour savoir utiliser les bons matériaux afin de préserver la pérennité de ces murs.

Rapide description géologique et architecturale des murs en pierres de lest de navire :

L’observation (réalisée par plusieurs scientifiques) des murs en pierres de lest atteste d’une grande variété géologique des roches dont la plupart correspondent à des pierres roulées, d’autres à des pierres extraites de carrières. Les roches les plus représentées, généralement à forte densité, sont les suivantes : les granites, les gabbros, les gneiss, les quartz, les grès, les schistes, les basaltes, les larvikites, les pyroxénites, les silex et les calcaires. Des pierres présentant des fossiles ont été également observées. L’étude de la roche (pétrologie) peut permettre de connaître son origine par comparaison de ses caractéristiques avec les gisements identifiés sur les rivages maritimes.

D’autres types de moellons ont été associés à la construction des murs : notamment schiste bleu du Fenouiller, blocs de pierre taillés calcaires, morceaux de terres cuites…

Sur le plan de l’architecture et des techniques de constructions, plusieurs éléments (se reporter au dessin de capelinage) ont été identifiés sur les murs des vielles rues de la ville par l’architecte du patrimoine, principalement:

  • l’ossature composée de deux parements de pierres apparentes scellées généralement à l’argile ou à la chaux bordant une fourrure (nucléus du mur) composée de blocaille (petites pierres de remplissage),
  • la structure de construction basée sur la levée représentant environ 2 pieds (60 cm) de hauteur de mur, chaque levée se terminant par une arase constituée en plan horizontal d’une succession de pierres plates (généralement schiste du Fenouiller), sur laquelle une nouvelle levée était édifiée d’abord avec une ligne (assise) de gros moellons,
  • l’appareil, agencement judicieux et généralement harmonieux des pierres posées sur lit associant des pierres particulières posées spécifiquement afin de renforcer le mur (cf. ligne cidessous) ;
  • les éléments de renforcement du mur : panneresse (pierre posée longitudinalement au mur), boutisse (pierre dont la plus petite face forme le parement), boutisse traversière (boutisse qui traverse le mur en présentant deux petites faces de parement), pierre moisée (assurant le chainage entre deux pans de murs).
  • les éléments de protection du mur : chapeau ou chaperon, ou écorché de pierres à joints étanches
  • d’autres éléments de construction : trou de boulin (qui permettait de dresser les échafaudages), coup de sabre de délimitation, niche de mitoyenneté, chantepleure pour l’évacuation des eaux pluviales, – les pierres de taille calcaires (encadrements de fenêtres, chaînes d’angles, corniches, bandeaux) complètent les éléments d’architecture
  • les petites constructions en pierres de lest enrichissent le cadre : puits mitoyens, fontaines.

Recommandations de l’architecte du patrimoine (préservation des murs par l’entretien, consolidation et restauration).

Mortier traditionnel à base de chaux : L’utilisation de la chaux aérienne en tant que liant dans les mortiers pour scellement et joints ou pour les enduits est vivement recommandée, notamment pour sa plasticité particulièrement adaptée à l’hétérogénéité des supports. Le mortier est constitué d’un mélange d’1 volume de chaux grasse ou aérienne pour 3 à 5 volumes de sable propre. L’utilisation du ciment est à proscrire. Il rigidifie la structure et asphyxie le mur. Il provoque des fissures et d’autres pathologies qui peuvent entraîner la ruine des maçonneries.

Entretien des murs :

  • Repérer le dégarnissage des joints anciens, afin de procéder au moins partiellement à la réfection des joints au mortier traditionnel, chaux grasse et sable.
  • Vérifier l’étanchéité du chaperon du mur (arase terminale ou chapeau) et renforcer le rejointoiement des pierres du dessus si nécessaire.
  • En cas de descellement d’une pierre, ne pas attendre pour la resceller avec un mortier traditionnel.
  • Si le mur présente des signes de déformation (bouclement, bouffement), il convient de renforcer l’étanchéité du jointement et de consolider la structure du mur en refaisant les joints le plus profondément possible et en complétant avec des injections de coulis de chaux hydraulique, afin de renforcer la fourrure interne.

pierreRestauration des murs (à assurer par un professionnel de la maçonnerie traditionnelle):
Dans le cas de fissures (relativement rares dans les murs de clôture, moins rares dans les murs présentant des baies), l’idéal est de remplacer deux pierres concernées par la fissure par une pierre plus longue (moisée) qui assurera le renforcement de l’endroit. Si la fissure est plus importante, notamment dans le cas de maison à étage, le chaînage (fer et béton) s’avère nécessaire. Il conviendra de le cacher par un parement de pierres ou de mortier à la chaux.
En cas de déformation très importante du mur : bouclement (mur bombé), bouffement (détachement du parement), la démolition méthodique puis la reconstruction (à l’identique selon les règles de la maçonnerie traditionnelle) de la partie du mur est à envisager, en prenant soin au préalable d’établir le calepinage du pan de mur (représentation graphique de l’assemblage des pierres composant le pan de mur).

Réfection du rejointoiement :
Afin de contrecarrer le délitement et l’écrasement des joints anciens, une réfection des joints est nécessaire. Dégarnir les joints fragilisés sans desceller les pierres (marteau et burin fin ou l’utilisation de la sciotte (scie). Le sablage mécanisé maîtrisé n’est pas conseillé. Il provoque les épaufrures des arêtes des pierres de taille. Le gommage à base d’alumine est toléré, dans la mesure où il est bien exécuté.
Un coulis (à base de chaux hydraulique) pourra être injecté en remplacement ou en complément du mortier originel afin de renforcer la résistance de la maçonnerie. Préparer le mortier traditionnel.
Bien nettoyer les joints, humidifier les interstices avant de les garnir de mortier. Bien nettoyer les surplus de mortier (au pinceau).
Le joint refait doit toujours rester en retrait (en creux) du parement de la pierre (coté visible) afin de bien la rendre apparente (technique à pierre vue). Eviter les joints beurrés.

Enduits :
Traditionnellement les murs des maisons d’habitation étaient enduits au mortier de chaux grasse et de sable argileux. Le prix de la chaux dissuadait les propriétaires d’enduire les murs de clôture, des constructions attenantes (grange…) et de certains pignons. De nos jours beaucoup de murs de maisons (et quelquefois des murs de clôture) de vieilles rues de Saint Gilles Croix de Vie ont été recouverts d’enduit ciment formant une carapace incompatible avec la nature composite des murs de pierres.
Seul un enduit traditionnel à base de chaux est recommandé par les professionnels de la restauration des constructions en vielles pierres, l’ajout de fibres et d’adjuvants reste possible. Pour autant, recouvrir les murs de pierres d’un enduit n’est pas indispensable : un rejointement renforcé et une protection des pierres les plus fragiles permettent de laisser les pierres apparentes (mur «à pierre vue»).
Cette tendance «esthétique» déjà engagée pour les murs intérieurs des maisons se développe petit à petit sur les façades des vielles rues à l’instar d’autres centres villes historiques. Il n’est pas recommandé de procéder à un enduit laissant en apparence le parement de quelques pierres (pâté de tête) et encore moins de faire dépasser l’enduit ou le joint en surépaisseur par rapport à la pierre de taille des baies. Lorsque les murs sont enduits, seuls les mortiers à base de chaux grasse permettent l’aération du mur et l’évaporation de l’humidité interne.
Après avoir débarrassé le mur de l’ancien enduit (par piochement) et reconsolidé le jointement, la réalisation de l’enduit consiste à appliquer 3 couches de mortier traditionnel (chaux et sable) : le gobetis (mortier assez gras déterminant pour l’accroche), le corps d’enduit et la couche de finition. Après la prise du mortier, éponger finement l’enduit de finition à l’eau claire pour retrouver la couleur du sable, d’où l’expression «faire chanter le sable ».
Cette action supprime la laitance souvent très blanche. L’adjonction de pétards de chaux, de granulométrie variable, contribue à renforcer l’aspect traditionnel des mortiers anciens.
Denis Draoulec

(*) l’étude complète réalisée par Alexandre Billon à
la demande de l’association V.I.E. est disponible au
siège de l’association qui prévoit d’en remettre également
un exemplaire à la mairie.

Bulletin 2012 Les dossiers de V.I.E.

La préservation des murs en pierres de lest

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Depuis deux ans déjà, V.I.E s’est engagé dans la préservation des murs en pierres de lest en tant qu’ils témoignent du passé maritime du port et des phases successives d’urbanisation des communes de Saint Gilles et de Croix de Vie du XVIIe au XIXe siècle. Les analyses pétrologiques que nous avons pu faire faire sous l’égide de l’université de Poitiers démontrent que les bâtiments qui ont fait escale dans le port y ont délesté leurs cales de pierres provenant des côtes scandinaves, britanniques, canadiennes, Africaines sans compter des moellons provenant des îles anglo-normandes et des ports bretons et normands.
Ce patrimoine souffre d’être méconnu et de ce fait exposé à être malmené. C’est pourquoi, V.I.E a entrepris ces expertises afin de mieux faire connaître sa valeur, sa signification et sa fragilité auprès des décideurs locaux et des propriétaires. Dans ce but nous avons sollicité le concours d’un architecte du patrimoine afin qu’il puisse réaliser une étude de faisabilité précisant les modalités de préservation et de restauration de ces murs si particulier tant en ce qui concerne leur composition que leur montage. Il ne s’agit pas de figer ce patrimoine dans son état mais plutôt de mettre gracieusement à disposition des propriétaires qui le souhaiteraient toute information leur permettant de le préserver au mieux et de réaliser les aménagements nécessaires en toute connaissance de cause. Notre expertise démontre que tous les murs ne sont pas d’un égal intérêt cependant certains témoignent d’une diversité telle qu’ils sont en eux même une cartographie des échanges maritimes. C’est d’ailleurs à ce titre que le département «géographie» de l’université de Nantes, s’est intéressé à notre démarche au point qu’une étudiante résidant à Saint Gilles Croix de Vie fera de ces murs l’objet de son stage de fin de cycle. Denis Draoulec en assurera l’accompagnement sur place. Grâce à ce travail, certains pans de murs, particulièrement significatifs, pourraient faire l’objet d’une information à destination des passants si les propriétaires concernés en donnent l’autorisation.

C’est alors que nous rencontrons un problème de financement. Car la réalisation de l’étude de faisabilité, condition de la préservation de ce patrimoine dans de bonnes conditions, représente un coût qu’il serait déraisonnable pour V.I.E d’assurer à partir de ses seules ressources. Nous pouvons déjà compter sur une aide du Conseil Général qui est pour nous un véritable encouragement à poursuivre. Nous avons du constater avec regret que son appui n’était pas relayé localement en dépit de l’intérêt manifesté. Au moins avons nous reçu l’assurance que V.I.E sera associée aux consultations qui
devraient déboucher sur le règlement de l’AVAP* que nous attendons depuis trois ans déjà, comme garantie de la préservation du patrimoine local par les autorités locales sous l’égide de Monsieur l’Architecte des Bâtiments de France.

Nous sommes donc engagés sur le chemin ardu de la quête de fonds avant que la subvention du Conseil Général ne devienne caduque. La bonne nouvelle est que nos adhérents ont su convaincre au point qu’un généreux donateur ait adressé à V.I.E. un chèque lui permettant de financer l’étude de faisabilité permettant de préserver les murs en pierres de lest de Saint Gilles Croix de Vie.

Bernard De Maisonneuve

*AVAP : Aire de valorisation de l’architecture et du
patrimoine. Illustration : photos