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Bulletin 2015 Histoire - Récits - Mémoire

La villa «Grosse terre» un rêve d’architecte

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Photo de la villa  (photo V.I.E.)

Photo de la villa
(photo V.I.E.)

1921 :  Campé sur  les  vestiges du fortin du XVIIe siècle qui bosselaient à peine la pelouse d’armérias de la corniche de Sion, Roger Gonthier* exultait. Acheté à  François Edouard Cavé, maire de Saulnay,  dans l’Indre, ce promontoire,  face aux brisants de Pil’Hours, était enfin à lui. Depuis qu’il avait découvert la côte vendéenne, cinq ans plus tôt, Roger Gonthier se sentait chez lui dans ce paysage océanique. Il en aimait la lumière pétillante, toujours changeante, la  vigueur des  vagues battant le flanc de la corniche à marée haute. Les accidents du tracé de la côte aguichaient son regard, sans le lasser, aimablement. La  douceur, fraîche et piquante, de l’air le stimulait. Dès 1920, architecte déjà renommé, il avait décidé de faire sienne cette avancée en mer qui lui permettait d’embrasser le paysage marin comme s’il se tenait à la dunette d’un navire, mais les pieds sur terre. Il allait s’ancrer à «Grosse  Terre*».

Vue aérienne de grosse terre

Vue aérienne de grosse terre

Quel meilleur nom pour sa future résidence que celui que les marins donnaient de longue date à cet amer. Savait-il que 2 500 ans avant notre ère, un peuple vivait le long de notre littoral, et au- delà, le long des côtes ibériques ? Des traces de son activité sont attestées par la trouvaille d’Edmond Bocquier qui mit à jour, en 1917, des tessons de poterie campaniformes caractéristiques *. Sensible aux résonances des  lieux, Roger Gonthier sortit de sa poche son calepin de croquis et laissa sa main tracer ce que l’ambiance lui inspirait. A l’architecte d’interpréter sans trahir l’esprit des lieux ni déroger aux exigences du  confort.  Les  premiers traits s’allongèrent, à peine au-dessus de la ligne matérialisant le sol. Il voulait de larges ouvertures laissant la lumière et la beauté des lieux s’installer chez lui sans l’envahir. La vue ne mériterait- elle pas une tourelle comme celle qui flanquait l’hôtel des Rioux, cette famille d’armateurs de Croix de Vie ?
Le besoin d’équilibrer son dessin lui  fit  tracer une tour carrée plus basse et trapue à l’autre extrémité de la façade qui commençait à se dégager de ses traits de crayon. Pourquoi pas une loggia et un avant corps pour profiter de la douceur qui s’installe dès 7 heures du soir. L’eau devient alors presque lisse et prend les couleurs du ciel jusqu’aux embrasements des couchers de soleil. En réponse à ce rêve de douceur, il incurva le haut des fenêtres d’un trait de crayon. Elles seront en plein cintre. Aussitôt, il veilla à échapper à l’ennui du répétitif en rehaussant une longueur de façade d’un premier étage percée d’une large baie rectangulaire. Un œil de bœuf en adoucirait la radicalité, en correspondance  avec les fenêtres en plein cintre dont il perça également la tourelle. Son réalisme lui fit  dessiner des volets. Gare au vent ! Il sait quels sont ceux qui dominent et  dessina un salon d’été leur tournant le dos et ouvert sur l’anse de la Pelle à Porteau.
Façon élégante de terminer la façade en respectant ses proportions étirées, dynamisées  par la tourelle et la tour carrée coiffées de toits à quatre pentes. Il équilibra les contrastes de hauteur en dessinant deux énormes cheminées très travaillées puis il plaça 6 pots à feu à chacun  des angles de l’avant corps. Pas mal pour un premier jet ! Afin de mieux en juger, il tint alors son croquis à bout de bras afin de s’assurer de sa  sincérité envers son  rêve et  de son respect du  site. D’un coup  de crayon appuyé, il affirma le tracé d’une toiture à 45 % typique de la Vendée qui serait faite de tuiles «en tige de botte» pigeonnées. Il para la façade de délicats et sobres motifs de décor fait de jeux d’alternance de briques et de maçonneries. Il ferait de la lumière sa complice. A elle de sculpter les légers reliefs qui soulignaient les équilibres de l’architecture. Il utilisa sa magie pour étirer, sur les façades, l’ombre des tuiles de corniche, faire ressortir le rythme des génoises ceinturant le haut des façades et animer un vaste cadran  solaire aux rainures creusées en triangle. Quant à la tourelle et à la tour carrée, il les voulait strictement réservées aux plaisirs de la vue. Seuls une lunette d’approche et un siège pouvaient s’y loger.
Ne pas oublier les dépendances. Du bout de son crayon, il fit surgir un vaste garage pour deux voitures, relié par un portique percé de trois ouvertures  en plein cintre laissant voir le jardin.
Discret le jardin, afin de ne pas concurrencer le paysage mais plutôt le servir, dans le goût italien. «Toscan  rustique» jugera l’architecte Pascal Pas, de  Limoges qui, en collègue admiratif étudiera son œuvre, presque 100 ans plus tard. Roger Gonthier venait de lancer un style qui lui vaudra de dessiner les plans, dans le même esprit, des villas «Les Récifs» et «Mas de Riez».
Roger Gonthier savait déjà à  quelle entreprise il ferait appel. Il avait remarqué quelques constructions locales qui signaient la maîtrise professionnelle de l’«Entreprise  Billon Père et ses Fils». Impatient, il espérait bien que le maire de Croix de Vie lui délivrerait rapidement le permis de construire et lui épargnerait une querelle de préséance entre les maires de Croix de Vie et de Saint Hilaire, car les limites entre les deux communes étaient floues. Le cadastre Pellerin ne faisait-il pas passer cette limite pile au beau milieu du fortin ? Afin de ne pas allonger les délais de construction, il comptait utiliser une technique qu’il avait appliquée avec succès pour de plus vastes projets exigeant rapidité et maîtrise des coûts. Ma villa sera en béton armé, se dit-il, et j’en fournirai le ciment. Descendant du fortin pour rejoindre sa voiture, ses pas s’enfoncèrent dans une terre meuble et humide. Ces militaires ! Jamais d’ouvrage sans un point d’eau ! Il se rappela qu’il avait existé un puits sur le site, alimenté par des sources. Il ressortit son calepin et dessina à la hâte un vaste perron rejoignant en trois marches un étang sur lequel il esquissa une petite barque. Une photo prise dos à l’Océan, fait voir une petite barque se balançant sur une pièce d’eau, témoignage de  la  force du  rêve de Roger Gonthier.

Mars 1928, Roger Gonthier et sa famille emménagèrent  dans leur villa «Grosse Terre» grâce à la diligence et à l’endurance d’Augustin Billon et de ses fils, Maximilien et Raymond. N’avaient- ils pas dû réceptionner en gare de Croix de Vie des tonnes de ciment expédiées par Roger Gonthier ? Ils eurent aussi à se charger d’entreposer les meubles de la villa jusqu’à l’emménagement. Des photos montrent un élégant salon de lecture en mezzanine, baigné de lumière et bordé d’une remarquable balustrade en fer forgé, le tout surplombant un salon meublé de fauteuils de cuir confortables répartis autour d’une cheminée au foyer en plein cintre, le tout dans le goût des
années 30.
L’histoire de la vie de la villa ne faisait que commencer. Les aménagements se poursuivront à l’initiative de Roger Gonthier jusqu’au 24 juin 1940, date du déménagement de la famille Gonthier à la villa «L’Abri Côtier», quelques centaines de mètres plus loin. «Grosse Terre» venait  d’être   réquisitionnée par l’occupant, interdisant illico à la population d’approcher de la corniche et de pêcher sur l’estran, tous les vendredis, jour de leur entraînement au tir à la mitrailleuse sur Pil’ Hours où ils avaient fiché une cible. Pendant toutes ces années, la famille Gonthier assista impuissante aux dégâts que l’occupant, puis des gestes de revanche infligèrent à la villa. La lecture de la correspondance que  Roger Gonthier échangea avec Augustin Billon donne à penser qu’il eut droit à des dommages de guerre mais le charme était rompu. Roger Gonthier vendit «Grosse  Terre»   en 1945 au Dr Joseph Buet qui en fit  sa résidence principale, confiant à l’entreprise Billon des aménagements  réalisés jusqu’en 1947. Toutefois Roger Gonthier ne quitta pas facilement  «Grosse Terre». Il obtint du Dr Buet de jouir de la maison du gardien pendant 4 ans après la vente et d’y entreposer du mobilier. La mairie de Saint Hilaire de Riez a préempté la villa «Grosse Terre» en 2009 et décidé de lui offrir une nouvelle vie au service des amoureux de la corniche et de la villa, dans le cadre de programmes d’actions culturelles ouverts à tous.

Carte de grosse terre

Carte de grosse terre

Michelle Boulègue

Sources :
- Les archives personnelles de Monsieur Alexandre Billon, architecte du patrimoine, Saint Gilles Croix de Vie.
- Drac de Poitou Charente ; extraits de l’étude «entre rêve et réalité, architecture et urbanisme à Limoges depuis la Révolution» par S .Capot et B.Sardin. Limoges 2005.
- Histoire d’une gare : Limoges par R. Brissaud et P. Plas.2008.
- Entretien   avec   Roger   Jousseaume,    archéologue, chercheur au CNRS.
*Roger Gonthier (1884-1978),  architecte parisien, licencié en droit fut, ainsi que  son père Emile Gonthier, architecte-inspecteur des bâtiments des Chemins de Fer Paris-Orléans. Il  réalisa à Limoges,  en 1919, un pavillon frigorifique et l’abattoir municipal (1941). Roger Gonthier fut également l’auteur de la cité des Coutures, de la cité-jardin de Beaublanc et de nombreux immeubles de rapport à Paris. Sa réalisation la plus emblématique  est la gare des Bénédictins à Limoges, commanditée par la Compagnie du Paris-Orléans. Cette gare est inscrite à l’inventaire des monuments historiques par arrêté du 15 janvier 1975 avec le label «patrimoine du XXème siècle».
* La villa «Grosse Terre», d’une surface utile de 353 m2, fut classée  «villa balnéaire climatique» en 1938.
* En 1929,  d’autres tessons de la même époque  furent également découverts sur le site. Une campagne de fouilles fut alors décidée  et menée par Daniel Longuet. Les  découvertes se  poursuivirent  avec  des tessons de l’époque  du bronze ancien par Patrick Peridi. Des recherches archéologiques démontrent que notre littoral fut habité par un peuple dont on sait qu’il a laissé ses traces à Malte et en Sardaigne, 6 000 ans avant notre ère.

 

 

 

Bulletin 2015 Dossiers de V.I.E.

V.I.E. fête ses vingt ans

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Plutôt qu’une autocélébration,  nous préférons refaire avec vous le chemin parcouru en 20 ans, jalonné par nos bulletins que, chaque année, vous trouvez dans vos boîtes aux lettres.

Jean-Marcel Couradette et Maurice Friez lors du centenaire de la loi 1901  (photo V.I.E.)

Jean-Marcel Couradette et Maurice Friez lors du centenaire de la loi 1901
(photo V.I.E.)

Revenons à l’acte fondateur, le dépôt de nos statuts à la sous-préfecture des Sables d’Olonne par Jean Marcel Couradette le 20 septembre 1995.
Le Journal Officiel du 11 octobre de la même année sous la référence 1497, publie notre objet : «Prendre et favoriser toutes les initiatives économiques, sociales et culturelles dans le cadre du canton pour développer les richesses locales, contribuer au  bien-être de chacun, préserver les patrimoines économiques, sociaux, culturels et naturels, promouvoir les pratiques et les organisations citoyennes». Le cap est tenu.
Deux agréments délivrés par la Préfecture le confirment. Le premier, en 2009, reconnaissait V.I.E. en tant qu’association locale de préservation de l’environnement. Le deuxième, en 2013, nous a agréée en tant qu’association locale en charge de la défense des usagers au titre du code de l’urbanisme.
Dès sa création,  V.I.E. fut membre du comité de dragage. Depuis 2014, Gérard Roches, fait partie de la commission consultative de mise en place de l’AVAP (Aire de valorisation de l’Architecture et du Patrimoine) en tant que personne qualifiée.
Rien n’aurait été possible sans les femmes et les hommes qui ont décidé de mettre V.I.E. sur pied. Le premier conseil  d’administration comprenait déjà Rolande Berthomé, Louis Boulineau, Jean Luc Bolteau, Valérie Chéronet, Martine Clémenceau, Jean Marcel Couradette, Michelle Couradette-Boulègue,  Maurice  Guittonneau, Jeanine Eudier, Madeleine Friez, Claude Lefeuvre, André Menuet, Christiane Paillé, Marie Thérèse Perrault,  Jacky Prieur, Denise Rivalin, Gérard Roches et  Adolphe Romanet.
Notre actuel conseil d’administration témoigne de la fidélité de nos membres fondateurs, tandis que de nouveaux membres diversifient notre compétence collective sans nous faire oublier ceux qui ont pris d’autres responsabilités, ont changé de région ou que la vie a quittés. Quelques exemples de nos initiatives, déjà exposés dans nos bulletins précédents, illustrent notre parcours dans les domaines de nos missions : la valorisation du patrimoine, de l’amélioration du cadre de vie et la préservation de l’environnement.

A propos de la valorisation du patrimoine.
Commençons par  quelques déceptions.
Nous ne sommes pas parvenus  à empêcher la vente des «maisons Levron» des 25 et 26 de la rue Cadou, alors bien communal. Sitôt connue la décision du Conseil Municipal du 18 juin 1997, V.I.E. s’est efforcée de sensibiliser l’opinion publique en lançant une pétition. En dépit de l’audience recueillie grâce, notamment, à la diligence de Monsieur Gaudremeau, ces maisons ont été vendues «à la bougie». Elles méritaient pourtant de rester dans le giron communal. L’une d’elles détient, enfoui dans son pignon nord, un arc gothique du 12ème siècle prouvant que cette construction devait faire partie de l’ensemble  religieux bâti, à l’époque, autour de l’église. Au moins, cette maison continue, avec charme, son destin de demeure. L’autre est une maison de commerce du 17ème siècle, restée dans son jus, entièrement construite avec des pierres de lest, dépendances et hautes clôtures comprises. Un large passage dallé et couvert permettait de faire transiter à l’abri, les marchandises entre les entrepôts et le quai de Saint Gilles. Ainsi sommes-nous privés de ce bien communal, témoin de notre passé maritime remontant au 17ème siècle.
Le Château aurait dû subir le même sort par décision du Conseil Municipal du 15 juin 1995. Sitôt prise, cette décision a fait l’objet de vives contestations de la part des associations, dont V.I.E., attachées à notre patrimoine local. Coriace, le Château a découragé le promoteur se proposant d’y aménager une dizaine d’appartements outre un immeuble sur garage prévu sur le parking attenant. Toujours bien communal, depuis 1999, ce mal aimé de notre patrimoine, trop longtemps négligé, est délabré. Seul, le gros œuvre du 17ème siècle tient bon ainsi que la magnifique charpente de la même époque, mais les planchers s’effondrent. Le Château mérite mieux que l’indifférence.

La Baie d’Adon  (photo V.I.E.)

La Baie d’Adon
(photo V.I.E.)

Le 27 août 2003, V.I.E. a déposé, auprès de la DRAC*, un dossier cosigné par le CPNS* et l’ACQVM* dans le but d’obtenir l’inscription de la tour dite «Joséphine» et son site d’ancrage à l’inventaire des bâtiments historiques. Nous visions surtout à protéger la baie d’Adon dont nous avions découvert qu’elle n’était pas répertoriée au titre de la ZPPAUP*, en dépit de la valeur historique de cet exceptionnel témoignage d’architecture  maritime remontant jusqu’au 17ème siècle. Ce patrimoine justifierait que Saint Gilles Croix de Vie soit reconnu comme «port d’intérêt patrimonial». Nous sommes satisfaits d’être parvenus, à la longue, à  faire  identifier la  baie  d’Adon comme site remarquable dans le PLU. Actuellement nous travaillons à ce que ce site bénéficie de l’AVAP pour les mêmes motifs. Actuellement,  V.I.E. alerte les décideurs sur l’intérêt qu’il y aurait à préserver les postes d’amarrage de la baie d’Adon dont l’un a été balayé par les tempêtes du printemps dernier.

Depuis 2010, V.I.E. s’emploie à souligner l’intérêt urbain, architectural et historique  des murs en pierres de lest des quartiers historiques de Saint Gilles Croix de Vie. Les journées du patrimoine ont témoigné de l’intérêt que suscite ce modeste témoignage de la vie maritime du 16ème au 19ème siècle. L’étude financée par V.I.E. et réalisée, à sa demande, par Alexandre Billon, architecte du patrimoine, expose les techniques de préservation et de restauration. Remise à la mairie en septembre 2014, elle est désormais à la disposition des propriétaires qui peuvent la consulter. Nous aurons terminé notre mission quand ces murs bénéficieront de la réglementation de l’AVAP. Auquel cas, les propriétaires pourront solliciter une aide de la Fondation du Patrimoine pour protéger simultanément leurs biens et notre patrimoine commun. C’est un exemple des effets-leviers que V.I.E. privilégie. Enfin rappelons que des adhérents spécialistes de l’histoire maritime ont identifié des graffiti du XVème siècle dans le haut du clocher de Saint Gilles. V.I.E. s’attache à garder vive la mémoire des métiers et des professionnels de la mer, de l’agriculture, du commerce, des conserveries qui ont façonné notre identité locale. Il en est de même pour les engagements citoyens, notamment au service de l’habitat, de l’enseignement, de la santé. Nous prenons plaisir à faire vivre, de bulletin en bulletin, les personnages célèbres et méconnus qui ont contribué à notre histoire locale, tour à tour prestigieuse, touchante et cocasse. Le deuxième axe de nos missions est l’amélioration de notre cadre de vie. En voici quelques exemples :
Dès 2002, nous avons entrepris de réveiller  le projet de pont-rail permettant de relier les quartiers de la Corbillère et  du  Terre-Fort au boulevard Pompidou, de  supprimer du même coup deux passages à niveau, de désenclaver les quartiers concernés et de faire contourner notre ville par un flux important de circulation via le boulevard Pompidou.  Faute de pouvoir financer une telle entreprise, les municipalités précédentes avaient, du moins, effectué des réserves foncières qui en permettaient la réalisation. Bloqués derrière la ligne du chemin de fer, les habitants des quartiers limitrophes devaient gravir le talus de la voie ferrée pour aller à Intermarché. En 2002, ces réserves foncières firent  l’objet  d’un  projet  immobilier qui risquait de compromettre celui du pont-rail. A l’époque, Réseau Ferré de France (RFF)  avait entrepris de supprimer le plus grand nombre possible de passages à niveau après plusieurs accidents mortels. Nous nous sommes saisis de cette opportunité pour rencontrer les dirigeants de RFF à Nantes qui nous ont confirmé le bien-fondé d’un tel projet pour autant que les collectivités territoriales concernées s’engagent à leurs côtés. La commune de Saint Hilaire de Riez et le Conseil Général ont immédiatement  compris les intérêts financiers et structurels du projet. La mairie de Saint Gilles Croix de Vie a accueilli notre exposé avec scepticisme. Deux ans plus tard elle s’est laissé convaincre. Le pont-rail inauguré en 2009 démontre tous les jours son utilité économique et sociale. Qui se rappelle qu’en 2006, la fermeture et la vente de la «Villa Notre Dame», comptant plus d’une centaine d’emplois qualifiés et hautement qualifiés, était programmée par l’Agence Régionale d’Hospitalisation  (ARH) et ses gestionnaires dans le cadre d’un plan de restructuration de l’offre départementale de la rééducation fonctionnelle ?

En 2008, V.I.E. s’est  fait  grain de sable en obtenant des sœurs de Saint Charles, propriétaires des lieux, l’assurance par écrit, qu’elles ne voulaient pas vendre la «Villa Notre Dame» si un projet utile à la santé et au bien-être des habitants pouvait s’y développer. Cet écrit a privé d’un argument com- mode les tenants de la vente et donner un répit aux salariés qui ont su faire valoir les atouts de la Villa Notre Dame et les compétences reconnues de ses professionnels dans les domaines de la rééducation fonctionnelle et les soins de suite. Aujourd’hui, nul ne conteste la qualité des soins que reçoivent les patients de la Villa Notre Dame, que ce soit en ambulatoire ou en hospitalisation. C’est aussi une gamme d’emplois qualifiés et hautement qualifiés dans une commune qui souffre d’un taux de chômage de 14 %.
Autre dossier porté à bout de bras depuis 4 ans, la mobilité des habitants de Saint Gilles Croix de Vie et de Saint Hilaire de Riez. V.I.E. s’efforce de convaincre  la Communauté de Communes de mettre en place un service de navettes ne serait-ce qu’à titre  expérimental dans un  premier temps. Dans ce but nous avons proposé aux décideurs un circuit de trajets inter cités très détaillé, minuté et chiffré. Il serait resté lettre morte sans l’engagement  de la Mairie de Saint Gilles Croix de Vie d’organiser  sur son sol un transport collectif d’autant plus attendu, à ce jour, que le financement de quelques trajets annuels en taxi et sous conditions de ressources est loin de satisfaire la demande.
A la charnière du domaine de la qualité du cadre de vie et de l’environnement, V.I.E. s’implique depuis sa création dans un suivi de dossiers tels que l’ex- tension du port de plaisance, la prévention des risques climatiques dont le rehaussement des quais le long de la rive droite de la Vie, l’assainissement des eaux, le traitement des déchets. En sa qualité de membre du comité de dragage, V.I.E. suit attentivement les risques de pollution des eaux de baignade et fait des propositions permettant de mieux les mesurer et les contrôler.

Jardin du vieux môle imaginé par C. Vidal le 12 Nov. 1999  (photo V.I.E.)

Jardin du vieux môle imaginé par C. Vidal le 12 Nov. 1999
(photo V.I.E.)

L’environnement est le troisième axe de nos missions.
Depuis sa création,  V.I.E. rend compte des  pressions que notre économie, nos loisirs et le climat exercent sur nos quais, notre littoral, notre fragile cordon dunaire et nos plages. Pour chacun de ces dossiers Jean Marcel Couradette s’est activement  employé à faire partager les informations et les arguments des experts sans négliger les visites sur site afin de permettre au public de prendre plus directement conscience sur le terrain des enjeux dont l’environnement est l’objet et le rôle individuel qu’il est possible de jouer. Dans son sillage, des botanistes adhérents de V.I.E. poursuivent sa mission de sensibilisation en organisant chaque année une dizaine de promenades d’herborisation dans les dunes du Jaunay, complétée par l’accueil de classes de mer et des interventions en IUT environnement. Notre vigilance n’a  cependant pas empêché la vente, le 12 janvier 2007, de 4 ha de dunes du Jaunay en zone NBL 146-6, en dépit de la mobilisation des collectivités territoriales concernées que nous étions parvenus à alerter.
La volonté de contribuer à la création et à la préservation des espaces verts en zone urbaine nous a conduit à suggérer, dès 2004, dessin à l’appui, l’aménagement et l’ouverture au public du jardin du vieux môle autrefois potager de la maison des Phares  et Balises. Ce fut chose faite quatre ans plus tard pour le plus grand plaisir des promeneurs.

Dès 2013, le projet de création d’une usine de méthanisation sur les bords du Jaunay nous a conduits à nous investir dans le Collectif ayant pour but de mesurer son impact, sans remettre en cause les principes et l’intérêt de la méthanisation des déchets organiques comme source d’énergie verte. Cependant la conception du projet, ses modalités de gestion et son implantation comportent des risques qui justifient d’être dénoncés auprès des pouvoirs publics et du public. Pour le moment les arguments du Collectif n’ont
pas obtenu une reconsidération du projet. Ensemble, nous avons eu des échecs et quelques résultats. Dans tous les cas,  la  modestie de  nos  moyens, contrepartie de notre indépendance financière, limite notre capacité d’action que nous cherchons à compenser en nous appuyant sur l’écoute des habitants, les effets de levier du partenariat et les ressources d’un bénévolat aussi patient que compétent.
Depuis notre création nous nous employons à rendre compte de nos actions en distribuant, chaque année, un bulletin à tous les habitants de Saint Gilles Croix de Vie, grâce au fidèle soutien des annonceurs. Chaque assemblée générale est l’occasion pour V.I.E. d’accueillir des conférenciers qui nous permettent d’approfondir les composantes scientifiques, historiques, sociales, économiques et culturelles des questions qui sont au cœur de nos missions.
Les membres de V.I.E. et tous ceux qui nous apportent de l’information, la saveur de leurs souvenirs et de leurs expériences, l’étendue de leurs connaissances font la substance de V.I.E. et sont le gage de son avenir. A tous, nos remerciements les plus chaleureux.

Michelle Boulègue

* Direction Régionale de l’Action Culturelle (DRAC)
*Comité  de Protection  de la  Nature  et des Sites (CPNS)
* Association  Culturelle du Quartier  du Vieux  Môle(ACQVM)
* Zone de protection du patrimoine Architectural, Urbain et des Paysagers (ZPPAUP)
* Illustration: photos de la baie d’Adon, de la dune, du vieux quartier de Saint Gilles Croix de Vie….
Bulletin 2015 Dossiers de V.I.E.

L’AVAP en chantier

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La Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et des Paysage (ZPPAUP) en vigueur depuis 1991 sera remplacée par l’Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) en 2016.
Dans cette perspective le conseil municipal du 15 mars 2013 a décidé la mise en place d’une commission locale consultative ayant pour objet de définir les priorités à prendre en compte et à concrétiser au titre de l’AVAP. Depuis un an et à raison d’une réunion mensuelle, un groupe de personnes désignées, dont Gérard Roches, président de V.I.E., avance pas à pas sous la houlette de Gilles Maurel, architecte du patrimoine et de ses collaborateurs, Eric Emon, paysagiste et Eve Lagleyze, environnementaliste.

Nouveauté :   la  réglementation de l’AVAP accordera toute leur place à la  géologie, au climat, au système hydraulique et aux pressions exercées sur le littoral par l’océan. Conjointement, ces contraintes physiques ont façonné notre paysage et notre habitat tout en influençant les vies, économique, sociale et culturelle de notre commune.
Les objectifs sont à la mesure de l’ambition réglementaire de l’AVAP :

  • prendre en compte des enjeux environnementaux,  conformément au Grenelle 2 et aussi l’intégration des nouveaux matériaux et des nouvelles technologies,
  • améliorer la coordination avec le Plan Local d’Urbanisme (PLU) et le Plan de Développement Durable (PADD),
  • formuler des  préconisations précises afin d’éviter l’écueil des interprétations, sources de conflits,
  • favoriser une plus grande réactivité quant aux consultations des services de l’Architecture et des Bâtiments de France,
  • prendre en compte le contexte local et de ses évolutions notamment en matière de réhabilitation,
  • favoriser les rencontres entre les générations, la mixité sociale et la cohésion sociale.
Extrait du diagnostic du patrimoine urbain dans le cadre du l’AVAP par Gilles Maurel architecte du patrimoine - Eric Enon paysagiste concepteur- Eve Lagleyze Environnementaliste

Extrait du diagnostic du patrimoine urbain dans le cadre du l’AVAP par Gilles Maurel architecte du patrimoine – Eric Enon
paysagiste concepteur- Eve Lagleyze Environnementaliste

La démarche se veut participative, associant des représentants de la Mairie, des experts et des membres du secteur associatif tandis que les habitants seront invités à en prendre connaissance lors de réunions publiques et d’une enquête publique prévue en 2015. Un cahier d’observations est à leur disposition à la mairie qui expose, dans son hall, une présentation synthétique de la phase de diagnostic.
A ce jour, la commission a réalisé un recensement  du patrimoine architectural et urbain. Nous avons noté avecsatisfaction, la  confirmation que  la baie d’Adon est répertoriée comme site remarquable tandis que les murs en pierres de lest sont bien identifiés comme constitutifs de l’originalité architecturale et urbaine des quartiers historiques de la commune. La commission a été invitée à constater les interactions du bâti avec l’environnement naturel.
Ce  travail s’est appuyé sur des références historiques tels que des cartes archéologique du Bas Poitou à l’époque gallo-romaine, les cartes du 18ème siècle établies par  Claude Masse en 1703, le cadastre Cassini (1750) et les cadastres napoléoniens de 1820 et 1866, les carte IGN et le cadastre actuel. Ces contraintes physiques fortes expliquent sans doute la stabilité de la configuration du tissu urbain depuis le 17ème siècle jusqu’au 19ème siècle. Dès 1920, la vogue du balnéaire, l’intensification de la pêche et le développement des conserveries ont impulsé une extension  accélérée du tissu urbain, au-delà du noyau historique tout en l’englobant. C’est en se déplaçant dans la commune que la commission a pu mesurer les impacts du climat et du peu de matériaux de construction disponibles sur place qui façonnèrent une architecture traditionnelle ramassée, dictée par l’économie de moyens et la prise en compte du climat. Lorsque les moyens financiers l’autorisent, les demeures prennent de l’ampleur et de la hauteur au tout début du 20ème siècle, l’attrait du balnéaire a fait fleurir sur la corniche et en bordure des plages des villas souvent de style «anglo-normand» ou «basque» en référence à Cabourg et à Biarritz, célèbres villes balnéaires.

Actuellement, le recours aux nouvelles technologies font que l’architecture se libère de plus en plus de ces contraintes jusqu’à des choix de toitures complexes peu compatibles avec les nouvelles nécessités d’économie d’énergie tandis que les toits de tuiles «tige de botte» pigeon- nées disparaissent de notre paysage. Ces évolutions mettent en évidence que les choix architecturaux répondent concrètement à des contraintes climatiques, géographiques et économiques dont  les  avancées   technologiques tendent à nous affranchir à condition que celles-ci restent financièrement accessibles.  Cette analyse a permis aux experts en  charge du  dossier d’identifier 6 zones urbaines dont il conviendrait  de respecter les caractéristiques en conservant les volumes et  les  matériaux traditionnels. Les coffres de volets roulants et de climatisation devront se faire discrets tandis que le recours aux fenêtres sur toit ne sera pas encouragé. Les couleurs de façade devront se faire neutres et le faux rustique est carrément proscrit. La zone des quais s’érigeant en une barrière d’immeubles hétéroclites à l’architecture considérée  comme banale n’atteindrait pas l’objectif de «faire vitrine». A défaut, il est recommandé de privilégier la cohérence. Autant dire que le mal est fait.

Le 6ème secteur cité est celui de notre environnement naturel de dunes et de marais, constitutif de notre tissu urbain et dont il est recommandé de préserver la végétalisation endémique. La valorisation de l’existant, la préférence accordée aux matériaux traditionnels ne veut pas faire obstacle au recours aux nouveaux matériaux et nouvelles technologies à condition de préserver l’identité des quartiers et de rechercher la cohérence d’ensemble.  Ces recommandations valent aussi pour les clôtures.

La prochaine étape des travaux de la  commission consultative devrait la conduire, au-delà des constats actuels, à identifier des évolutions et à définir les critères permettant aux décideurs de les accompagner  tout en préservant les traits identitaires de la commune. La rareté du foncier et l’envolée des prix qui va avec ne seront pas les contraintes les plus faciles à maîtriser pour une commune au tissu urbain déjà serré et exposé , le long de l’estuaire, à des risques de submersion que les travaux en cours devraient permettre de mieux contrôler.

Gérard Roches