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Bulletin 2017 Histoire Récits Mémoire

Le pont de la Concorde en quelques dates

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En 1835, un pont suspendu entre les deux rives de  Croix- de- Vie et  de Saint- Gilles- sur- Vie mit d’emblée leurs habitants au diapason des innovations technologiques dont s’enorgueillissait la France. Les frères Escarguel, concessionnaires,  instituèrent un péage. Cette pratique alimenta l’amertume de CroixdeViots qui eurent à en supporter la charge plus particulièrement car ce péage s’appliquait aux passages allant de Croix- de- Vie à Saint- Gilles où se concentrait l’essentiel des administrations (1).

En 1845, le pont suspendu commença à donner des signes de délabrement alarmant. La préfecture de Vendée exigea,  le 19 novembre de la même année, des réparations dont, en priorité, le remplacement du plancher en bois si pourri qu’un charretier  se tua en passant au travers avec son chargement.

Le 8 janvier 1860, le maire de Croix- de- Vie dut signaler à la Préfecture la rupture des barres  de suspension, ce qui valut aux concessionnaires une troisième injonction à procéder d’urgence  et à leur charge aux réparations.

 En 1882, inauguration d’un nouveau métallique qui d’un seul  jet de 57 mètres enjamba la Vie en s’appuyant sur deux arches de pierres soutenant 3 travées de 19 mètres chacune.  Il était temps car la patience des riverains  était à bout après une succession de réparations de plus en plus in suffisantes.  Une nouvelle fois, ce pont métallique illustra les prouesses technologiques de l’époque.

1887 voit l’arrivée du chemin de fer à Croix- de- Vie dont une gare implantée en bout du quai de la République favorisa l’essor des 12 conserveries de la commune et l’accueil des amateurs de bains de mer. Trente ans plus tard, un train côtier reliant Bourgneuf aux Sables d’Olonnes flanqua, en amont le Pont métallique, traçant une courbe audacieuse au-dessus de la Vie.

 En 1950, les 28 juin et 8 juillet, un rapport alarmant des Ponts et Chaussées  contraignit la Préfecture à imposer aux véhicules une traversée du pont au pas et en sens unique de Saint- Gilles- sur- Vie à Croix- de- Vie ,pour des véhicules n’excédant pas un poids de 12 tonnes tandis que le pont de chemin de fer, reconverti en pont routier provisoire, desservit les flux allant en sens inverse.  Simultanément, les ingénieurs des Ponts et Chaussées(2) lancèrent l’étude d’un nouveau pont.

En 1957, un pont construit selon une nouvelle méthode révolutionnaire, le béton précontraint, remplaça le pont métallique. Plus tard, le pont de chemin de fer  fut démonté, livrant ses arches aux seuls  pêcheurs à la ligne jusqu’à servir de support pour une passerelle métallique dite passerelle « Bénéteau » en 2001.

 Le 1er février  1967,  les maires de Croix -de- Vie  et de Saint- Gilles- sur- Vie  décidèrent la fusion des deux commines. L’idée murissait depuis 1938. Saluant l’évènement et avec l’ambition de  préfigurer, par la même, un avenir plus partagé  le pont fut baptisé « le pont de la concorde ».

Michelle Boulegue

(1) -Il est probable que cette inégalité de traitement soit dû au fait que Saint- Gilles-  sur -Vie ait pu avoir participé au financement. Ce qui reste à établir.
(2) - Il s’agissait des ingénieurs Blondeau, Nauleau et Roger Lévêque. Sources : les archives des Ponts et Chaussées de Vendée.

 

 

 

 

Bulletin 2017 Histoire Récits Mémoire

Coule la Vie sous le pont de la Concorde

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Elle hésitait sur le bord de mes berges, cotillons troussés et sabots serrés dans son baluchon qu’elle cala sous son bras. D’un petit geste de la main elle fit comprendre à l’énergumène qui s’agitait sur l’autre rive qu’elle se lançait dans le courant. Elle redoutait le contact de l’eau glacée. Seul risque à courir en ce petit matin d’avril à marée basse, d’autant que j’avais parsemé mon lit de petits îlots sableux qui ralentissaient le courant.

Vue (depuis le quai Gorin) sur Saint-Gilles-sur-Vie et le pont suspendu sur la Vie (construit en 1835 et démoli
en 1880. (Reproduction par Jean Rémy Couradette d’une lithographie de Charpentier de 1845)

Encore un jeune couple qui allait s’installer sur la Petite Île faute de trouver à se loger à Saint Gilles. Pas de place pour ceux qui manquaient de sous. Sur la rive droite, le seigneur Montausier de la Motte Ruffé n’était pas regardant. Pas assez du point de vue de la Baronne de Riez qui ne manquait jamais de lui rappeler qu’il était son vassal et devait lui rendre compte et surtout des comptes. Je savais tout ça en écoutant les bavardages des passants qui allaient se hâtant le long de mes berges. Il faut dire que le petit coulis d’air froid que j’entraînais depuis le fond des marais jusqu’à mon embouchure ne donnait pas envie de musarder.

En l’an 1575, J’ai compté une quinzaine de chaumières. Plutôt des affûts à canards. Enfoncées dans le sol, elles tentaient de résister aux tempêtes d’hiver et de printemps. Les habitants, les hommes comme les femmes, avaient dû traîner jusqu’à la lande de sable, des  bois de flottage échoués sur la grève et arracher des roches de mer à coup de pioche pour se construire ces huttes coiffées d’un toit de chaume  au faîtage enduit de glaise qui le printemps se transformait en chapeau de mai tant les graines du marais mettaient d’ardeur à s’y épanouir. Parure du pauvre. Même les iris des marais y fleurissaient.

La vie était rude mais possible pour ceux qui n’étaient pas manchots. Un charpentier, venu s’établir près de ce qui n’était pas encore un hameau, a apporté du travail à ceux qui savaient travailler le bois et le fer. Lui aussi a eu maille à partie avec Marie de Beaucaire pour avoir utilisé des pierres de lest sans en avoir payé le prix. N’était pas le seul et tant mieux car les caillons (1) effondrés ralentissaient mon cours et m’ensablaient au point de me faire maudire par les marins.

Un jour j’ai entendu, portée par le vent, une messe chantée à pleine gorge. Les gens se tenaient debout, en plein air, serrés devant leur curé sur le haut de la Petite Ile. Dans l’élan de leur foi, ces paroissiens auraient aidé à ériger une haute croix de bois, obéissant en cela à Marie de Beaucaire qui en aurait décidé ainsi afin de faire comprendre aux quelques familles morisques venues s’installer là à partir de 1609, avec l’autorisation de Henri IV, que ses terres étaient vouées au Christ. On les appelait ainsi car ces familles hispaniques avaient été expulsées d’Espagne par son roi Philippe III du fait de leur lointaine origine marocaine et en dépit de leur conversion au catholicisme, souvent sous contrainte. Cependant, ces nouveaux venus ne sont pas arrivés les mains vides. Ils savaient fabriquer des filets et pêcher en mer. Les gars d’ici en ont vite compris l’intérêt.  C’est depuis que ce groupe de masures a pris le nom de Croix de Riez. Vers 1613, les habitants ont obtenu de la Baronne qu’elle leur construise une chapelle tant la route leur paraissait longue chaque dimanche pour aller suivre les offices à l’église de Saint Hilaire de Riez. Afin de décider des dimensions à donner à cette chapelle elle fit faire un recensement en 1611. C’est ainsi que j’appris que Croix de Riez comptait  160 familles catholiques  et 20 familles ayant embrassé  la religion réformée.

N’en déplaise à Madame la Baronne, les gens commençaient à se dire aussi bien de Croix de Vie que de Croix de Riez. Finalement c’est Croix de Vie qui l’emporta, me faisant leur marraine aussi bien que de ceux de la rive gauche qui se disaient, déjà, de Saint Gilles sur Vie. Parfois, les gens de Croix de Vie devaient aller à Saint Gilles. Particulièrement ceux qui allaient au Temple (2) chaque dimanche. Ils devaient payer l’octroi et se débrouiller pour franchir mes flots. Les tensions religieuses se sont exacerbées jusqu’au massacre de 1622 quand Louis XIII est venu chasser Soubise, le chef militaire que s’étaient donnés les réformés. Il avait déjà pillé l’évêché de Luçon et les Sables d’Olonne quand il vint assiéger Saint Gilles, sûr d’une victoire facile. Il a été bien surpris de la résistance des villageois galvanisés. Vexé il préféra contourner Saint Gilles et me franchir à gué un peu plus haut en amont pour venir prendre ses quartiers à Notre Dame de Riez dont le site lui paraissait sûr. Ce fut de fait une souricière. Il en prit vite conscience et s’enfuya avec ses chevaliers dans la nuit du 21 au 22 avril 1622, livrant le gros de ses troupes aux armées du Roi. Au petit matin de ce jour-là, J’ai vu mes eaux rouges du sang de près de 2500 des hommes de Soubise (3), massacrés par les soldats du Roi et la population déchaînée qui s’acharna sur eux alors qu’ils étaient bloqués sur mes berges par la marée montante.

De fait les communautés établies de part et d’autre de mes rives faisait de mon cours une frontière. A l’obstacle naturel que le représentais je crois bien que les gens y avaient ajouté des différences sociales et religieuses. Malgré tout, il faut bien que les affaires se fassent. Si bien que la nécessité de faire passer les charrettes a obligé à mettre une gabarre en service sans empêcher qu’on se regarde en chien de faïence d’une berge à l’autre. Pas une fête carillonnée sans que les gars ne s’empoignent. Les charivaris de mai en ont laissé plus d’un sur le carreau. Ils ont bien été interdits par les édiles locaux sommés d’agir par la population excédée par ces désordres…. Sans résultat (4). Un matin de Pâques des années 1950, j’entends encore le rire d’un grand père, Croix de Viot, racontant à sa petite- fille ses bagarres homériques avec les gars d’en face. C’est devenu plus calme, à la longue.

Me croiriez- vous si je vous disais qu’il faudra attendre 1811 pour qu’un bac soit mis en service ? Entre temps, les hommes ont continué d’écrire leur histoire. Ils ont fait la révolution sans effacer la frontière que mon cours semblait tracer entre eux. C’est ainsi que Saint Gilles s’est baptisé « Port Fidèle » pour prix de sa fidélité à la révolution. De son côté, Croix de Vie, fidèle au Roi fut appelé « Le Havre de Vie ». Une façon de me rester fidèle à moi aussi ?  Trêve de bavardage. Le temps a continué de couler aussi sûrement que mes eaux et nous voilà en 1815. Encore une insurrection vendéenne qui a opposé bonapartistes et royalistes. Le général Grosbon qui commandait les troupes bonapartistes et redoutait le débarquement des anglais s’était hissé, cet après-midi-là, tout en haut du clocher, armé de sa longue vue. Un éclat de lumière capté par la lunette a donné envie à un gars armé d’une pétoire sur le quai d’en face d’appuyer sur la gâchette au jugé. Bon tir. Le général a eu la mâchoire fracassée et ses hommes qui ne l’aimaient guère tant il était dur le descendirent en le tirant par les pieds, la tête heurtant chaque marche de l’escalier de pierre, sans le tuer.

1835, me voilà aux premières loges pour admirer les prouesses techniques dont les ingénieurs étaient capables. J’ai eu droit à un ouvrage d’art dans la lignée des constructions métalliques qui affirmaient que la France était entrée dans l’ère industrielle par la grande porte. Un pont suspendu m’a franchi d’un seul élan sur une portée de 57 m d’une rive à l’autre. Son reflet dans mes eaux me corsetait d’un treillis du plus bel effet. Les habitants purent enfin aller d’une berge à l’autre sans embarras. Les hostilités s’étaient bien calmées mais les gens continuaient à se dire différents, Saint Gilles, fier de tenir le haut du pavé, laissant volontiers à Croix de Vie, les nuisances, (l’avantage ?)  de la gare. Il faut dire que Croix de Vie disposait de plus de place et que construire la gare en bout de quai face aux douze conserveries implantées sur mes berges côté Croix de Vie tombait sous le sens. Chaque usine avait sa sirène, pour appeler les ouvrières au retour de pêche des bateaux. C’est alors qu’il fallait entendre le train des sabots martelant les rues de terre battue. Chaque minute comptait dans la course à la rentabilité. Déjà. C’est alors que j’ai vu mes berges redressées et maçonnées pour faciliter les débarquements et l’accastillage, côté Saint Gilles, des bateaux de pêches construits par le chantier Bénéteau (1884-1965) sur le quai des Grenier de Croix de Vie.

Un jour de malheur, en 1845, le pont suspendu, mal entretenu par le concessionnaire s’est effondré au passage d’une charrette qui m’est tombée dessus.  Je n’ai rien pu faire pour empêcher le charretier de se noyer. De réparation en réparation, il a bien fallu se résoudre à faire du neuf. En 1881, c’est un fier pont métallique qui s’est reflété dans mes eaux. Il se voulait à la mesure de l’augmentation du trafic. Jugez-en : Deux piles de pierre supportant trois travées de 19 mètres ! Bientôt il a fallu le flanquer d’un pont métallique construit en arc, sur trois piles de pierres, afin de faire passer le chemin de fer reliant Bourgneuf en Retz aux Sables-d’Olonne. Cette fois- ci, Saint Gilles a consenti à se doter d’ une petite gare. Il faut dire que la commune s’était voulue station balnéaire et qu’il fallait pouvoir accueillir dignement les « baigneurs- curistes » de façon aussi moderne que confortable.

A force de me traverser, les habitants ont-ils pris conscience qu’ils formaient une même communauté ?

Toujours est-il que le maire de Croix de Vie finit par convaincre celui de Saint Gilles qu’il était temps de fusionner. Ce n’était pas une idée neuve. La question se débattait de part et d’autre depuis 1938. Il fallut attendre 1967 pour que ce soit chose faite. Le pont fut alors baptisé « Pont de la Concorde. Si l’œuvre fut de longue haleine elle est aussi celle de tous les jours. Jusqu’à se donner un nouveau et même nom ? Ce serait une belle et bonne manière de saluer 5O ans de fusion.

Allons ! Je ne résiste pas au plaisir de suggérer « Havre de Vie ». N’ai-je pas une vocation de marraine ?

Michelle Boulègue

-(1) Caillon désigne les pyramides de pierres de lest empilées le long des berges et des quais afin de mettre ces matériaux à disposition des navires ayant à lester leurs cales de navires en cas de fret insuffisant.

-(2) Le temple fut construit à Saint- Gilles-sur-Vie sur un terrain donné par un seigneur de Montausier, en son fief de la Charoulière, à l’ancienne rue  Noble du Bois. Sources : « Saint Gilles-Croix- de -Vie et environs »  de Henri Renaud, édition 1937.

-(3) Louis XIII et la bataille de l’Isle- de- Rié de Patrick Avrillas –Geste Editions 2013

-(4) Les derniers jours d’avril, les jeunes gens dits « bacheliers » s’emparaient de mats de navires qu’ils décoraient de feuillages et de fleurs, puis, battant du tambour, fusil à l’épaule et cocarde au chapeau, ils allaient de rue en rue, réclamant de l’argent. Enfin le 1er mai avec l’aide de la population, ils dressaient le mat de mai place du Baril (actuelle place aux herbes). Les jeunes filles de la même « classe »que les  bacheliers venaient les rejoindre sur la place et les danses commençaient pour une fête qui pouvait durer une semaine au cours de laquelle les bacheliers s’arrogeaient le droit de « havage » faisant argent  de tout. Les troubles étaient si violents que les bacheliers encoururent l’excommunication en 1698. Des arrêts du parlement du 1er juin 1779 les autorisèrent cependant mais la maréchaussée dut intervenir   en 1781 et 1782. En 1793 l’arbre de la Liberté aurait pu remplacer la tradition du  mat fleuri. Mais en 1815, le mat fleuri de mai se dressait encore place du Baril. Sources « Saint- Gilles- Croix- de- Vie et environs » de Henri Renaud - édition 1937.

Illustration : copie par Jean Rémy Couradette d’une lithographie de Charpentier  de1845 pour un pont construit en 1835 et détruit en 1890. Photo V.I.E.

 

Bulletin 2017 Histoire - récit - mémoire

Gilbert HERAUD, un Croixdeviot au service des marins du port de Saint- Gilles-Croix-de-Vie.

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Gilbert Héraud (avec son béret) aux commandes du «Aimé Baud» avec Manu
Brossard.

Beaucoup de Gillocrutiens, de souche au moins, ont connu Gilbert HERAUD à un titre ou a un autre ; ce dernier est né le  26/12/1926 à Croix de Vie rue du Maroc, quartier qu’il n’a jamais quitté par la suite et qu’il chérissait ; il a été élevé par son grand père maternel, et a eu deux sœurs Micheline et Rosette ; par la suite il a vécu avec sa mère dans  une maison qui donnait  bd de l’Egalité ;  Son père, René, dit « l’étudiant » était aussi marin et ses parents ont divorcé en 1936 ce qui était très rare à l’époque.

J’ai fait sa connaissance un soir à un retour de pêche en juillet 1962 (j’avais 18 ans) et lui ai fait part de ma grande envie de passer une journée sur le Thalassa ; après m’avoir posé quelques questions sur ma famille et mes études à Nantes, il m’a donné son accord ; « rendez-vous à 3 H 45 au port » ! J’étais comblé : un vieux rêve allait se réaliser.

Cette journée de juillet a été inoubliable ; la mer était belle et j’ai pu assister au lever du soleil : pure merveille de la Création ; J’ai observé  longuement Gilbert, avec son béret basque, à la barre ; il semblait dans un autre monde bien que tout attentif à ce qui se passait ; il n’avait pas besoin de donner des ordres à son équipage  ; chaque matelot savait parfaitement ce qu’il avait à faire avant et après le  jeter des filets ; il s’adressait parfois à Jacques Pouvreau pour lui donner quelques consignes ; Jacques était propriétaire à part égale du Thalassa et avait le statut de mécanicien ; les prises étaient bonnes..

Entre deux parties de pêche j’ai du m’exécuter (en tant que touriste) au jeu de l’entonnoir qui consistait à mettre celui-ci dans mon pantalon à l’avant ; puis de mettre une pièce de monnaie sur mon front relevé afin de  la faire tomber dans l’entonnoir ; A ce moment là un matelot se faufilait derrière moi pour vider le contenu d’une bouteille d’eau dans l’entonnoir ; ce qui provoquait un éclat de rire général dans l’équipage patron y compris ; l’ambiance était très gaie sur le Thalassa : c’est vrai qu’il n’y avait pas de stress à une époque ou la réglementation européenne était souple.

Au retour à terre il était de coutume de prendre un verre au Café du PMU dit   « le Bouillon » pour la tournée du patron et la paye qui se faisait en liquide ; Le silence était la règle tant la fatigue se faisait sentir sur les visages après 12 à 13 H en mer.

Revenons à Gilbert ; au cours de sa carrière il a navigué successivement dés l’age de 14 ans        sur la Petite Simone comme mousse puis sur la Monique enfin sur l’Ondine toujours comme marin ; ensuite il est devenu patron pêcheur à bord du Thalassa, un navire de 24 tonneaux,  à partir de 1958 jusqu’en 1981.  Il a vécu en harmonie totale avec son équipage qui appréciait sa bonne humeur et son flair pour détecter les bancs de poissons ; le Thalassa pratiquait la pêche à la sardine au filet tournant  de mai à septembre et le chalut plus les coquilles saint Jacques l’hiver. Les prises du bateau étaient limitées aux besoins du mareyage et des usines de conserve : les quantités étaient affichées à « la baraque » (local du syndicat des marins) et variaient selon le nombre de matelots à bord ; Le Thalassa, qui a été le dernier bolincheur  du port, a été acquis bien plus tard  par une association des Sables « l’Océane » qui l’a laissé à l’abandon.

Gilbert prenait activement part à la vie du port que ce soit au comité local des pêches, au comité de la sardine…..il a été aussi le représentant, un temps, des marins C.G.T. (clin d’œil à la classe ouvrière). Les revendications du syndicat portaient sur la juste rémunération des marins ; puissante à la sortie de la guerre, elle a perdu de son influence par la suite cela était certainement lié au charisme et à la fougue de Louis VRIGNAUD : il était  secrétaire du syndicat professionnel des Marins et a consacré sa vie à la défense du monde maritime.

A l’actif de la CGT la création de la coopérative de mareyage l’Avenir en 1946, puis en 1948 d’une usine de conserve crée conjointement par les marins CGT et la SGCC (Société Générale des conserves coopératives) appelée Bilbao sur la route des Sables en souvenir des réfugiés espagnols qui avaient fui le régime franquiste en 1936. Le climat était bon entre les deux syndicats à tel point qu’ils ont  été à l’origine de la création de Vendée Océan en remplacement de l’Avenir qui rencontrait de sérieuses difficultés ; Chaque partie était représentée par 6 professionnels   et la constitution officielle de Vendée Océan s’est faite le 14 août 1959. ; Dans les négociations la CGT était représentée par Yvon Praud et Raymond Nadeau.

 

Bien que « de bord différent » Gilbert avait un lien fort avec « le grand Louis » (1) qui présente Gilbert comme « un bon marin  agissant avec beaucoup de bon sens , soucieux de l’intérêt général » « il parlait peu mais quand il ouvrait la bouche on ne savait pas s’il était sérieux ou blagueur » . Témoin de la solidarité entre gens de mer le dépannage de Louis Vrignaud, dans des conditions rocambolesques liées au évènements de mai 1968 a permis la réparation du moteur du Thalassa qui avait lâché ; Louis l’avait emmené à Surgères à l’usine Poyaud pour chercher les pièces nécessaires à la réparation  de son moteur de 172 CV.

 

Gilbert est entré à la SNSM en 1969 et il a été successivement patron suppléant de Paul Fortineau puis patron tout court de la vedette « patron aimé Baud » et cela de 1974 à sa maladie ; il a été le témoin direct d’un drame de la mer, qui a eu lieu le 28/5/1985,  concernant le navire l’Alnilam : Michel Abillard, patron du navire, a péri en mer dans le secteur de l’Ile d’Yeu lors d’un virement de bord dans des conditions tragiques.

Pour tout son dévouement à la cause des marins Gilbert a été décoré au grade d’officier du Mérite maritime par Louis Vrignaud le 9 novembre 1985.

Gilbert a été élu municipal de Croix de Vie  du 21 mars 1965 au 1er janvier 1967, date de la fusion, avec comme maire Marcel Ragon ; il a œuvré surtout dans le cadre de la commission maritime ; les archives municipales sont muettes sur les interventions de Gilbert tant il est vrai qu’à cette époque c’est le Maire qui présentait tous les sujets à l’ordre du jour et le conseil votait pratiquement toujours à l’unanimité les projets présentés.

Gilbert a toujours chéri son quartier du Maroc ; une preuve parmi tant d’autres : il a été à l’initiative, suite à un article dans Vendée matin du 17/7/1986, d’une pétition « signée par les touaregs et autres souks du Maroc (sic) »  qui évoquait « un projet de construction d’immeubles décents et neufs » dans un quartier où « il est bon de respirer les effluves des sardines et non l’odeur du pétrole ou du gaz oïl et qui  autorisait la circulation des véhicules dans un quartier apprécié par les estivants pour son calme » ; par un communiqué en date du 27/8/1986 le Maire Jean Rousseau rassura : les projets d’évolution de ce quartier « qui avaient en leur temps suscité l’émotion des propriétaires ont été abandonnés en 1977  et le Plan d’Occupation des sols « assurait la conservation de ce secteur et comportait un règlement  propre à lui garantir son caractère spécifique ».

Il est impossible de ne pas évoquer en conclusion l’homme tout court, l’ami BEBERT qui côtoyait beaucoup de monde, de tous les milieux, comme l’humoriste Pierre Desproges ; les compères aimaient se retrouver au café « chez Bougnat » rue du Maroc ou il faisait bon  faire une partie de boules entre deux verres de rouge.

Autant Bébert était discret en mer autant il devenait un bon vivant à terre ; j’ai le souvenir d’une soirée à la crêperie du Récif à Sion ou on buvait et buvait encore en frères à la « santé des amoureux, à la santé du roi de France … » en chantant tard dans la nuit ; d’autres ont en mémoire les banquets de marins (SNSM…) ou Bébert aimait entonner « La pompe à Merde », une chanson de carabin.

Bébert était viscéralement attaché à sa terre de Croix de Vie ce qui ne l’empêchait pas d’avoir des idées de progrès ; ce quartier du Maroc ou autrefois à l’heure du repas les hommes ramenaient la part du pêcheur et ou tout le monde se retrouvait au café du coin pour manger des grillades avec des pommes de terre. C’était la fête !

Nombreux sont ceux qui l’ont accompagné jusqu’au bout  (Bebert est décédé le 9/11/1991 sur ses 65 ans d’un cancer du poumon); comme le chantait  Brassens, dans  « les copains d’abord », les nombreux présents à son enterrement civil «  c’étaient pas des anges, l’Evangile ils l’avaient pas lu mais ils s’aimaient tout’s voil’s dehors, les copains d’abord… » ; L’oraison funèbre prononcée par Sylvain Rebeyrotte  fut à la hauteur : plein d’éloge et plein de tendresse vis-à-vis de l’homme de cœur et de raison qu’était Bébert ; Là ou tu reposes désormais Bébert j’émets le vœu que nous soyons quelques uns à fleurir ta tombe à la Toussaint prochaine.

 

 

 

 

Jean Michel BARREAU

jm.barreau9444@orange.fr

 

  • A lire « J’ai posé mon sac à terre » de louis VRIGNAUD

(Appel pour mes recherches futures: si vous avez la collection des revues « La Hutte Radio Pil’Hours» parues dans les années 60 merci de me le faire savoir)