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Bulletin 2023 Non classé

L’association Grand Largue

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L’association Grand Largue organise chaque année, au départ de neuf ports différents de Saint-Malo à La Rochelle, un week-end de découverte de la navigation à voile pour des jeunes en difficultés sociales, administratives ou judiciaires. Ces moments différents ouvrent pour ces jeunes de nouveaux horizons et quelquefois des cheminements improbables.

Grand Largue est née il y a 33 ans, de la volonté de quelques éducateurs et juges pour enfants, bientôt rejoints par Eric TABARLY, son premier président d’honneur. Jacqueline, son épouse, a depuis pris le relais. Aujourd’hui cette association nationale est présidée par un gillocrucien Pierre Lecourt.

Le comité local Grand Largue de Saint-Gilles-Croix-de-Vie a donc organisé, les 17, 18 et 19 juin derniers, cette manifestation annuelle qui a réuni plus de 40 jeunes venant de toute la France et une quinzaine d’éducateurs embarqués sur des voiliers gracieusement mis à disposition et skippés par leurs propriétaires.

La SEMVIE et le Lions Club de Saint-Gilles-Croix-de-Vie ont apporté leur soutien à la logistique de l’opération.

L’association est, bien sûr, toujours en recherche de bénévoles pour pérenniser ses actions.

V.I.E. salue et appuiel’action de «GRAND LARGUE» et vous invite à la rejoindre.

www.grandlargue.org

Pierre Lecourt : 06 07 30 34 51

Bulletin 2023 L’Océan, incontournable acteur de SGXV

LE PROJET DE PORT DE BRÉTIGNOLLES À LA NORMANDELIÈRE. Suite de la Saga. 

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LE PROJET DE PORT DE BRÉTIGNOLLES À LA NORMANDELIÈRE. Suite de la Saga. 

 

Le 15 octobre 2021, lors d’une réunion  publique, le maire, Frédéric Fouquet, a  défendu l’option d’un port communal, laissant penser qu’elle était la seule capable de répondre aux trois enjeux  du site : faciliter et sécuriser la mise à l’eau, rendre la Normandelière attractive à l’année et prendre en compte  la dimension naturelle du site. (O.-F.  22/10/21) (…) 

Le 24 novembre 2021, La Vigie s’oppose «à toute atteinte au domaine dunaire» et souligne que des expertises supplémentaires repousseraient le réaménagement du plan d’eau. Elle doute du retour sur investissement d’un tel projet. 

Elle rappelle qu’elle «est favorable à un aménagement du site de la Normandelière, en respect avec la Loi Littoral et la préservation de la biodiversité, pour en faire un espace ouvert accessible à tous avec un bon équilibre des  usages.» (O.-F. 24/11/21) 

Depuis : 

2 décembre 2021 : Le Conseil Commu nautaire du Pays de Saint-Gilles-Croix de-Vie met en œuvre l’abandon du projet de port de plaisance sur le site de la Normandelière en accord avec le préfet de Vendée et suivant ses instructions. 

En compensation, la Communauté de Communes décide d’indemniser  la commune de Brétignolles-sur-Mer  pour les études qu’elle a conduites, d’un montant de 2 116 804 euros. 

Cette indemnisation, qui pourrait être versée dans les deux ans, est conditionnée à l’engagement, par la mairie de Brétignolles, de ne pas réaliser de port. 

9 décembre : Le Journal des Sables titre : «Le Collectif pour la remise en  état du plan d’eau s’impatiente et se mobilise»: 

«C’était une promesse de Christophe  Chabot, si le port ne se faisait pas …  Plus rien n’empêche la municipalité de  respecter ses engagements.» 

8 janvier 2022, Ouest-France titre:  «F. Fouquet et C. Chabot, s’associent dans le privé» : 

Frédéric Fouquet, est depuis le 25 oc tobre 2021 le nouveau gérant de l’entreprise Coutaud Manutention dont il  était jusqu’à présent le directeur commercial salarié. 

Christophe Chabot et Frédéric Fouquet sont co-actionnaires de la nouvelle société Foutex maison mère de Coutaud Manutention. 

Dans le même temps, le lobbying de Christophe Chabot est intense auprès de Frédéric Fouquet pour défendre contre vents et marées le projet de  port. L’ancien maire en rend compte  publiquement sur le site de l’association «Brétignolles Veut Son Port», qu’il préside. Au soir du 22 juillet 2021, après le vote du Conseil Communautaire du Pays de Saint-Gilles-Croix-de Vie abandonnant le projet de port à  Brétignolles , Christophe Chabot fustige une «parodie».  

Selon Christophe Chabot, les deux  maires se voient le 1er août, pendant trois heures. À l’issue de cette rencontre, les tensions s’apaisent. «Je  crois pouvoir affirmer que l’on a peut être retrouvé notre Fred… Notre maire a pris l’engagement très clair que rien ne se fera à la Normandelière sans notre association», relate Christophe Chabot. 

12 janvier : Un collectif de contribuables, habitants du Pays de Saint Gilles-Croix-de-Vie, dépose un recours gracieux contre la décision du Conseil Communautaire du 2 décembre 2021, qui actait le remboursement de 2,1 millions d’euros à la commune de Brétignolles, au titre d’études engagées pour l’aménagement d’un port de plaisance, ce projet ayant finalement été abandonné par les élus communautaires en juillet 2021. 

Dans ses vœux, le 8 janvier 2022, le maire de Brétignolles, Frédéric Fouquet maintient la solution d’un  port communal comme «scénario  prioritaire». (O.-F. 14/01/22) 

1er mars : La Région des Pays de Loire  lance un nouvel Appel à Projets pour  un port de plaisance innovant et établit son cahier des charges : 

– Port connecté (internet des objets), 

– Port lieu d’expérimentation, 

– Port durable (économie circulaire,  intégration du port à sec sur le terri toire et dans son environnement). 

Date limite de dépôt des dossiers : 31 mai 2022. 

5 mars, 11 mars et 10 juin : derniers  arrêtés préfectoraux d’abrogation  pour clore le dossier Port-Brétignolles  à la Normandelière, après la décision  communautaire d’abandon.  

5 avril : Congrès annuel de l’association vendéenne des élus du Littoral, salle de la Balise à Saint-Hilaire-de Riez, à l’initiative de Yannick Moreau,  président, et de François Blanchet :  Catherine Meur-Ferec, professeure de  géographie et littoral à l’Université de Bretagne, y intervient sur les risques d’érosion et de submersion côtière. 

5 juin : La Vigie organise un rassemblement pour réclamer la remise en état du plan d’eau de la Normandelière, la remise en état de la dune et le classement définitif du site. 

Le maire évoque un risque de «trouble  à l’ordre public» et envisage un «arrêté  d’interdiction.» (O.-F. 26/05/22) 

9 juin : Après l’abandon du projet de port de plaisance de Brétignolles, en Bureau Communautaire, la Communauté d’Agglomération du Pays de  Saint-Gilles-Croix-de-Vie lance les études pour le développement et l’avenir du port de Saint-Gilles-Croix de-Vie. 

Elle a ainsi répondu à l’Appel à Projets  régional pour un port de plaisance innovant. 

24 juin : le «Collectif pour l’aménagement de la Normandelière» diffuse une vidéo de six minutes, sur YouTube, intitulée «Proposition d’aménagement  pour la Normandelière». 

18 juillet : en pleine sécheresse, la carrière de Brethomé est une énigme:  son niveau d’eau reste insensible aux variations climatiques, ne se remplissant pas par l’eau de pluie et ne se vidant pas en été du fait de l’évaporation. 

8 août : le «Collectif pour l’aménagement de la Normandelière» présente sa vidéo déjà diffusée, le 24 juin, sur YouTube : 

«Pendant 8 mois, 80 bénévoles ont mis en place une démarche de travail en équipe pour réfléchir à une proposition d’aménagement alternative du site de la Normandelière et a réalisé un film permettant de visualiser ce que ces propositions pourraient offrir. 

Le plan d’eau pour la baignade et les  activités nautiques est restauré avec des espaces de jeux en proximité; les bâtiments de la ferme de la Normandelière sont utilisés comme centre d’interprétation pour le public et lieu de vente de produits de la ferme ; la zone humide est aménagée avec des  cheminements doux ; les prairies accueillent des races anciennes de bovins; un vaste espace de maraîchage est dédié à la recherche agronomique et la carrière est imaginée comme un lieu d’accueil du public avec un pont suspendu, une via ferrata et une scène flottante.» 

Le 8 septembre, Ouest-France titre :  «Brétignolles s’oppose à une intervention de l’agglomération dans la dune» : «La Vigie s’alarme de l’érosion de la dune de la Normandelière, sur le littoral de Brétignolles-sur-Mer. Pour l’association, la dune «a été rendue vulnérable suite aux travaux de septembre 2019 [préparatoires] au projet de port». À la veille des tempêtes hivernales, il devient urgent de la protéger.  (…) Le maire de Brétignolles s’oppose à toute intervention sur la dune.» 

Le président de la Communauté d’Agglomération du Pays de Saint Gilles-Croix-de-Vie, François Blanchet, confirme qu’il n’a pas eu l’autorisation du maire de Brétignolles, Frédéric Fouquet, pour faire intervenir ses services. «Comme je m’y étais engagé lors d’un  Conseil Communautaire en décembre  2021, j’ai sollicité [en mai 2022] le maire de Brétignolles pour une intervention des services intercommunaux dans la dune, afin de limiter l’érosion. Le maire n’a pas souhaité donner suite à notre demande», déclare François Blanchet. «La compétence de  défense contre la mer est intercommunale, mais le domaine dunaire est communal. Il faut l’accord du propriétaire pour intervenir», affirme-t-il. 

Le 16 septembre, Le Journal des  Sables titre : «L’association «Bréti gnolles Veut Son Port» perd patience  et confiance» : 

Christophe Chabot [président de  BVSP], amer, refait l’histoire et promet  d’y donner une suite via «Brétignolles  Veut Son Port».  

Il explique : «Après avoir protégé Frédéric Fouquet à de nombreuses re prises, nous considérons que ce n’est  plus possible. Je me suis trompé sur l’homme et je culpabilise. Si j’étais resté, le port serait en cours, les Brétignollais que je rencontre me demandent fréquemment des comptes… J’ai  démissionné de l’actuel mandat après que le maire m’ait refusé de continuer à porter le projet du port… 

(…) 

Frédéric Fouquet a aussi laissé faire la  commission de médiation. Il néglige notre électorat et notre association,  considérée comme rien, qu’il a mise  sous l’éteignoir… Il n’a adressé aucun  message aux Brétignollais et à l’équipe qui portait le port le 22 juillet après la  décision négative du Conseil Communautaire…» 

Le 4 octobre, audience du Tribunal  Administratif. 

Ouest-France titre : «Le tribunal enclin  à protéger l’estran» :  

«Le Plan Local d’Urbanisme ménageait la possibilité d’un port à La Normandelière. Le rapporteur public préconise une annulation partielle. 

Le rapporteur public (…) estime en revanche que l’estran, la partie maritime de La Normandelière, constitue «un espace remarquable», ce pour quoi milite la Vigie. Cela impliquerait une sacralisation de l’estran, interdisant la  construction, sauf exception. Le rapporteur public préconise, en conséquence, une annulation partielle du PLU sur ce dernier point.» (O.-F.  5/10/22) 

La décision est mise en délibéré. 

Début octobre, la municipalité publie son périodique «Parole de Brétignolles» n° 39 :  

«La vocation nautique et touristique de la Normandelière sera confortée» : Pour «- Sécuriser l’accès à la mer et  l’accueil des bateaux, notamment pour  respecter la règlementation concernant la mise à l’eau ;  

– Faciliter les activités nautiques et la  voile légère à proximité de l’école de  voile municipale.» 

Le 20 octobre, Frédéric Fouquet rencontre le «Collectif pour l’aménagement de la Normandelière», dans le cadre de la concertation publique qu’il a engagée en octobre 2021. (O.-F.  2/11/22). 

Le 8 novembre, annulation partielle par le Tribunal Administratif de Nantes du PLU de Brétignolles-sur-Mer. 

Le Tribunal Administratif décide la préservation de l’estran et son classement comme espace remarquable: «Ainsi, contrairement à ce que soutient  la commune, cette partie de l’estran, dans le secteur de la Normandelière présente un caractère géologique remarquable et un intérêt écologique  fort. (…) Dans ces conditions, l’estran du secteur de la Normandelière, qui, à tout le moins, est caractéristique du patrimoine naturel du littoral de  Brétignolles-sur-Mer et présente un  intérêt écologique, est au nombre des espaces remarquables dont les articles L. 121-23 et R. 121-4 du code de l’urbanisme imposent la préservation.» 

Il est enjoint à la commune d’élaborer, sans  délai, les nouvelles dispositions du PLU. 

Le 16 novembre, la «Gazette des communes» titre : «Coup d’arrêt juridique pour le port de plaisance de la discorde» :  

«Le PLU doit être revu sur la partie estran.  Par ailleurs, les autorisations environnementales ont également été abrogées. La partie arrière de l’estran sur laquelle  devait se développer les aménagements  portuaires faisait l’objet d’une orientation d’aménagement et de programmation  (OAP) au PLU, qui tombe également»,  précise Yves Le Quellec, président de FNE Vendée. 

Cependant, la commune a décidé de faire appel de ce jugement le 15 novembre, mais selon les juristes, les  chances de réussite sont très minces. «Le  jugement du 8 novembre 2022 est solidement motivé, tout particulièrement sur la question des espaces remarquables du littoral, tirant toutes les conséquences de la jurisprudence antérieure et de la déclinaison marine de la Loi Littoral sur  cette question essentielle de la protection des espaces remarquables ; il sera pour le moins difficile de faire tomber le jugement nantais…», analyse Laurent  Bordereaux, professeur en droit du littoral à l’Université de La Rochelle. 

Le 3 décembre, le «Collectif pour l’aménagement de la Normandelière» présente une vidéo documentant des solutions pérennes, pour faciliter une mise à l’eau sécurisée des bateaux, par tout  temps et tout niveau de marée, tout en  préservant l’ensemble des activités de la plage, l’environnement et la réglementation de l’estran, grâce à un tapis géotex tile sur la plage, un tracteur immersible,  une remorque hydraulique et l’implantation d’un petit port à sec (si la demande  le justifie). 

Le 13 décembre 2022 : «La mairie de Brétignolles-sur-Mer relance le projet  d’un port… à seuil», titre Ouest-France  du 14/12/2022 :  

Frédéric Fouquet, maire, présente un  aménagement d’ensemble avec un bassin de baignade, un bassin de pratique  de la voile légère, la zone humide, la carrière et les bâtiments préservés, … avant  d’en arriver à son projet de port : un port à seuil, soit un bassin à flot avec un seuil  submersible, protégé par une porte anti tempête, pour 400 bateaux de 6 à 10 m, accessible uniquement par beau temps.  

Bernard Biron, président de La Vigie,  réagit : «On est reparti vingt ans en arrière. Pendant ce temps, rien ne se fait à  la Normandelière.» 

Effectivement, nous voilà revenus aux  caractéristiques du 1er projet de port  présenté par Christophe Chabot, le 15 février 2003 (O.-F. 20/02/03)…  

A suivre…. 

Le comité de rédaction

L’OCEAN, INCONTOURNABLE ACTEUR DE SGXV Non classé

LA MER

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Je vous avais promis une planche sur la mer ; mais la mer sans l’homme n’aurait que peu d’intérêt.

La mer sera présentée à travers l’adolescent, l’apprenti… avant de rejoindre le monde des «grands» de la mer.

Nous ne parlerons pas de la mer sous ses aspects géographiques et physiques ; cette mer-là vous la connaissez mieux que moi et les professeurs de géographie le feraient de façon bien plus précise.

Nous ne parlerons pas non plus de la mer des scientifiques et des écologistes ; ce n’est pas mon métier et cela serait bien trop déprimant ; ni de la mer des plaisan- ciers et de l’intérêt qu’ils y portent, intérêt bien souvent proportionnel à la taille et à la magnificence du navire qu’ils y font évoluer.

Nous ne parlerons pas davantage de la mer des vacanciers qui l’aiment suivant sa température ou la douceur de ses plages.

Mon propos est de vous entretenir de la mer, à travers ceux qui y travaillent, qui y souffrent, qui l’aiment et qui la craignent, de la mer et de ses laboureurs : les Ma- rins Pêcheurs.

Cette mer a bercé mon enfance et ma vie. Mon grand-père et mon père étaient des marins. À la maison, dès mon plus jeune âge, il était question des vents, des marées, des quartiers de lune. Les saisons étaient rythmées par les périodes de pêche. Ce n’était pas l’été mais «la campagne aux thons», pas le printemps mais «l’époque sardinière». L’hiver c’était les «poissons plats» et l’automne «les merlans». Ainsi concrétisait-on le temps dans ma famille. Les dictons fleurissaient à la maison : il était question du «vent d’aval, plein les cales» du «vent d’amont, pas de poissons» du «vent du nord, reste au port» ou bien «petite brise, bonnes prises» et bien d’autres encore.

Nous, les gosses de la côte, cette mer nous fascinait. La fureur de ses éléments durant la tempête, les récits des anciens, la ligne infinie de son horizon, tout cela avait des airs de surnaturel.

Quand nous allions au plus bas des marées d’équinoxe, témoins étonnés de cette mer mystérieuse, au lieu de ramener quelques-uns de ses secrets, nous nous contentions de gros congres et d’énormes dormeurs.

Cette époque s’est achevée à treize ans, enfin délivré de sommaires études à l’école communale, mon embarquement se précisait et allait devenir réalité.

Je pensais être devenu un homme ; père me trouva un embarquement avec un cousin éloigné, en qualité de mousse sur un chalutier mixte, le GRE DES FLOTS.

À la coopérative des marins, père m’acheta bottes, suroît, ciré et tablier, le tout d’un beau jaune couleur du coton enduit d’huile de lin ; c’était un grand bonheur à tel point que je suis resté en tenue de mer toute la journée. Seule ma mère ne semblait pas partager ma joie. Pourquoi ce sentiment ? Après tout ce n’était pas mon problème.

Mon père me disait : «les femmes c’est triste les jours de grand vent, elles ont les yeux fragiles». Deux ou trois jours avant mon embarquement, je suis allé avec la mère à l’église de la paroisse porter un cierge à Saint Pierre, patron des marins. C’était la coutume. Rite ou symbole, en ces temps, je ne savais pas. Puis, le jour du départ arriva. Sur le pont, en compa- gnie des hommes tous affairés aux pré- paratifs du métier, le malaise s’empara de moi. Mon regard se portait vers l’arrière, dans le sillage du navire, vers le phare qui diminuait : c’était le mal de mer!… cela dura toute la marée, trois jours, trois longs jours, couché sur la paillasse que ma mère avait faite avec tant de soin et qui sentait la paille fraîche.

Les marées se succédèrent avec comme souvenir affreux, le mal de mer. Cela ne pouvait plus durer ; ma tâche n’était pas exécutée et le travail d’un mousse, c’est utile sur un bateau. Le patron vint voir mes parents. Après discussion, le père décida de me conduire chez un rebou- teux, dans un petit village du marais ven- déen. Le «soigneur», qui était un homme très grand et dégageait une drôle d’odeur, m’a délivré définitivement du mal de mer. Réalité scientifique ou foi ? Peu importe, seul le résultat compte !

Les marées gardaient leur rythme. Le chalut montait régulièrement du fond, des bons et des mauvais coups ou traits. Nous étions penchés le long du bord, jeunes et vieux, dans une attente infantile de la remontée. Nous étions tous là, guet- tant le cul du chalut. Le souvenir me reste de ces approbations ou de ces silences, suivant l’importance de ce cul, plein ou vide de poissons, venant frapper le flanc du bateau. Sur notre dix-huit mètres, nous étions six liés les uns aux autres et le sachant. Une grande tolérance existait entre nous, seule façon de vivre harmo- nieusement dans une telle promiscuité.

Notre vieux patron «BELONIE», marin sûr, parlant peu, donnait ordres et décisions que personne ne discutait. Il ne nous venait même pas à l’idée qu’ils puissent être différents.

Les saisons passaient ; mon statut évoluait : mousse, novice puis matelot. Le métier de la mer m’avait appris beaucoup de choses sur les hommes : la joie d’une équipe, la solidité d’une entente devant les coups durs.

Le souvenir de ces journées interminables reste intact : quinze à dix-huit heures sur le pont, les bonnes et les mauvaises marées, les bordées à terre dans les ports voisins : bordées au vin rouge, c’était moins cher !

Il y avait un grand sentiment de liberté sur les embarcations ; après les escales de deux ou trois jours, nous nous sen- tions mal dans notre peau dans ces rues étroites pleines de gens pressés, n’ayant pour but que des horaires ou des emplois du temps.

Comme si on pouvait employer le temps! Un vieux marin disait «à amarres larguées, comptes réglés» ; il nous arrivait d’oublier une dernière tournée ou de laisser une fille déçue sur le quai mais, une fois au large, les comptes étaient clairs, la page tournée.

À bord, nous parlions peu. Nous n’avions rien à dire sans doute ou bien les mots ne venaient pas. Mais il n’est pas besoin de paroles pour dire que nous aimions tous ce beau ciel étoilé où l’on a repéré la grande ourse ou Cassiopée, un beau soleil levant ou couchant, une mer du large, rose, couverte de plancton, un rayon de soleil au travers d’une déferlante ou, par une nuit de printemps, le spectacle des hommes travaillant sur le pont.

Il arrivait aussi la nuit que, dans la lumière des projecteurs, des dizaines d’oiseaux de différentes espèces, viennent s’écraser sur les vitres de la passerelle ou les agrès de la mâture. Cette lumière, tout être vient à sa rencontre. L’homme la chérit encore plus car il la veut au dehors comme au dedans. Nous n’en parlions pas, nous étions bien.

Les années passaient avec leurs apports de connaissances ; beau temps et gros temps se succédaient.

Je me souviens d’un autre patron, aussi sûr que le premier qui disait «la mer n’aime pas ou ne garde pas les incompétents». Il nous rapportait, lors d’un coup de tabac «écoutez les gars, le bateau qui chante» ; c’est impressionnant, surtout de nuit, d’entendre les membrures d’un chalutier craquer, se plaindre. Quand il retombe plus ou moins bien dans un creux, parfois sur le flanc, tout frémit jusqu’à la quille. Une petite angoisse, la gorge sèche, un petit point au creux du ventre c’est peut- être cela la peur ? En ces moments j’ai vu des hommes se signer discrètement, pour ensuite se retrouver joyeux, bien vi- vants autour d’une «moke» de café géné- reusement mouillée de gnole du pays en se disant «ç’aurait pu être plus méchant».

Et les quarts ? Quart de jour, quart de nuit où l’on est seul avec la mer, maître du navire, les compagnons se reposant. On éprouvait un sentiment indéfinissable de pouvoir changer les choses à son gré…

Tel est ce métier avec ses doubles joies ; celle du retour : retrouver ceux qu’on aime, celle du départ, sentiment plus obscur d’indépendance.

Voilà ce que ressent encore un ancien marin pêcheur.

Je terminerai avec ces vers d’un grand navigateur :

«HOMME LIBRE, TOUJOURS TU CHERIRAS LA MER»

Sylvain Rebeyrotte

 

LA MER

Je vous avais promis une planche sur la mer ; mais la mer sans l’homme n’aurait que peu d’intérêt.

La mer sera présentée à travers l’adolescent, l’apprenti… avant de rejoindre le monde des «grands» de la mer.

Nous ne parlerons pas de la mer sous ses aspects géographiques et physiques ; cette mer-là vous la connaissez mieux que moi et les professeurs de géographie le feraient de façon bien plus précise.

Nous ne parlerons pas non plus de la mer des scientifiques et des écologistes ; ce n’est pas mon métier et cela serait bien trop déprimant ; ni de la mer des plaisan- ciers et de l’intérêt qu’ils y portent, intérêt bien souvent proportionnel à la taille et à la magnificence du navire qu’ils y font évoluer.

Nous ne parlerons pas davantage de la mer des vacanciers qui l’aiment suivant sa température ou la douceur de ses plages.

Mon propos est de vous entretenir de la mer, à travers ceux qui y travaillent, qui y souffrent, qui l’aiment et qui la craignent, de la mer et de ses laboureurs : les Ma- rins Pêcheurs.

Cette mer a bercé mon enfance et ma vie. Mon grand-père et mon père étaient des marins. À la maison, dès mon plus jeune âge, il était question des vents, des marées, des quartiers de lune. Les saisons étaient rythmées par les périodes de pêche. Ce n’était pas l’été mais «la campagne aux thons», pas le printemps mais «l’époque sardinière». L’hiver c’était les «poissons plats» et l’automne «les merlans». Ainsi concrétisait-on le temps dans ma famille. Les dictons fleurissaient à la maison : il était question du «vent d’aval, plein les cales» du «vent d’amont, pas de poissons» du «vent du nord, reste au port» ou bien «petite brise, bonnes prises» et bien d’autres encore.

Nous, les gosses de la côte, cette mer nous fascinait. La fureur de ses éléments durant la tempête, les récits des anciens, la ligne infinie de son horizon, tout cela avait des airs de surnaturel.

Quand nous allions au plus bas des marées d’équinoxe, témoins étonnés de cette mer mystérieuse, au lieu de ramener quelques-uns de ses secrets, nous nous contentions de gros congres et d’énormes dormeurs.

Cette époque s’est achevée à treize ans, enfin délivré de sommaires études à l’école communale, mon embarquement se précisait et allait devenir réalité.

Je pensais être devenu un homme ; père me trouva un embarquement avec un cousin éloigné, en qualité de mousse sur un chalutier mixte, le GRE DES FLOTS.

À la coopérative des marins, père m’acheta bottes, suroît, ciré et tablier, le tout d’un beau jaune couleur du coton enduit d’huile de lin ; c’était un grand bonheur à tel point que je suis resté en tenue de mer toute la journée. Seule ma mère ne semblait pas partager ma joie. Pourquoi ce sentiment ? Après tout ce n’était pas mon problème.

Mon père me disait : «les femmes c’est triste les jours de grand vent, elles ont les yeux fragiles». Deux ou trois jours avant mon embarquement, je suis allé avec la mère à l’église de la paroisse porter un cierge à Saint Pierre, patron des marins. C’était la coutume. Rite ou symbole, en ces temps, je ne savais pas. Puis, le jour du départ arriva. Sur le pont, en compa- gnie des hommes tous affairés aux pré- paratifs du métier, le malaise s’empara de moi. Mon regard se portait vers l’arrière, dans le sillage du navire, vers le phare qui diminuait : c’était le mal de mer!… cela dura toute la marée, trois jours, trois longs jours, couché sur la paillasse que ma mère avait faite avec tant de soin et qui sentait la paille fraîche.

Les marées se succédèrent avec comme souvenir affreux, le mal de mer. Cela ne pouvait plus durer ; ma tâche n’était pas exécutée et le travail d’un mousse, c’est utile sur un bateau. Le patron vint voir mes parents. Après discussion, le père décida de me conduire chez un rebou- teux, dans un petit village du marais ven- déen. Le «soigneur», qui était un homme très grand et dégageait une drôle d’odeur, m’a délivré définitivement du mal de mer. Réalité scientifique ou foi ? Peu importe, seul le résultat compte !

Les marées gardaient leur rythme. Le chalut montait régulièrement du fond, des bons et des mauvais coups ou traits. Nous étions penchés le long du bord, jeunes et vieux, dans une attente infantile de la remontée. Nous étions tous là, guet- tant le cul du chalut. Le souvenir me reste de ces approbations ou de ces silences, suivant l’importance de ce cul, plein ou vide de poissons, venant frapper le flanc du bateau. Sur notre dix-huit mètres, nous étions six liés les uns aux autres et le sachant. Une grande tolérance existait entre nous, seule façon de vivre harmo- nieusement dans une telle promiscuité.

Notre vieux patron «BELONIE», marin sûr, parlant peu, donnait ordres et décisions que personne ne discutait. Il ne nous venait même pas à l’idée qu’ils puissent être différents.

Les saisons passaient ; mon statut évo- luait : mousse, novice puis matelot. Le métier de la mer m’avait appris beaucoup de choses sur les hommes : la joie d’une équipe, la solidité d’une entente devant les coups durs.

Le souvenir de ces journées intermi- nables reste intact : quinze à dix-huit heures sur le pont, les bonnes et les mau- vaises marées, les bordées à terre dans les ports voisins : bordées au vin rouge, c’était moins cher !

Il y avait un grand sentiment de liberté sur les embarcations ; après les escales de deux ou trois jours, nous nous sen- tions mal dans notre peau dans ces rues étroites pleines de gens pressés, n’ayant pour but que des horaires ou des emplois du temps.

Comme si on pouvait employer le temps! Un vieux marin disait «à amarres lar- guées, comptes réglés» ; il nous arrivait d’oublier une dernière tournée ou de laisser une fille déçue sur le quai mais, une fois au large, les comptes étaient clairs, la page tournée.

À bord, nous parlions peu. Nous n’avions rien à dire sans doute ou bien les mots ne venaient pas. Mais il n’est pas besoin de paroles pour dire que nous aimions tous ce beau ciel étoilé où l’on a repéré la grande ourse ou Cassiopée, un beau so- leil levant ou couchant, une mer du large, rose, couverte de plancton, un rayon de soleil au travers d’une déferlante ou, par une nuit de printemps, le spectacle des hommes travaillant sur le pont.

Il arrivait aussi la nuit que, dans la lumière des projecteurs, des dizaines d’oiseaux de différentes espèces, viennent s’écra- ser sur les vitres de la passerelle ou les agrès de la mâture. Cette lumière, tout être vient à sa rencontre. L’homme la chérit encore plus car il la veut au dehors comme au dedans. Nous n’en parlions pas, nous étions bien.

Les années passaient avec leurs apports de connaissances ; beau temps et gros temps se succédaient.

Je me souviens d’un autre patron, aussi sûr que le premier qui disait «la mer n’aime pas ou ne garde pas les incompétents». Il nous rapportait, lors d’un coup de tabac «écoutez les gars, le bateau qui chante» ; c’est impressionnant, surtout de nuit, d’entendre les membrures d’un chalutier craquer, se plaindre. Quand il retombe plus ou moins bien dans un creux, parfois sur le flanc, tout frémit jusqu’à la quille. Une petite angoisse, la gorge sèche, un petit point au creux du ventre c’est peut- être cela la peur ? En ces moments j’ai vu des hommes se signer discrètement, pour ensuite se retrouver joyeux, bien vi- vants autour d’une «moke» de café géné- reusement mouillée de gnole du pays en se disant «ç’aurait pu être plus méchant».

Et les quarts ? Quart de jour, quart de nuit où l’on est seul avec la mer, maître du navire, les compagnons se reposant. On éprouvait un sentiment indéfinissable de pouvoir changer les choses à son gré…

Tel est ce métier avec ses doubles joies ; celle du retour : retrouver ceux qu’on aime, celle du départ, sentiment plus obscur d’indépendance.

Voilà ce que ressent encore un ancien marin pêcheur.

Je terminerai avec ces vers d’un grand navigateur :

«HOMME LIBRE, TOUJOURS TU CHERI- RAS LA MER»

Sylvain Rebeyrotte