Né le 26 mars 1674, Jérôme de Pontchartrain ne fut pas gâté par la nature. Petit, malingre, rendu borgne par une variole contractée en bas âge, il était d’un caractère difficile ; « un fagot d’épines » disaient de lui ses proches. Il faut dire que ses jeunes années ne furent pas entourées de tendresse. L’attention de ses parents était tout entière portée sur l’aîné, Louis, nettement plus flatteur et dont les parents attendaient beaucoup pour le prestige de la lignée. Malheureusement, celui ci mourut à 18 ans en 1686. Il revint au cadet de répondre à leurs attentes. Soumis à une éducation rigoureuse, il ne parvenait pas à obtenir la considération de son père, Louis de Pontchartrain, tandis que sa mère, Marie de Maupeou, inconsolable de la disparition de l’aîné, se lamentait de ses défauts et accablait « le pauvre enfant » de recommandations à propos de sa santé, funeste départ dans la vie.
Cependant Jérôme allait son chemin, recevant de Jacques de Tourreil (1656-1714), un ecclésiastique assidu des salons et distingué helléniste, une solide formation littéraire qui lui permit ultérieurement de nouer des amitiés durables dans le monde des lettres avec La Bruyère, Boileau, Racine, De Fontenelle pour ne citer que les plus proches.
Louis de Pontchartrain, soucieux du prestige de sa lignée, veilla à ce que son fils obtienne rapidement une charge. Ce fut ainsi que Jérôme de Pontchartrain fut nommé, à 18 ans, Conseiller au Parlement en mars 1692, puis, en 1693 membre du Conseil des Prises sous le haut commandement de l’Amiral de France, le comte de Toulouse. En dépit du ronflant de ces titres, Jérôme de Pontchartrain avait surtout un travail de secrétariat dont il s’acquittait avec fièvre et acharnement. Il avait à coeur de faire des notes précises, imparables sur des questions financières qui intéressaient Louis XIV au plus au point. Ce dernier, « arithméticien » et doué d’une mémoire redoutable n’aimait rien tant que les comptes précis et les notes circonstanciées du jeune Jérôme de Pontchartrain. A force d’acharnement, Jérôme, reçu enfin des billets de félicitations de son père et le roi le nomma, en décembre 1693, Secrétaire d’Etat Survivancier.
C’est alors qu’il entreprit de longues et épuisantes tournées afi n de dresser l’état du littoral en Poitou, Bretagne et Basse Bretagne et dans les provinces languedociennes. Dépêché au port de Saint Malo, alors assiégé par la flotte anglaise, il se fi t apprécier du Grand Vauban en charge de la fortification du littoral afi n d’aider les ports français à résister aux raids anglais. Là encore, ses mémoires et la pertinence de ses avis le firent accéder en 1699 aux charges de Secrétaire d’Etat à la marine et aux colonies au moment où son père fut lui-même nommé Chancelier, membre du Grand Conseil, ce qui allait lui laisser les coudées plus franches. Entre temps il avait épousé en 1697 Marie Christine de la Rochefoucault qui lui donna un fils, le futur Maurepas, (qui fut secrétaire d’état à la marine de Louis XV) et lui apporta la tendresse et l’estime qui lui avaient tant manqué enfant.
A ce nouveau poste, il se dépensa sans compter. On lui doit les fulgurantes percées de la marine française en Louisiane, au Canada, à Saint Domingue, dans les Iles Sucrières. Il remporta des succès sur la Royal Navy grâce à une politique avisée dotant le littoral d’ouvrages portuaires et d’une flotte performante. Il s’intéressa à la pêche hauturière, à Terre Neuve, tant il était convaincu (déjà) des correspondances fructueuses à établir entre les affaires militaires et le commerce. Depuis le système des rôles mis en place par Colbert, les équipages
de pêche étaient de véritables viviers pour la marine de guerre de sa Majesté. Enfin il encouragea les missions scientifiques et fit établir une cartographie si précise que le ministère de la marine anglais faisait acheter ses cartes à Paris. En 1714, Jérôme de Pontchartrain pris la décision d’allonger le vieux môle de Croix deVie. In extremis.
La mort de Louis XIV, le 1er septembre 1715 lui fut fatale.Le Régent renvoya Jérôme de Pontchartrain dans son domaine de Pontchartrain à 20 km de Paris. Il se passionna alors pour l’agronomie, augmenta et géra son domaine de 8 000 ha en le dotant des techniques les plus avancées pour l’époque, s’inscrivant déjà dans le siècle des lumières.
Michelle Boulègue
Sources : « Les Ponchartrain, ministres de Louis XIV- Alliances et réseau d’influence sous l’Ancien Régime »
par Charles Frostin- Presses Universitaires de Rennes.