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Bulletin 2018 Histoire Récits Mémoire

Un métier d’ange gardien

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Noëlle a sans doute été la dernière femme gardien de phare sinon la seule et la première à Saint Gilles- Croix- de- Vie lorsqu’elle eut à faire équipe avec Joël, son mari

Tout a commencé le 1er janvier 1970 quand celui- ci a été nommé aux services techniques à la Mairie de Saint– Gilles Croix -de -Vie. A ce moment-là, monsieur Pateau, titulaire du poste de gardien des Phares et Balises, venait de prendre sa retraite, laissant son poste vacant. Et voilà comment Noëlle, secrétaire comptable de son métier, s’est retrouvée nommée gardien de phare en échange du logement de fonction, des plus spartiates, situé sur l’éperon de Pontchartrain au bout duquel fut installé en 1852, en haut de ladite « tour Joséphine » le premier feu du port (Cf. ci-dessous « Les feux de Saint-Gilles-Croix-de-Vie »).

De fait, c’est le couple qui s’est retrouvé en charge des feux de Croix-de-Vie.

La fonction exigeait une telle disponibilité et des compétences si variées qu’un gardien, retraité, fut dépêché des Sables- d’Olonne, une semaine durant pour initier la nouvelle équipe qui engagea autant Noëlle que Joël, en plus des charges professionnelles de celui-ci.

Ils découvrirent ainsi les subtilités du réglage des horloges, selon la durée du jour, pour chacun des 4 feux du secteur (1). Ils apprirent à changer les manchons des lampes à gaz des feux de la Garenne et de la bouée de Pil’Hours, par tous les temps, à tout moment car l’exposition aux embruns en raccourcit d’autant la longévité. Changer les lampes du feu postérieur dit « Grand Phare », c’était d’embarquer dans l’ascension des 103 marches de son escalier en colimaçon. Il est vrai que la récompense d’une vue exceptionnelle sur le port et le grand large était à la mesure de l’effort.

Le gardien avait aussi la responsabilité de la mini- station météo installée dans le jardin du logement de fonction. Le gardien devait noter chaque jour l’orientation du vent, sa force, le niveau des chutes de pluie, de neige et de grêle. Les états, sitôt établis, étaient transmis à la station départementale de la Roche- sur-Yon. Ce jardin, hébergeait également un zoo, modèle réduit, composé d’un lapin, d’un canard et d’un goéland. A l’heure de la sieste, chacun s’installait sur sa marche de l’escalier menant à la mini-station de météo. Le spectacle ne manquait pas d’amuser les promeneurs.

Les émoluments accordés au gardien comprenaient, outre le logement, la jouissance d’un potager équipé d’un puits et clos de murs le protégeant des embruns. De fait deux ou trois marins, retraités dont Jojo Leblois, en ont assuré la culture avec une joviale efficacité. Ce jardin est aujourd’hui un jardin public qui permet d’apprécier une vue exceptionnelle sur le port tandis qu’un monument érigé en 2014 est dédié à la mémoire des marins péris en mer.

Le soir venu, le gardien entrait en fonction. Il commençait par faire une tournée des feux afin de s’assurer que tout était en ordre de marche pour la nuit. Une deuxième tournée s’effectuait vers 23 heures. Il y eut des nuits mémorables quand, rincé par la pluie, il fallut remplacer la lampe de Boisvinet par gros temps, cramponné aux derniers barreaux d’une échelle glissante arrosée par les vagues qui se ruaient sur le bout de la jetée. L’exercice était tout aussi périlleux au feu de la Garenne dont l’accès à l’échelle en place nécessite de lui accrocher une échelle mobile qu’il fallait récupérer dans le local des Phare et Balises de la Garenne et la porter à l’épaule jusqu’au bout de la jetée quand les vents d’efforçaient de la prendre par le travers. Une nuit, il fallut remplacer le manchon de la lampe à gaz. C’est alors que le corps plié en deux sur le haut de la rambarde de la plateforme, le visage juste au-dessus du brûleur, l’opérateur enflamma le gaz accumulé en approchant l’allumette, se grillant la face sur le champ tandis qu’une manche de son duffle-coat s’enflamma. Remis de ses émotions, Joël revint à la charge car il fallait coûte que coûte assurer le bon fonctionnement du balisage de l’entrée du chenal, surtout par gros temps. Cette fois- ci le diable était de la partie car à la deuxième tentative les gaz s’enflammèrent à nouveaux ! A grands coups de pédales, il a battu ses records de vitesse pour faire le tour du port et alerter de toute urgence Radio Conquet (ce pouvait aussi être Radio Saint- Nazaire). Immédiatement, l’opérateur de permanence informa les navires en mer car la portée des feux de secours était moindre. La situation était particulièrement périlleuse quand le feu de secours n’avait pas pu être mis en marche. Dès le lendemain un électromécanicien intervint sur place. Mais c’étaient les jours et les nuits de brume que le gardien était en alerte. Souvent les gardiens de phare de Noirmoutier et de l’île d’Yeu, voyant la brume arrivée avant lui, l’en prévenait aussitôt. Il fallait que les feux soient visibles. Pour s’en assurer par temps de brume il fallait aller sur place et cela plusieurs fois nuit et jour pour s’en assurer. Il fallait aussi que la corne de brume fonctionne aussi longtemps que les feux n’étaient pas visibles. Le système était activé par la réception, sur le réflecteur situé sous la fenêtre de la façade du feu intérieur, de faisceaux lumineux émis respectivement depuis le poste technique de Boisvinet et du local des Phares et Balises de la Garenne.  Le maintien en état de marche nécessitait de changer toutes les deux heures les convertisseurs situés dans le local technique de Boisvinet dont l’accès était aussi un lieu de rencontre. Une nuit, Noëlle s’y fit agresser.

Remplacé depuis par un système électronique, l’ancien dispositif est encore repérable. Pour preuve, cette année, un oiseau malin a installé son nid sous l’auvent en zinc qui abrite la lunette du local et la Garenne. Il pouvait arriver que la corne de brume s’active par temps clair. Le responsable était souvent un goëland juché sur la lampe et l’occultant. D’autres farceurs pouvaient inquiéter Joël. C’est ainsi qu’un matin il remarqua que le feu de la Garenne avait changé de couleur. Rendu sur place,  il découvrit que dans la nuit on avait tiré sur les durites d’alimentation de gaz et que la réserve annuelle de gaz liquide s’était répandue, se gélifiant sur les flanc de la bonbonne en l’encroûtant de blanc.

Les années passant, les feux d’alignement et d’horizon, virent leurs secteurs partiellement occultés par les constructions comme les immeubles  « Merlin ». C’est alors que le feu dit de « Grosse Terre » fut édifié en 1972, sur la Corniche et placé, lui aussi , dans le périmètre de vigilance du gardien de phare.

En 1991, Joël put prendre sa retraite mais dut rester gardien des feux de Saint-Gilles-Croix-de-Vie jusqu’à ce qu’en 1996, les feux soient dotés de cellules photoélectriques s’allumant automatiquement à la tombée du jour et s’éteignant au jour levant. Dans le même temps, les nouvelles lampes à iode ne nécessitèrent plus un remplacement aussi fréquent.

Mission accomplie pour le gardien des feux de Saint Gilles Croix de Vie.

Aujourd’hui, Joël resté seul à se souvenir, garde en lui un profond respect pour les gens de mer, tant il a eu à approcher, si modestement soit- il, les dangers de leur métier.

Michelle Boulègue à partir du témoignage de Joël Craipeau et des archives personnelles de Bernard de Maisonneuve.

(1) Il s’agissait des deux feux d’alignement situés en face de l’actuelle Mairie et rue Henri Raïmondeau ainsi que des feux de la Garenne et de Boisvinet (situés respectivement au bout des jetées de même nom)
Bulletin 2018 Histoire Récits Mémoire

Les croix hosannières

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Devant l’église d’Apremont

A l’instar des calvaires, des croix de missions et des lanternes des morts, une croix est dite hosannière, car depuis le Moyen Age, on y venait en procession le dimanche des Rameaux pour chanter « l’hosanna », qui est un cri de joie glorifiant Dieu.

Le terme « hosanna » est d’origine hébraïque. Il commémorait, au 1er siècle, l’entrée de Jésus à Jérusalem, le jour des Rameaux, accueilli par la population avec des branches de palmiers en disant «  hosanna », qui est une exclamation de joie et de bienvenue.

Les croix hosannières sont des monuments funéraires, construits dans les cimetières, à partir du Xème siècle dans l’ouest de la France, principalement en Vendée et en Poitou- Charente. Elles sont constituées d’un soubassement circulaire en gradins sur lequel repose une colonne surmontée d’une croix. Elles dominaient, à l’origine, généralement une fosse commune ou un ossuaire.

Si, pour certaines croix, la colonne est un simple fût cylindrique, d’autres sont parfois munies d’une tablette ou d’un autel permettant de poser l’évangile pour célébrer les offices, comme celles d’Apremont, Boufféré, Maché, Maillezais, Moutiers-les-Mauxfaits, Réaumur, Soullans. Celle de La Jonchère a sa colonne semée de fleurs de lys, d’hermines et de L, couronnés, elle sert aujourd’hui de monument aux morts. A la Chapelle-Thémer des statues sont taillées dans la base de sa colonne, cette croix serait la plus ancienne de Vendée et daterait du XIIIème siècle. Celle de Saint-Gervais est datée du XIVème siècle.

D’autres communes de Vendée possèdent aussi des croix hosannières : Bournezeau, Foussais-Payré, Les Châteliers-Châteaumur, La Merlatière, Le Poiré-sur-Vie, Mervent et Saint-Gilles-sur-Vie.

N’avez-vous pas remarqué, girases et giras que votre cimetière en possédait une ? Il est vrai qu’avec les années cette croix en pierre très tendre a subi les atteintes du temps et n’est plus aujourd’hui qu’un fragment de colonne défiguré et indéchiffrable.

Pourtant elle était magnifique à son édification avec, à sa base, les  sculptures symboliques des quatre évangélistes : l’homme ailé pour  Matthieu, l’aigle pour Jean, le taureau pour  Luc et le lion pour Marc.

Quant à la croix posée en son sommet, cela n’est qu’un rajout postérieur. La pierre utilisée n’est d’ailleurs pas de la même composition que le reste de la colonne.

Au cimetière de Saint-Gilles-Croix-de-Vie

Comme celle d’Apremont, elle figure sur le rouleau du même nom de Jean-Baptiste Florentin réalisé en 1542, pour le propriétaire du château d’Apremont, Philippe Chabot de Brillon. Ces deux croix hosannières seraient donc antérieures à la réalisation de ce plan, présentant la Vie, de son embouchure au château d’Apremont, avec la représentation des villages sur ses rives.

La grande majorité de ces croix hosannières font partie de notre patrimoine et sont inscrites au titre des Monuments Historiques.

Pierre Para

Bulletin 2018 Histoire Récits Mémoire

Gabriel Maratier, homme de conviction.

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Gabriel Maratier en 1931

Ils se font face. Comme deux musiciens s’apprêtant à interpréter une partition en duo se dit Gabriel.

L’image le fit sourire tandis qu’il lançait un coup d’œil de connivence à Fernande qui le fixait de ses yeux si bleus qu’il en était décontenancé à chaque fois. Il se raidit, durcissant l’expression de son visage. « Pas commode le nouveau maître !» se dirent les grands qui le regardaient intensément, les bras croisés, figés, dans l’attente de ce que leur réservait ce premier jour de rentrée. Les petits étaient déjà sous le charme de la douceur de Fernande qui tout au long de sa carrière ne laissa aucun de ses élèves quitter sa classe sans savoir lire, sauf deux récalcitrants, à son grand regret.

En ce premier octobre 1921, les Maratier inauguraient leur carrière d’instituteur à Givrand. Une même et seule salle de classe pour les grands et les petits. Afin de concilier des enseignements différents et cependant simultanés, ils avaient organisé les pupitres de façon que leurs élèves respectifs se tournent le dos tandis qu’eux- mêmes se faisaient face afin de s’accorder d’un seul coup d’œil, selon le rythme et le contenu de leurs enseignements, alternant les travaux silencieux avec les explications au tableau.

Le 24 septembre 1919, ils s’étaient mariés à Saint- Martin- des- Noyers. Gabriel, juste démobilisé, avait rejoint Fernande en 1921à Givrand où elle avait été affectée pour son premier poste d’institutrice. Lui-même, nommé à Saint Gervais, avait fait tant et si bien qu’il venait d’être nommé directeur de l’école primaire de Givrand.

Tout promettait à Gabriel la carrière d’instituteur qui s’ouvrait.

Né le 27 mai 1899 d’un père, ébéniste, et d’une mère, couturière à façon puis commerçante, il baigna dès l’enfance ainsi que son jeune frère, Pierre, dans un milieu laïc et républicain qui mettait la formation des esprits au rang de vertu et plus encore l’aptitude à s’affranchir des idées toutes faites. Aux leçons de vie administrées en famille, au fil des faits et gestes ayant pour théâtre Saint- Martin- des- Noyers, s’était ajouté le vigoureux enseignement d’un hussard de la République, Anselme Roy qui lui fit obtenir en 1911 son certificat d’étude haut la main et décida de sa vocation future : « il sera instituteur !».

Elève brillant, avec une prédilection marquée pour les sciences, l’histoire et la géographie, doté de l’oreille absolue et d’une robuste constitution, Gabriel qui avait été reçu au concours des bourses départementales, élargit son horizon des connaissances à l’école primaire supérieure de Chantonnay de 1911 à 1915 où il prépara avec succès le concours d’entrée à l’Ecole Normale des garçons de la Roche- sur- Yon dont il sortit avec le brevet supérieur en 1918. Son père était déjà sous les drapeaux depuis 4 ans. Sitôt diplômé, Gabriel avait rejoint son régiment à Issoudun puis gagné la ligne de front dans les Vosges. Cette période le plaça sous le signe du maniement des armes mais aussi de la musique tant ses aptitudes en ce domaine le firent repérer par ses supérieurs tout comme un autre soldat, l’abbé Coumailleau avec lequel il noua une amitié durable.

Rendu à la vie civile en 1921 il retrouva les terrains de jeu de son enfance et sa jeune épouse, une fille du pays. Il se connaissait de toujours. Fernande, pupille de l’assistance publique avait été élevée dans une famille d’accueil des Essarts et passait ses vacances à Saint- Martin- des- Noyers. Elève douée et sérieuse, son institutrice avait convaincu l’administration de lui donner sa chance en lui faisant préparer le concours d’entrée à l’Ecole Normale des jeunes filles de la Roche- sur- Yon.  Gabriel n’avait pu échapper au charme de Fernande, douce et jolie et surtout auréolée du prestige, rare à l’époque, d’être diplômée de l’Ecole Normale.

Le couple d’instituteurs devint rapidement un pilier de la vie de Givrand. Gabriel était passionné de chasse et de pêche où il excellait, se régalant de tout ce que la nature lui apportait d’enseignement dont il faisait son miel auprès de ses élèves toujours heureux de troquer des heures de classes pour des leçons en plein air.

Bientôt les Maratier eurent la joie d’accueillir Lucette, née en 1922. Les contraintes de leur métier firent apprécier à ces laïcs de confier leur fille à la sacristine « Baptistine » qui ne manquait pas un office religieux avec la pouponne.

En 1930, la mort de Monsieur Maratier père, vaincu par la tuberculose fit envisager au couple de s’installer aux Sables d’Olonne pour y rejoindre la mère de Gabriel. Ce dernier venait d’ailleurs d’obtenir le poste de directeur de l’école primaire du Centre aux Sables- d’Olonne, quand l’inspecteur primaire en décida autrement en le réaffectant au poste de directeur de l’école des garçons de Croix- de- Vie, que Monsieur Pontoizeau , titulaire du poste dut laisser vacant, lui-même très affaibli par la maladie.

1931 vit donc les Maratier s’installer à Croix- de- Vie, Gabriel en qualité de directeur de l’école primaire et Fernande, institutrice à Saint Gilles en charge des classes de CP et de CE1. L’autorité indiscutée de Gabriel s’ajoutait à ses enseignements novateurs faisant de la nature le cadre privilégié de ses classes dès que le temps le permettait,

Passionné par tout ce qui touche au vivant et instruit des lois de la nature, Gabriel Maratier y puisait des leçons de vie pour lui-même et ses élèves sans manquer de leur inculquer vigoureusement les règles de vie en société que le sort humain exige de voir respecter pour survivre. Un jour de rentrée deux « grands » en vinrent aux mains dans la cour de l’école, bafouant la discipline s’imposant en ces lieux pour faire entendre d’autres lois que celle du plus fort. Gabriel Maratier retint les enseignants voulant les séparer et laissa le pugilat se dérouler. Le vainqueur n’eut pas le temps de savourer son succès. Déjà Gabriel Maratier était sur lui et lui infligea une punition publique rappelant à tous que l’école n’était pas la rue et qu’en ces lieux, les maîtres étaient l’autorité en charge de faire respecter les règles de la vie en société permettant de vider un différend autrement qu’en s’empoignant. Les anciens se souviennent encore de cette leçon sans parole qui faisait dire que le Maitre était dur mais juste.

C’était aussi un homme de cœur. Il suffit pour s’en convaincre de lire les quelques lignes écrites sur une feuille de cahier pliée en quatre que Gabriel Maratier lut devant tout le village réuni le jour des obsèques de trois de ses élèves tués un jeudi après-midi de 1945 par un obus découvert dans une casemate à Grosse Terre. Sans grandiloquence, il adressa d’abord aux parents des paroles chaleureuses de consolation puis, appelant chacun des enfants par leur prénom il sut, le temps de quelques mots, leur redonner leur vie de mômes et d’écoliers occupés aux choses de l’enfance quand le pire allait désormais laisser leur place vide sur les bancs de l’école.

Sa réputation d’enseignant, craint et respecté tant des parents que des élèves lui valut, en 1945, de se faire nommer directeur du cours complémentaire par Edmond Bocquier, alors inspecteur d’académie. L’estime que se portaient les deux hommes amena Edmond Bocquier à collaborer avec Gabriel Maratier à des recherches en paléontologie et à l’élaboration d’une collection de minéraux dont Gabriel, plus tard, fit don au Cours Complémentaire de garçons (futur CES Garcie Ferrande de Saint Gilles Croix de Vie). Gabriel Maratier, collectionneur passionné, rassembla de riches collections de papillons, et de coquillages que ses anciens élèves, devenus marins, se faisaient un plaisir de lui apporter ou de lui envoyer des quatre coins du monde.

Gabriel Maratier en 1970

De fait, le vivant sous toutes ses formes enthousiasmait Gabriel mais aussi la culture. Le besoin d’échange l’amena à mettre sur pied pendant l’occupation dans les années 1940 avec quelques complices, dont Madame Roland, chanteuse à Paris et Georges Adet, comédien, une revue locale très suivie et appréciée qui faisait alterner des scénettes enlevées et des pièces musicales. Ainsi les habitants découvrirent-ils les talents de flutiste de Gabriel Maratier et du pianiste, André Bristiel, diplômé du conservatoire de Paris et tout aussi conchyophile que lui, souvent consulté ainsi que son fils et sa petite fille tout aussi incollables.

Homme d’engagement et de conviction, ennemi de toute forme d’obscurantisme, Gabriel Maratier ne craignait pas d’être abrupt avec ses élèves et son entourage auxquels il apportait en retour son enthousiasme pour la vie qui irradiait sa pratique professionnelle et ses amitiés.

 

 

Michelle Boulègue à partir d’un entretien avec Catherine Croizé, petite fille de Gabriel et Fernande Maratier

Illustrations issues des archives familiales de Gabriel Maratier

Un élève se souvient :

Gabriel Maratier avait ses méthodes pour faire régner la discipline.
– L’indiscipliné était enfermé sous le bureau comme dans une niche et son immobilité était exigée et obtenue en tapant énergiquement des pieds si nécessaire.
-Un matin un élève est arrivé en retard au prétexte qu’on lui avait volé son vélo. Gabriel Maratier jeta un coup d’œil par la fenêtre et, la marée étant basse, il décida d’emmener la classe sur le port.
-«  On va voir si ton vélo est dans le port et s’il y est ça pourrait bien être toi qui l’y aurait envoyé ! »
De fait le vélo était bien dans la vase du port et l’élève avoua en être le responsable pour expliquer son retard.
-«  Je vais prévenir tes parents et tu n’es pas près d’avoir un vélo, je t’en fais la promesse ! ».

 

André Bristiel raconte :

« Un jour d’été, il faisait une chaleur éprouvante, j’ai vu arriver Gabriel Maratier hors d’haleine et cramoisi sous son chapeau. Il venait d’une traite avec un paquet volumineux sous le bras qu’il développa. C’était un cyprea arabica de bonne taille et d’une couleur inhabituelle que venait de lui envoyer un correspondant de la Nouvelle Calédonie. Les eaux à forte teneur en nickel pouvaient expliquer l’aspect étrange du coquillage. Il tenait absolument à discuter avec moi de son identification ; attendre, plus longtemps, un meilleur moment n’était pas supportable pour lui ».

 

Charles Grasset, son petit- fils n’oubliera pas !

Lors d’une partie de chasse, Charles, alors âgé de 8 ans, entendit son grand père, Gabriel lui intimer l’ordre de rester les jambes écartées et de ne pas bouger. Le gamin sentit éclater une décharge de plomb entre les mollets. Son Grand Père venait de pulvériser une vipère d’un coup de fusil impeccablement ajusté.