Bulletin 2013 Histoire - Récits - Mémoire

Les rues racontent notre histoire

Les noms des rues disent la volonté d’une collectivité à se faire gardienne de son histoire et à honorer la mémoire des femmes et des hommes de bonne volonté qui l’ont servie.

La rue de la garance évoque un moment oublié de la vie économique locale.
Hélène Boulineau à qui nous devons des travaux toujours pertinents sur notre histoire locale nous raconte que l’arrivée de la Garance à Croix de Vie coïncide avec celle de M Guillaume- Henri Ingoult à Sainte Croix de Vie vers 1740. Tout juste nommé directeur des garancières du Bas Poitou par les Manufactures Royales de garance, il venait des environs de Montpellier et connaissait bien les techniques de la culture de cette plante récoltée dans le Sud, surtout en Provence. A Croix de Vie, les graines étaient stockées quai des greniers, également appelé quai de la garance. Une rue étroite, reliant actuellement la rue de la Roussière au quai des greniers le rappelle. Elle longe un très ancien entrepôt construit en pierres de lest de navire qui fut peut-être utilisé pour la commercialisation de la garance.

Rue Jean Ingoult

Rue Jean Ingoult

G.H Ingoult, en sa qualité de lieutenant de brigades dans les fermes du roi, s’était porté acquéreur de plusieurs journaux* de terre sableuse, gagnés sur les marais de Besse. Il avait réalisé cette opération à la demande et avec l’aide de M. Blassac, intendant du Poitou, dans le but d’y implanter une pépinière royale de garance. A l’époque, la teinture rouge extraite de la garance était utilisée par les manufactures d’indienne* bretonnes et nantaises mais aussi par les fabriques plus modestes de Fontenay le Comte. Cette production pris vite de l’extension et contribua à développer le commerce maritime du port au point que le 12 septembre 1782, un bateau de Saint Gilles embarqua 1097 livres de garance pour Nantes. Toutefois, G-H Ingoult ne parvint pas à convaincre les paysans locaux à se lancer dans cette culture qui fit la fortune de la Provence. Il multiplia en vain des annonces alléchantes dans les Affiches du Poitou allant jusqu’à proposer « gratuitement 143 livres de graines et 15000 plants à qui lui apporterait les ordonnances de Monsieur l’intendant ».G-H Ingoult se heurtait à la méfiance des paysans pour une plante mal adaptée au climat océanique et exposée à une série d’épizooties dans les années 1780.
Outre la sensibilité de cette plante aux aléas climatiques, son industrialisation se heurtait à des revirements de la mode, contrairement aux cultures vivrières aux débouchés davantage prévisibles. Finalement, le directeur de la pépinière royale échoua à créer une filière économique qui outre la culture aurait dû entraîner la construction, en nombre, de moulins à broyer les racines et susciter la maîtrise de techniques tinctoriales.
Jean Ingoult, son fils, agronome, avait eu le temps, aux côtés de son père de bien connaître les ressources locales et de s’imprégner des mentalités. Il se lança parallèlement, avec plus de succès dans la fabrication de la soude à partir des cendres de goémons. Le marché estimé portait sur la fourniture annuelle de 200 livres de soude. Il avait convaincu son père des perspectives fructueuses que pouvait réserver cette exploitation. Ce dernier recruta donc trois journaliers demeurant au village des Bussoleries pour récolter et transporter à leur frais, au domicile du sieur Ingoult, des cendres payées «20 livres par milliers fournis».
Jean Chrysostome, fils de Jean Ingoult, prendra la relève, mais le marché qu’il prit pour 7 ans avec des habitants de Saint Hilaire sera payé 10 livres par milliers et 16 en cas de paix. Acheminée par bateau vers Nantes, cette production devait souffrir du blocus anglais. Le goémon était sans doute brûlé sur des terrains situés dans l’actuel quartier de la Soudinière. Jean Chrysostome fut plus commerçant qu’agronome. Il mettra fin à la pépinière de la garance au profit de l’exportation de la soude ainsi que du sel et des céréales. Il se fera importateur de bois, très recherché par les chantiers de construction navale implantés à Croix de Vie. Il fut aussi un grand acquéreur de biens nationaux : marais salants, près d’élevage et terres céréalières. Il confirma son enracinement dans la commune en épousant le 24 février 1778 Marie Françoise Louise Grelier, fille de feu JB Grelier et de Thérèse Louise Desloge. Son fils, Jean excella comme armateur. Il fut un défenseur inlassable des intérêts du port et l’instigateur des aménagements nécessaires à son développement. Il fut le deuxième maire de Croix de Vie qui honora sa mémoire en lui dédiant la rue Jean Ingoult.

Maison qui fut habitée par le Docteur Marcel Baudouin - Rue Marcel Baudouin

Maison qui fut habitée par le Docteur Marcel Baudouin – Rue Marcel Baudouin

La rue Marcel Baudouin du nom de son petit fils passionnément attaché à la cité et à son histoire dota celle-ci d’une documentation historique exceptionnelle rassemblée pour l’essentiel au musée de l’abbaye Sainte Croix aux Sables d’Olonne. Il prit l’initiative, impardonnable aujourd’hui et que seule son époque pouvait permettre, de déraciner le menhir «des tonnelles» (Saint Hilaire) pour l’implanter sur son caveau de famille dans l’espoir que cette concession perpétuelles, au cimetière de Croix de Vie préserverait ce témoin de la préhistoire locale de la désinvolture des temps futurs. C’est de fait, le seul monument répertorié de la commune. Ces deux rues, racontent à elles seules l’histoire d’une dynastie locale.

* Sources : Boutier Jean Claude : mémoire de master 1 recherche histoire sous la direction de Monsieur Guy Saupin
* Unité de surface correspondant à ce qu’un homme peut labourer, à force de bras, en une journée.
* Toile de coton peinte ou teinte fabriquée initialement en Inde.

1 comment

  1. PENAUD Michel

    Intéressant, mais verra-t-on un jour un répertoire des rues de St-Gilles, notamment de celles qui portent des noms propres, et de leurs noms successifs avec explications? Exemple la Grand’rue devenue rue Torterue, ou la rue du Bois devenue (sur sa partie basse) rue du Port Fidèle, et des places (place du château devenue place de la République). Il doit bien y avoir des archives à ce sujet (la consultation des recensements en fourni quelques éléments).
    Cordialement

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