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Bulletin 2020

ROUE PÔLE-HOMME

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par Pierre Garcie dit Ferrande
Le Grant Routtier (1483 – 1502 – 1520)

 

 

Roue Pôle-Homme de Pierre Garcie – 1520

Lorsque j’ai commencé, en 2010, à transcrire le texte de Pierre Garcie dit Ferrande, je savais que la figure qu’il représentait à la page 5 du Grant Routtier (1520) était encore une énigme. Puis un événement fortuit m’a conduit à Lisbonne où j’ai pu relier cette représentation à la Roue Pôle- Homme, représentée au Musée maritime portugais.

Suite à la publication de l’ouvrage, «Pierre Garcie dit Ferrande – le routier de la mer, v.1490 – 1502 – 1520», CRHIP – 2015, de nombreuses questions m’ont été posées sur cet instrument de navigation, son origine, son utilisation. Aussi, ce premier document (deux autres suivront en 2021), tente d’y apporter quelques réponses, en particulier l’inscription de Pierre Garcie dit Ferrande au cœur de la science nautique des XVe et XVIe siècles.

Pierre Garcie, Le Grant Routtier, 1520  [J’ai] composé et [je tai] envoyé le présent livret,  qui  t’apprendra  à  reconnaître  et conntre  les  noms  des  vents  et  leurs rumbs, en présupposant toutefois que tu saches, toi ou un autre, distinguer [le cycle de] la Lune [de celui] du Soleil. Le Soleil et la Lune sont les guides et gardiens de tous les  braves  compagnons  qui  voguent  et naviguent à travers les ondes innombrables de la mer. Toutefois, bien que le Soleil et la Lune te permettent de reconntre et conntre les heures – le Soleil, de jour et la Lune, de nuit – j’ai voulu te donner à savoir et reconntre sans voir ni Soleil ni Lune lheure de minuit et l’aube du jour.

S’ensuit la figure qui apprend à reconntre et savoir les heures de nuit, c’est-à-dire minuit et l’aube du jour, sans Soleil ni Lune ni compas, et sans horloge mesurant les heures ou les demies, avec les noms et les rumbs des vents, ce qui est une chose très délicate et nécessaire pour l’habile et ingénieux métier de la mer.

La    Roue    Pôle-Homme,      instrument marinisé au XVe   siècle, offre au marin un cadran des heures, un cadran aux étoiles,  un  cadran  compas,  un  cadran solaire,  un  cadran  lunaire,  un  cadran des marées, avec leurs Règlements. Pierre Garcie dit Ferrande, né à Saint- Gilles-sur-Vie en 1441, est un des tout premiers marins  scientifiques qui initie la  communauté  maritime  française  à une navigation à l’estime avec un apport de l’astronomie.
Il engage ainsi une génération de marins vers la navigation hauturière.

Le Grant Routtier, que Pierre Garcie dit Ferrande termine en 1483, est publié en 1502 et 1520 jusqu’en 1662. Il donne à la communauté maritime française le moyen de naviguer au large. Pierre Garcie rappelle l’importance de cette avancée scientifique maritime : com- ment naviguer sans voir la terre et sans instrument de marine autre que la Roue Pôle-Homme. Cet instrument, marinisé à la fin du XVe siècle au Portugal, permet de se positionner avec ou en l’absence de quadrant et de compas, de vérifier le temps avec ou en l’absence de sablier (horloge), de calculer l’âge de la Lune et des marées.

une science appliquée

Le XVe siècle est une période charnière pour la navigation côtière. Celle-ci prend son essor vers le large grâce à l’avancée scientifique. Elle va bénéficier de deux apports, celui du monde arabe et celui du Portugal (dont Christophe Colomb, 1451 – 1506 est l’éclatant témoignage). Les méthodes des  navigations  arabes et occidentales ne sont pas des copies identiques. Elles ont, cependant,  le point commun d’être le résultat d’une collaboration entre des scientifiques et des marins. La transmission des savoirs scientifiques est affaire de savants, alors que la transmission des techniques est affaire de professionnels. Pierre Garcie dit Ferrande (1441-1502) est un marin français et un savant qui expérimente cette science. Il en fera un trésor avec le premier routier européen, Le Grant Routtier – 1483 et 1520, viatique indispensable pour tous les marins européens jusqu’au milieu du XVIIe siècle.

de la navigation

En raison de l’influence directe des contraintes naturelles, comme le  vent, les tempêtes, les marées, le navigateur a essayé de s’affranchir de la navigation à vue de terre par des méthodes empiriques. La navigation  à  l’estime lui a permis d’augmenter son domaine d’action.  L’estime  est  la  méthode  de navigation qui consiste à déduire la position actuelle du navire  à  partir  de sa route et de la distance parcourue depuis sa dernière position connue. Elle peut être résolue par le calcul ou par un graphique, mais seule la deuxième solution est accessible au navigateur médiéval, précisément grâce au portulan ou carte marine sur lequel le navigateur va reporter par un graphique tous les changements de route induits par les diverses manœuvres engendrées par les sautes de vent. Si le premier problème du navigateur : savoir quelle direction prendre est résolus par la boussole et le routier ou bien par catalogue des routes usuelles, c’est grâce à l’estime que l’on va résoudre ceux afférents au contrôle de cette route. C’est une méthode de calcul du point en fonction de deux paramètres mesurés : le cap et la distance. Ce sont ces deux  avancées qui ont permis d’élaborer le compasso, ou routier C’est un catalogue de directions et un catalogue de distance. Le Routier de la mer de Pierre Garcie s’inscrit dans cette démarche.
Il était alors temps de faire appel à la recherche appliquée. Et c’est le début de la navigation astronomique. Dès qu’il a fallu s’éloigner des côtes, le repère naturel pour les navigateurs a été le ciel avec ses astres : le Soleil, la Lune, les étoiles de la voûte céleste.
Le Routier de la mer de Pierre Garcie précise aux marins, pour la première fois en Europe, l’utilisation d’un instrument nautique, la Roue Pôle-Homme, qui permet le positionnement à partir des astres. Il peut alors confirmer ou infirmer les repères, amers, sonde, courant, rhumbs et distances pour recaler sa position estimée en vue de terre à intervalles réguliers.

étude du creuset portugais

Taqi al-Din al-Shami al-Assadi … de l’Observatoire de Galata, fondé en 1557 par le sultan Soliman.

Jusqu’au milieu du XIIIe siècle, la Roue Pôle-Homme est  inventée  à  partir des  réflexions  arabes  sur  l’astrolabe, instrument qui permet le calcul, à terre, de la latitude d’un  lieu  pour  implanter un lieu religieux et du calcul de l’heure nocturne pour  rythmer  les  prières. Les plus anciens textes en latin sur l’astrolabe paraissent provenir de l’abbaye de Ripoll ; ils sont contenus, en particulier, dans un manuscrit copié au Xe  siècle dans cette abbaye.
Une  seconde  période,  à  partir  de  la deuxième moitié du XIIIe siècle est caractérisée par le nombre et l’intérêt de nouvelles recherches, par la diffusion inouïe de  certains  instruments,  bref une période d’expansion directement liée au rôle joué par tout ce matériel dans l’enseignement universitaire, plus particulièrement au Portugal, lieu privilégié où la transmission de cette science  des  Arabes  vers  l’Occident est la plus évidente. C’est ce problème qui était à l’ordre du jour au Portugal à la fin du XVe  siècle et qui fut étudié et résolu par la Junta dos matematicos, avec le Règlement de Munich et celui d’Évora [Regimento do estrolabio e Tractado da Spera do Mundo], traitant dans un texte élémentaire, accompagné de tables approximatives de la plus grande simplicité, la méthode de calcul des latitudes par la hauteur du Soleil. Ces tables ont comme point de départ l’Almanach perpetuum (1473 à 1478) de Zacuto. L’examen de ces œuvres remarquables nous montre de combien les marins portugais devançaient leurs concurrents espagnols dans l’art de la navigation, au moment même où les deux peuples se disputaient la division du globe.
Le Routier de la mer de Pierre Garcie est le premier document français qui décrit, dès 1483, ces avancées scientifiques nautiques nécessaires pour la navigation au large.

étude des instruments

Avant  le  XIVe    siècle,  les  instruments d’astronomie sont établis pour un usage à terre. Les arabes, puis les portugais, cherchent à les mariniser. La vraie nou- veauté   des   marins   portugais   réside dans les instruments utilisés : l’astrolabe nautique,      le     quadrant      nautique, l’arbalestrille, la Roue Pôle-Homme. L’astrolabe,   qui   mesure   la   hauteur du  Soleil,  sera  adapté  en  mer  sous une   forme   très   simplifiée,   l’astrolabe nautique, (en bois au début). En raison du  roulis  et  de  la  difficulté  d’observer le  Soleil  directement,  il  sera  utilisé  à terre,  à  l’escale.  Le  marin  utilise  aussi l’arbalestrille ou bâton de Jacob que l’on utilise sur le bateau lorsque la mer est calme et sans houle.

Mais il est un instrument ancien, utilisé par les religions pour définir la latitude des lieux Saints et l’heure nocturne : la Roue des heures (futur nocturlabe). Les astronomes vont offrir aux  navigateurs un instrument marinisé, la Roue Pôle- Homme, avec une  méthode  pratique et largement utilisée pour repérer le passage de l’Étoile Polaire au méridien inférieur ou au méridien supérieur.

Pierre Garcie dit Ferrande un marin français moderne

Le Grant Routtier de Pierre Garcie dit Ferrande est le premier manuscrit fran- çais qui explicite, dès 1483, imprimé en 1502 et 1520, l’utilisation de la Roue Pôle-Homme. Cet ensemble permet de calculer l’heure nocturne, la hauteur de la Polaire et par déduction la latitude du lieu, puis de calculer l’âge de la Lune en vue de définir l’établissement d’un port. Cette base scientifique sera, dès le XVe siècle à l’origine des documents obliga- toires à bord de tous  les  bateaux  : les Pilotes ou l’Almanach nautique, actualisés jusqu’à ce jour.

la roue Pôle-Homme de Pierre Garcie, un cadran des heures

La Roue Pôle-Homme est un cadran des heures qui est étalonné en 24 heures par l’aiguille céleste : Étoile Polaire > Gardes.
Pierre Garcie annonce un instrument nautique, en l’absence de sablier (horloge), quadrant (compas) et boussole (compas). Cette Roue Pôle-Homme présente une roue de 24 secteurs, utilisée comme 24 heures pour la couronne extérieure (2 fois 12 heures) et 24 quinzaines de jours pour la couronne intérieure avec un corps humain au centre. Le sens est direct d’est en ouest, (sens inverse des aiguilles d’une montre).

figue 1

En Atlantique, un marin qui veut calculer l’heure la nuit du 15 février 1520 met la Roue Pôle-Homme face à soi (figure 1), contrairement à une utilisation normale d’une rose des vents qui est  placée  horizontalement  pour  les mesures d’angle. Du point de vue astronomique, et contrairement à une carte terrestre,  vous  observez  des  objets situés au-dessus de vous et non en des- sous : d’où le fait que l’est et l’ouest sont respectivement à gauche et à droite ; le haut est le sud et le bas est le nord.  Si on observe le ciel on constate que les  étoiles  tournent  autour  du  Pôle, de la droite vers la gauche, quand on les  observe,  face  au  nord  sous  nos latitudes. Le Soleil et la Lune tournent, quant à eux, de la gauche vers la droite toujours dans l’hémisphère nord, mais on les observe face au sud. Pourtant le  mouvement  apparent  des  astres étant  dû  à  la  rotation  terrestre,  les astres  tournent  d’un  même  mouve- ment  dans  l’espace,  c’est  la  position de  l’observateur  qui  les  fait  paraître changer de sens. Il faudrait spécifier chaque  fois  la  position  de  l’observateur : face au sud ou face au nord ; les explications deviennent alors pénibles. Pour y remédier, on prend pour repère cet homme de la Roue Pôle-Homme, épinglé  sur  le  Pôle  Nord  céleste  et qui regarde donc toujours vers le sud et on parlera de la position d’un astre en disant qu’il est dans le bras droit ou bien dans le bras gauche. La Polaire étant  au  nombril  du  bonhomme,  le méridien coupe l’horizon par les pieds au nord et dans le prolongement de la tête au sud. On sait désormais de quoi  on  parle  d’une  façon  simple.  Il s’agit donc d’une simple convention de signe exactement comme on a inventé tribord et bâbord qui sont des directions repérées par rapport à l’avant du navire, alors que les mots de droite et gauche sont un repérage par rapport à l’observateur.

la roue Pôle-Homme de Pierre Garcie, un cadran compas aux étoiles

Pierre Garcie propose le calcul de la hauteur de l’Étoile Polaire,  Polaris,  et de sa déclinaison au Pôle Nord, avec la Roue Pôle-Homme utilisée comme quadrant.

  • la première couronne de 8 vents représente 360°, étalonnée par quart de 1 vent = 45° 
  • la deuxième couronne de 24 quarts représente 360°, étalonnée par quart de 15° 
  • la troisième couronne de 32 quarts (dessin étoilé), représente 360°, étalon- née en quart de 11,25° (ou 11°15’)

 

 

La Roue Pôle-Homme est un cadran compas pour prendre la hauteur de Polaris et par déduction la latitude d’un lieu 

  1. tenir la Roue devant soi, l’axe Nord-Sud dans l’axe du corps Tête/Pied ;
  2. orienter la Roue de manière que la car-dinale EST soit sur l’horizontale ou ligne d’eau ;
  3. trouver l’azimut de Polaris sur le bord extérieur de la couronne, en tendant + ou – le bras qui tient la Roue ;
  4. compter le nombre de quarts de l’EST à Polaris, soit ici : 3 quarts ;
  5. chaque quart valant 15° (cadran-compas de 360°, 15 ° par 24 heures ; ou 11,25°, par 32 quarts), l’exemple donne : 45° ;
  6. La mesure se faisant à minuit et au moment du calcul de l’heure, il est possible de relever la déclinaison de Polaris par rapport au Pôle Nord (+ ou – 3,5°).

Cette valeur sera utilisée pour corriger la hauteur de la Polaire. Cette rectification se fait avec la figure du nombril de l’homme comme ajustement.
Le marin  applique  la  rectification en plaçant la Polaris sur le bord du nombril déformé. Pour l’exemple  ci-contre  et  en  fonction  de la position de la Petite Ourse, il est possible d’ajouter 3,5° à 45°.

Sources utilisées :
Bensaúde Joaquim, ingénieur et historien portugais, a apporté une contribution remarquable à l’ histoire des grandes découvertes maritimes portugaises et en particulier sur le Règlement de l’ astrolabe, appelé aussi Règlement de Munich [1509] et Règlement d’ Évora [1516]. Com’ Nougué Michel, ingénieur et historien français, a contribué à l’ apport de la science nautique arabe avant l’ essor des Portugais. Je
m’ appuie sur son doctorat CNAM.
Beaujouan Guy, Poulle Emmanuel, Les origines de la navigation astronomique du xive au xve siècle, Paris, SEVPEN. [1960]. et Bernard de Maisonneuve, Pierre Garcie dit Ferrande - le routier de la mer, v.1490 - 1502 - 1520, CRHIP, 2015.

Bernard de Maisonneuve, septembre 2019 – garciepierre@gmail.com

Bulletin 2018 Dossiers d'actualité

Vogue avec les vagues

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Le surf pour tous à Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

Lorsque le vent souffle en rafales et balaie le remblai de la «Grande Plage» de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, celle-ci n’en est pas pour autant désertée. De multiples silhouettes, gainées de leurs combinaisons telles des peaux de requin bleu, parsèment l’océan hérissé des pointes mousseuses des vagues, dans un ballet aux mouvements tout à la fois désordonnés et empreints d’une grâce fragile.

Mais qui sont-ils, ces surfeurs obstinés, des sportifs accomplis ou de simples amoureux de la glisse sur la mer ? Et pourquoi notre paisible station vendéenne se transforme-t-elle en émule de Malibu ?

glisse scolaire avec les élèves des Salines – Photo VIE IMG 4109

Le surf sans barrières.

Les immatriculations des véhicules garés près de la plage révèlent des provenances parfois lointaines. Ainsi, quatre étudiants belges avouent avoir choisi ce spot pour leurs vacances en raison du temps plus clément que sur les côtes normandes et parce que les vagues sont assez hautes pour s’amuser, mais plus abordables que celles de Biarritz. Les nombreux restaurants de qualité et aux prix raisonnables constituent un autre atout non négligeable.

 

Le surf, vecteur universel d’énergie. Les nombreux bienfaits du surf sont reconnus, à tous niveaux. Bien sûr, le surf ne peut se pratiquer qu’au bord d’une mer formée. Immédiatement, emplir ses poumons face aux embruns chargés de sel et d’iode procure un sentiment de bien-être.

La spécificité du surf tient au fait qu’il faille passer beaucoup de temps à aller chercher la vague, allongé à plat ventre sur la planche. Il faut ramer de toute la force de ses bras pour dépasser les premiers rouleaux, puis patienter jusqu’à l’arrivée de la « bonne vague». Dans le meilleur des cas, lorsque l’on a réussi à se mettre debout, il faut maintenir la posture idéale pour faire corps avec la vague. Commencent quelques secondes quasi-miraculeuses où le surfeur a trouvé le point d’équilibre parfait entre le ciel et l’eau.

Dans les manœuvres d’approche, toute la chaîne musculaire, des épaules jusqu’au bas du dos, est mise en œuvre. Puis souplesse, agilité et équilibre sont requises pour se redresser et les jambes vont devoir fournir un effort pour s’adapter à cet exercice périlleux et se stabiliser. En conséquence, c’est l’ensemble du corps qui est sollicité, raffermi, redressé, jour après jour, séance après séance.

Mais le mental profite également des bienfaits de la pratique du surf. L’effet bénéfique du sport en général a été reconnu officiellement par la loi du 26/01/2016, qui permet au médecin de prescrire la pratique d’un sport à titre de soin. Notamment, l’effort physique a pour résultat, comme tout sport, de secréter les endorphines qui « agissent sur les zones du cerveau qui captent les opiacés (morphine par exemple), en particulier des zones associées à la perception de la douleur ». (1) Ceci est particulièrement vrai pour les sports d’endurance, dont les effets se font ressentir après une durée minimale de trente minutes. A cette sensation de bien-être, le surf associe de la notion de jeu, de confrontation avec les éléments et avec ses propres capacités. Le surfeur, contrairement à une image extérieure un peu artificielle doit cultiver l’humilité. Il n’est qu’un fétu de paille sur sa planche, face à l’immensité de l’océan. Mais quelle récompense lorsqu’il parvient à se redresser et à épouser les larges mouvements du dos rond de la vague, ne serait- ce qu’un court instant. Ce sentiment de réussite ne peut que conforter, voire installer, la confiance en soi, à tout âge, particulièrement vitale lorsqu’on se trouve confronter aux difficultés de la vie. Alors le surf est- il ouvert à tous. Quels que soient l’âge ou les capacités physiques ?

Les prérequis du surf.

L’océan représente un vaste espace de liberté dont chacun peut profiter à sa convenance. Malgré tout, pour la pratique du surf, certaines malformations ou maladies peuvent se révéler rédhibitoires de manières provisoire ou définitive, dans la mesure où elles compromettent la sécurité du surfeur (notamment celles qui concernent la colonne vertébrale, les infections, les problèmes articulaires). Il est donc fortement conseillé de consulter un médecin. Les écoles de surf exigent d’ailleurs la présentation d’un certificat médical de non contre-indication datant de moins d’un an comme le prévoit la législation (2) ; En revanche, le handicap n’interdit pas la pratique du surf, bien au contraire. C’est ainsi que l’école de surf labellisée de la SEMVIE met en application le programme de l’association nationale Handi surf, dans le cadre de la délégation pour le développement du Handi- surf par la FFS et le ministère des sports. Elle offre un encadrement spécifique et des installations adaptées, ainsi qu’une pédagogie rapprochée. Que le sportif soit allongé ou debout, il peut faire corps avec l’océan et se nourrit de l’énergie de la vague.
De même, le Surfing Club Saint-Gilles met l’un de ses professeurs à la disposition d’un sportif de haut niveau handicapé, Philippe Naud, afin de le préparer pour les JO de 2020 à Tokyo. Il a également été sélectionné pour les Championnats du monde Handi surf, qui se tiennent en Californie fin 2017 (3).

Une pratique scolaire en expansion.

Comme tout sport, une pratique du surf dès le plus jeune âge permet d’acquérir les bases de manière plus progressive et plus solide. Dans ce but, les écoles et collèges de Saint-Gilles-Croix-de-Vie ont mis en place des structures et un programme à partir de l’école primaire.

Ainsi, au niveau des classes de CE2, deux éducateurs sportifs de l’école de la SEMVIE (avec quatre accompagnateurs) ont dispensé une dizaine de séances d’initiation en mai-juin 2017 sur la Grande Plage. Les élèves, après avoir apprivoisé l’élément « eau» et une simulation sur le sable, ont pu goûter à la joie de glisser sur des planches «école».

Puis, dès la 5ème, les collégiens volontaires, notamment ceux éloignés du littoral, peuvent choisir l’option surf, pour des séances hebdomadaires. En vue de la compétition, cette possibilité est complétée par des classes « section surf » en 5ème et 4ème, après une sélection tenant compte du niveau de surf et du niveau scolaire. Ainsi, les élèves bénéficient de deux séances de trois heures par semaine et peuvent effectuer des stages dans d’autres spots, voire s’engager dans la compétition. N’oublions pas la perspective de l’ouverture d’un lycée en septembre 2021 et de la possibilité de la création d’une section sport-études consacrée au surf.

Les offres complémentaires des écoles de surf

Le « paysage surf » de Saint-Gilles-Croix de-Vie, étoffé au fil des ans, propose trois écoles. Entre le trentenaire Surfing Club Saint-Gilles et la solide école de surf de la SEMVIE, s’est glissée depuis 2016 l’école MAHALO SURF.

*              Le Surfing Club de Saint-Gilles dispense des formations depuis le plus jeune âge. Il s’est également tourné vers la compétition de haut niveau et a engrangé quelques jolies réussites, dont la rideuse Hina Conradi. A 13 ans, elle s’est classée 6ème aux Mondiaux juniors du Japon et va intégrer le Pôle France. Sur cette lancée, elle a remporté la finale européenne du circuit Ripcurl GromSearch en novembre 2017.

Le Surfing Club est à présent le plus important club de France en termes de fréquentation. Le club est non seulement ouvert chaque jour pendant la saison, mais propose des entraînements deux fois par semaine pour les jeunes intéressés par la compétition. Le club accueille régulièrement des compétitions « fédérales» sur la Grande Plage.

Comme expliqué plus haut, le club est également fortement engagé aux côtés d’un sportif de haut niveau handicapé, Philippe Naud.

Le club n’oublie pas son rôle en matière de prévention des accidents et de formation aux gestes de premier secours. Avec l’association V.I.E., une affiche a été conçue pour prévenir les baigneurs des risques liés aux courants d’arrachement (courants entraînant vers le large), présents dans la baie de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

*              L’école de surf de la SEMVIE, inaugurée en 2006, se tourne davantage vers l’initiation et le perfectionnement, dans le cadre d’une pratique globale des sports nautiques et de glisse sur l’eau.

Elle a développé une section handisport étoffée, combinée aux autres activités liées au nautisme (voile et char à voile). Notons que les activités de l’école de la SEMVIE ne se limitent pas aux vacances scolaires, mais ont lieu toute l’année.

*              Pour répondre à la demande croissante de cours de surf à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, l’école MAHALO SURF dispense des formations et propose des stages pendant les vacances scolaires depuis deux ans. Elle mène également les jeunes surfeurs motivés vers la compétition.

Avec la semaine des quatre jours, l’école a élargi son off re aux enfants le mercredi toute la journée, à raison de huit élèves au maximum par séance. La mine réjouie des enfants, quand ils ont réussi à enfourcher une vague, est la meilleure preuve que le surf est un sport autant ludique que valorisant. Et gageons que la vie de nombre de ces graines de sportifs sera impactée par la découverte de cette discipline exigeante mais ô combien exaltante.

Ne vous étonnez donc plus, lorsque vous vous promenez sur le remblai de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, de voir tous ces surfeurs glisser … ou tomber et ne les traitez plus de fous. Ce sont peut-être eux les sages !

Christine Ménard.

Documentation :
 (1)            Article JOGING INTERNATIONAL 02/08/2012 - «Endorphines-courez-vers-le-bonheur» du Docteur Nicolas BOMPARD, médecin du sport.
 (2)            Loi du 26/01/2016 et décret du 24/08/2016 relatifs au certificat médical attestant de l’absence de contre-indication à la pratique du sport.
 (3)            Site internet : https://www.surfi ngfrance.com/ equipe-de-france/equipe-de-france-actus/les5-francais-pour-les-world-adaptive.htlm
Bulletin 2018 Histoire Récits Mémoire

Un métier d’ange gardien

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Noëlle a sans doute été la dernière femme gardien de phare sinon la seule et la première à Saint Gilles- Croix- de- Vie lorsqu’elle eut à faire équipe avec Joël, son mari

Tout a commencé le 1er janvier 1970 quand celui- ci a été nommé aux services techniques à la Mairie de Saint– Gilles Croix -de -Vie. A ce moment-là, monsieur Pateau, titulaire du poste de gardien des Phares et Balises, venait de prendre sa retraite, laissant son poste vacant. Et voilà comment Noëlle, secrétaire comptable de son métier, s’est retrouvée nommée gardien de phare en échange du logement de fonction, des plus spartiates, situé sur l’éperon de Pontchartrain au bout duquel fut installé en 1852, en haut de ladite « tour Joséphine » le premier feu du port (Cf. ci-dessous « Les feux de Saint-Gilles-Croix-de-Vie »).

De fait, c’est le couple qui s’est retrouvé en charge des feux de Croix-de-Vie.

La fonction exigeait une telle disponibilité et des compétences si variées qu’un gardien, retraité, fut dépêché des Sables- d’Olonne, une semaine durant pour initier la nouvelle équipe qui engagea autant Noëlle que Joël, en plus des charges professionnelles de celui-ci.

Ils découvrirent ainsi les subtilités du réglage des horloges, selon la durée du jour, pour chacun des 4 feux du secteur (1). Ils apprirent à changer les manchons des lampes à gaz des feux de la Garenne et de la bouée de Pil’Hours, par tous les temps, à tout moment car l’exposition aux embruns en raccourcit d’autant la longévité. Changer les lampes du feu postérieur dit « Grand Phare », c’était d’embarquer dans l’ascension des 103 marches de son escalier en colimaçon. Il est vrai que la récompense d’une vue exceptionnelle sur le port et le grand large était à la mesure de l’effort.

Le gardien avait aussi la responsabilité de la mini- station météo installée dans le jardin du logement de fonction. Le gardien devait noter chaque jour l’orientation du vent, sa force, le niveau des chutes de pluie, de neige et de grêle. Les états, sitôt établis, étaient transmis à la station départementale de la Roche- sur-Yon. Ce jardin, hébergeait également un zoo, modèle réduit, composé d’un lapin, d’un canard et d’un goéland. A l’heure de la sieste, chacun s’installait sur sa marche de l’escalier menant à la mini-station de météo. Le spectacle ne manquait pas d’amuser les promeneurs.

Les émoluments accordés au gardien comprenaient, outre le logement, la jouissance d’un potager équipé d’un puits et clos de murs le protégeant des embruns. De fait deux ou trois marins, retraités dont Jojo Leblois, en ont assuré la culture avec une joviale efficacité. Ce jardin est aujourd’hui un jardin public qui permet d’apprécier une vue exceptionnelle sur le port tandis qu’un monument érigé en 2014 est dédié à la mémoire des marins péris en mer.

Le soir venu, le gardien entrait en fonction. Il commençait par faire une tournée des feux afin de s’assurer que tout était en ordre de marche pour la nuit. Une deuxième tournée s’effectuait vers 23 heures. Il y eut des nuits mémorables quand, rincé par la pluie, il fallut remplacer la lampe de Boisvinet par gros temps, cramponné aux derniers barreaux d’une échelle glissante arrosée par les vagues qui se ruaient sur le bout de la jetée. L’exercice était tout aussi périlleux au feu de la Garenne dont l’accès à l’échelle en place nécessite de lui accrocher une échelle mobile qu’il fallait récupérer dans le local des Phare et Balises de la Garenne et la porter à l’épaule jusqu’au bout de la jetée quand les vents d’efforçaient de la prendre par le travers. Une nuit, il fallut remplacer le manchon de la lampe à gaz. C’est alors que le corps plié en deux sur le haut de la rambarde de la plateforme, le visage juste au-dessus du brûleur, l’opérateur enflamma le gaz accumulé en approchant l’allumette, se grillant la face sur le champ tandis qu’une manche de son duffle-coat s’enflamma. Remis de ses émotions, Joël revint à la charge car il fallait coûte que coûte assurer le bon fonctionnement du balisage de l’entrée du chenal, surtout par gros temps. Cette fois- ci le diable était de la partie car à la deuxième tentative les gaz s’enflammèrent à nouveaux ! A grands coups de pédales, il a battu ses records de vitesse pour faire le tour du port et alerter de toute urgence Radio Conquet (ce pouvait aussi être Radio Saint- Nazaire). Immédiatement, l’opérateur de permanence informa les navires en mer car la portée des feux de secours était moindre. La situation était particulièrement périlleuse quand le feu de secours n’avait pas pu être mis en marche. Dès le lendemain un électromécanicien intervint sur place. Mais c’étaient les jours et les nuits de brume que le gardien était en alerte. Souvent les gardiens de phare de Noirmoutier et de l’île d’Yeu, voyant la brume arrivée avant lui, l’en prévenait aussitôt. Il fallait que les feux soient visibles. Pour s’en assurer par temps de brume il fallait aller sur place et cela plusieurs fois nuit et jour pour s’en assurer. Il fallait aussi que la corne de brume fonctionne aussi longtemps que les feux n’étaient pas visibles. Le système était activé par la réception, sur le réflecteur situé sous la fenêtre de la façade du feu intérieur, de faisceaux lumineux émis respectivement depuis le poste technique de Boisvinet et du local des Phares et Balises de la Garenne.  Le maintien en état de marche nécessitait de changer toutes les deux heures les convertisseurs situés dans le local technique de Boisvinet dont l’accès était aussi un lieu de rencontre. Une nuit, Noëlle s’y fit agresser.

Remplacé depuis par un système électronique, l’ancien dispositif est encore repérable. Pour preuve, cette année, un oiseau malin a installé son nid sous l’auvent en zinc qui abrite la lunette du local et la Garenne. Il pouvait arriver que la corne de brume s’active par temps clair. Le responsable était souvent un goëland juché sur la lampe et l’occultant. D’autres farceurs pouvaient inquiéter Joël. C’est ainsi qu’un matin il remarqua que le feu de la Garenne avait changé de couleur. Rendu sur place,  il découvrit que dans la nuit on avait tiré sur les durites d’alimentation de gaz et que la réserve annuelle de gaz liquide s’était répandue, se gélifiant sur les flanc de la bonbonne en l’encroûtant de blanc.

Les années passant, les feux d’alignement et d’horizon, virent leurs secteurs partiellement occultés par les constructions comme les immeubles  « Merlin ». C’est alors que le feu dit de « Grosse Terre » fut édifié en 1972, sur la Corniche et placé, lui aussi , dans le périmètre de vigilance du gardien de phare.

En 1991, Joël put prendre sa retraite mais dut rester gardien des feux de Saint-Gilles-Croix-de-Vie jusqu’à ce qu’en 1996, les feux soient dotés de cellules photoélectriques s’allumant automatiquement à la tombée du jour et s’éteignant au jour levant. Dans le même temps, les nouvelles lampes à iode ne nécessitèrent plus un remplacement aussi fréquent.

Mission accomplie pour le gardien des feux de Saint Gilles Croix de Vie.

Aujourd’hui, Joël resté seul à se souvenir, garde en lui un profond respect pour les gens de mer, tant il a eu à approcher, si modestement soit- il, les dangers de leur métier.

Michelle Boulègue à partir du témoignage de Joël Craipeau et des archives personnelles de Bernard de Maisonneuve.

(1) Il s’agissait des deux feux d’alignement situés en face de l’actuelle Mairie et rue Henri Raïmondeau ainsi que des feux de la Garenne et de Boisvinet (situés respectivement au bout des jetées de même nom)